France Mourey : la réminiscence d’acquis contre Alzheimer

Si les chercheurs ont bien mis en lumière les mécanismes de production des lésions, ils n’ont pas encore identifié les causes de leur apparition. L’origine exacte de la maladie d’Alzheimer demeure donc encore méconnue et les médicaments pour l’enrayer ou en atténuer les effets neurodégénératifs ne seront pas au point avant 20 ans. D’où l’intérêt de déboucher sur des thérapeutiques alternatives. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il y aurait environ 47,5 millions de personnes atteintes de démences dans le monde – 850 000 en France, dont 60 à 70% de la maladie d’Alzheimer. Dans le cadre du Salon des Seniors, Dijon L’Hebdo a rencontré France Mourey, kinésithérapeute de formation, spécialiste du vieillissement, professeure à l’Université de Dijon rattachée au laboratoire CAPS (Cognition, Action et Plasticité Sensorimotrice) de l’INSERM. Les travaux et les enquêtes de France Mourey lui valent une reconnaissance au plan national.

Dijon l’Hebdo : En quoi les ateliers de musique et tango, ainsi que La « Caravane de la Mémoire » paraissent contribuer au mieux-être des patients ? Quelles perspectives pourraient ouvrir la cohorte – c’est-à-dire l’étude réalisée dans le cadre de la Caravane de la mémoire ? Peut-on y voir là la possibilité d’une prévention de cette maladie neurodégénérative ?

France Mourey : « Tout d’abord, je tiens à préciser qu’on peut observer de légers troubles de la mémoire chez une personne, sans que celle-ci soit atteinte d’Alzheimer. Le diagnostic ne peut être posé qu’au terme de plusieurs consultations, examens, tests … Lorsqu’une maladie neurodégénérative s’installe, elle s’accompagne d’une tendance à accomplir de moins en moins de mouvements, à une perte d’intérêt général. Les conséquences de la sédentarité conduisent à un huis-clos tragique. Jusqu’ici, la recherche s’était portée sur l’aspect cognitif, c’est-à-dire les troubles de la mémoire – principalement ceux de la mémoire immédiate. Depuis quelque temps, on s’intéresse à d’autres symptômes dont les troubles-moteur. Voilà pourquoi on essaie de solliciter le malade via la musique : le rythme, la dynamique provoquent une réminiscence d’acquis chez le patient. On parvient par le biais des ateliers musique/chants/tango à faire retrouver au malade des bribes d’autonomie. J’ajoute que cette approche nouvelle lui procure du plaisir et amorce un lien social : nous constatons un mieux-être chez les malades. A mes yeux, c’est primordial ! Cependant, on ne peut pas parler de prévention à l’heure actuelle. Reste que ces ateliers de musique et de danse sont bénéfiques : faire mémoriser le rythme ainsi que les pas de tango à des patients, c’est solliciter la mémoire motrice. C’est parvenir même brièvement à faire sortir les malades de leur apathie, en leur procurant des instants de bonheur. Instants que retiendra parfois une mémoire désormais sporadique… »

Propos recueillis par Marie-France Poirier