A qui la faute ?

Tarte à la crème de toutes les élections, le mot « changement » n’a jamais été aussi employé qu’au cours de cette campagne présidentielle. Son corollaire, maintes fois répété, a pour nom les « réformes ». C’est donc que ça ne tournait pas rond, n’est-ce pas ? Mais au fait, pourquoi et comment en sommes-nous arrivés là ? Et à qui la faute ?

La grande dégringolade remonte (au moins) aux années Mitterrand, vous savez celui qui s’écriait lors du Congrès d’Epinay (juin 1971) : « Je veux la rupture avec toutes les puissances de l’argent, l’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase, l’argent qui tue, l’argent qui ruine, l’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes ». L’ennemi une fois nommé, les Français ne s’enrichirent jamais autant que sous sa première présidence ! Sauf qu’en parallèle la France s’appauvrissait déjà avec trois dévaluations du franc. Pourquoi ? Parce qu’à considérer l’argent non pas comme un outil mais comme un ennemi, cela conduisait à vivre au-dessus de nos moyens, ce que n’importe quel bon père de famille se refuserait à faire. Quant à la dette, d’après l’INSEE, de 1981 à 1995, elle est passée de 110 Mds (milliards) à 663 Mds d’€. Celle-ci représentait 22% du PIB en 1981 contre 55,5% en 1995, soit + 152,27% en 14 ans ! Il faut croire que ça ne souciait pas trop les Français puisqu’ils réélirent François Mitterrand. Qui est coupable ? Le politicien matois qui dissimulait la réalité ou bien les Français trop contents d’avoir un président les dispensant de quelques sacrifices ? Réponse : les deux !

Une fois établie cette funeste habitude de dépenser l’argent que nous n’avions pas, les successeurs s’empressèrent de continuer sur cette lancée tout en promettant de remettre les finances de la France en bon ordre. Jugez-en plutôt : Sous Jacques Chirac, dette à fin 2002, 912 Mds € ; dette à fin 2007, 1 211,6 Mds €, soit une hausse de + 32,85%. Sous Nicolas Sarkozy, dette à fin 2012, 1 833,80 Mds €, en hausse de + 51,35% sur la durée du quinquennat, avec un début de la crise fin 2007/début 2008. Sous François Hollande, dette à fin 2014, 2 037,80 Mds €, dette à ce jour 2 204 Mds d’€, soit près de 98 % de notre PIB. Et l’on voudrait applaudir à ce « brillant » résultat de celui qui avait comme slogan de campagne « Mon ennemi, c’est la finance » alors qu’il fut bien content de trouver des prêteurs pour boucler les fins de mois de l’Etat ? Plus exactement, ce qu’il faut comprendre c’est que les Français, grands amateurs de réformes et de changements, sont d’accord pour que tout change à condition que rien ne change. La révolution dans l’immobilisme…

Entretemps, les 35 heures se sont installées avec l’illusion pernicieuse qu’il serait possible de gagner plus en travaillant moins ; et tant pis si d’un seul coup nos entreprises se sont retrouvées avec un handicap de + 11% sur leurs coûts salariaux par rapport à leurs concurrents ; conséquence, des dizaines de milliers d’usines, de sociétés, ont dû soit délocaliser, soit déposer le bilan. Qu’importe, les Français pouvaient savourer cette fameuse exception qui faisait de nous les champions de l’oisiveté. Comme il fallait bien financer toute cette orgie de dépenses supplémentaires, la dette n’y suffisant plus, on augmenta les impôts et les taxes en tous genres jusqu’à la nausée, spoliant des millions de citoyens des classes moyennes des fruits de leur travail. Qui faut-il blâmer ? Les dirigeants successifs qui, par peur de n’être pas réélus, n’osèrent pas arrêter cette gabegie où tout le monde est perdant ? Ou bien les Français qui, gavés d’argent public, se moquaient des jours à venir comme de leur première couche-culotte, laissant aux générations futures le soin de se dépatouiller avec une dette de 32 000 € par personne, bébés inclus ? J’ai tendance à mettre l’ensemble des Français au banc des accusés, les politiques n’étant que les marionnettes servant de fusibles faciles.

Pour le second tour, d’un coté, nous avons un candidat ayant bien du mal à ne pas se présenter comme l’inspirateur du président sortant, dont le programme ne porte pas de changement radical quant à cette désastreuse habitude de vivre à crédit; il est permis de se demander jusqu’à quand les prêteurs voudront bien nous avancer de quoi payer ne fut-ce que les intérêts de la dette (en 2016, 44,5 milliards d’€, soit le 4e poste de dépenses de l’Etat); d’un autre coté, nous avons une candidate, vierge de toute implication politique nationale à ce jour, dont le programme économique nous annonce de façon certaine une envolée des dépenses d’au moins 145 milliards d’€. Quel que soit le choix des Français, nous prolongerons ces décennies d’argent faussement facile et plus le temps passera plus nous nous rapprocherons de la situation de la Grèce à présent sous la quasi-tutelle du FMI… A qui la faute ? A ce peuple incapable de prendre véritablement en mains son destin. Les réveils seront brutaux !