Plus blanc que blanc…

Vous vous souvenez certainement du célèbre sketch du regretté Coluche sur les lessives… Il s’interrogeait comme ceci : « Parce que moi, blanc, je sais ce que c’est comme couleur … C’est blanc ! Moins blanc que blanc je me doute, ça doit être gris clair. Mais plus blanc que blanc, qu’est-ce que c’est comme couleur ? C’est nouveau, ça vient de sortir ! ». En fait, cette couleur, c’est transparent. Cette transparence qui semble devenue la couleur universelle de toute vie politique !

Quelques médias s’en délectent, en font leurs choux gras, se posant invariablement en possesseurs auto proclamés d’une vertu qu’ils ne s’appliquent pas vraiment à eux-mêmes. Transparence pour les autres oui, indignation sélective à tout va, timing savamment orchestré, ils appellent ça faire leur boulot d’informateurs. Quelle blague ! Non pas que je sois choqué qu’ils mettent au grand jour les petites turpitudes de tel ou tel candidat mais j’aimerais qu’ils le fassent pour TOUS les candidats. Entre ce qui est légal et ce qui est moral, le fossé s’étale au grand jour, comme si nous ne le savions pas déjà. Comprenez-moi bien, je ne veux en aucune façon me faire le défenseur de quiconque a été pris la main dans le pot de confiture de l’argent public, pas plus que je ne souhaite banaliser ces pratiques au motif qu’elles seraient tellement répandues qu’il faudrait quasiment les absoudre ; ce qui me gêne, c’est que ce soient nos représentants élus qui aient mis en place un système dont ils profitent largement tout en clamant, la main sur le cœur, qu’il convient désormais de mettre un terme à ces pratiques ; plus faux-culs, tu meurs ! Prenons l’exemple de l’IRFM, acronyme pour « Indemnité représentative de frais de mandat », perçue par nos députés et nos sénateurs…

Le député (PS) de l’Aisne René Dosières, grand scrutateur des dépenses de l’Etat, affiche sur son blog une transparence louable qu’on aimerait rencontrer chez tous nos élus ; il en détaille le montant et le fonctionnement (daté de 2014) : « Pour faire face aux frais liés à l’exercice de son mandat le député perçoit mensuellement une somme de 5 770 euros bruts (5 308 euros nets) dénommée IRFM. Cinq grandes catégories de dépenses sont possibles : Les frais liés à la permanence (à sa location comme à son fonctionnement) et à l’hébergement à Paris ; les frais de transport (acquisition et utilisation d’un véhicule) ; les frais de communication ; les frais de représentation et de réception ; les frais de formation ». Fort bien. Sauf que personne ne vérifie ces dépenses ! Et René Dosières de préciser que ce montant échappe à l’impôt et ne saurait être contrôlé car « l’absence d’un contrôle des dépenses par l’administration fiscale se justifie par la séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif, séparation qui constitue une règle fondamentale du régime démocratique ». Bon sang, mais c’est bien sûr, se serait exclamé un commissaire ! En vertu de cette simple affirmation, passez muscade, on fait ce qu’on veut de cet argent et les contribuables sont priés de verser leurs impôts pour financer cette indemnité. CQFD !

Pour les sénateurs, elle se monte à 6 073,45 € / mois (source site du Sénat daté de juillet 2016) ; pour les députés elle se monte à 5 840 € bruts (source site de l’assemblée nationale au 1er février 2017). Multipliez par le nombre de députés (577) et de sénateurs (348) et vous obtiendrez sur 15 ans – période qui semble à la mode, allez savoir pourquoi –, la bagatelle de 383. 810 588 € (en € constants), montant bien supérieur au coût d’une éventuelle attachée parlementaire, eut-elle été employée à l’insu de son plein gré, ce qui reste à démontrer… Eh bien, bizarrement, sur cette somme colossale, pas de remue-ménage dans ces médias, comme s’il y avait une sorte d’omerta complice sur la fameuse transparence pourtant réclamée à cor et à cri par ces nouveaux inquisiteurs, grand prêtres devant la populace anesthésiée par les écrans de fumée judicieusement ( ?) choisis par ces pères-la-vertu…

Allons jusqu’au bout de cette fameuse IRFM : Le 19 juillet 2012, l’amendement proposé par le député centriste Charles de Courson visant au contrôle de cette indemnité a été rejeté à l’assemblée nationale par 108 voix contre et 24 voix pour. Commentaires de deux élus intervenant dans le débat : « C’est un vrai sujet. On peut le régler entre nous » (député PS Pierre-Alain Muet) ; le président du groupe UMP Christian Jacob jugeait que « cela relevait du bureau de l’Assemblée ». On le voit, ce n’est pas demain que nos élus vont se plier aux règles qui s’imposent tout naturellement au quidam moyen, salarié ou chef d’entreprise, lequel doit produire des justificatifs sans lesquels l’URSSAF prononce systématiquement des redressements particulièrement salés.

Alors, Mesdames, Messieurs les élu(e)s, avant de vous mettre à hurler avec les loups sur des principes moraux qui seraient bafoués par tel ou tel, il nous serait agréable, ès qualité de contribuables, que vous vous appliquiez à vous-mêmes les règles que vous imposez au reste du peuple de France qui, je le rappelle, est le seul à financer vos revenus et vos dépenses.

Les pendules ayant été remises à l’heure, si on se mettait vraiment à parler des programmes des candidats ? Il paraît qu’il y a une élection présidentielle très prochainement…

Jean-Pierre COLLARD