Vous l’avez certainement entendu : « Un fichier S a été arrêté à la Toison d’Or et des plans du centre commercial ont été découverts dans ses affaires »… Et, comme beaucoup, vous avez dû trembler ! Et, pourtant, ce n’était pas une information mais une rumeur. Décryptage de ce poison…
Dites le donc puisque cela vous démange la langue… Comme moi, vous avez entendu dans le courant du mois de décembre cette information inquiétante : « Un fichier S a été interpellé à la Toison d’Or. Dans son sac à dos se trouvaient les plans du centre commercial… » Deux phrases. Deux petites phrases qui ont semé le doute, les spéculations les plus fantaisistes, et déclenché des centaines d’appels sur les centraux téléphoniques du commissariat de police, des gendarmeries et de la Ville de Dijon.
Ces fêtes de fin d’année 2016 ont marqué le grand retour de la rumeur, façon « y a pas de fumée sans feu ». Il est vrai que dans le contexte actuel, une rumeur comme celle-ci avait toutes les chances d’être crédible. Le plus déconcertant, quand on s’intéresse aux rumeurs, n’est pas tant qu’elles soient vraies ou fausses. Le plus troublant est que la croyance en des rumeurs n’est pas le privilège des naïfs et des crédules. Elles nous concernent tous. Elles alimentent les conversations du peuple comme celles des élites, que ce soit au bistrot, au restaurant, au supermarché, au bureau, dans les clubs de sport, dans les associations, chez soi… Et la curiosité publique, c’est comme un incendie : l’alimenter ne la rassasie pas, mais au contraire ne fait qu’augmenter son appétit.
Les grandes rumeurs dijonnaises
A Dijon, on avait connu ces histoires de vipère qui avait mordu un enfant sur un manège de chevaux de bois, place François-Rude, l’enlèvement de jeunes femmes dans des cabines d’essayage d’un grand magasin de prêt à porter de la rue de la Liberté, ce rat des Seychelles qui était revenu dans les bagages d’un couple de touristes… Et le plus étonnant, parfois, c’était de rencontrer des personnes colportant ces rumeurs sur un ton péremptoire, qui prétendaient connaître la famille éloignée de l’enfant piqué par le serpent, avoir aussi rencontré une amie de la copine de la sœur d’une des jeunes femmes disparues ou bien encore qui habitaient sur le même boulevard que ces vacanciers dijonnais terrorisés par le gros rongeur échappé de son île… Et force est de reconnaître que les médias, friands de rumeurs tout en les brocardant, les propagent souvent plus qu’ils ne les combattent. D’ailleurs, où finit la rumeur et où commence l’information ?
Depuis que l’humanité parle, les on-dit circulent. L’apparition progressive d’autres moyens de communication (l’écriture, la presse, le cinéma, la radio, la télévision, internet, les réseaux sociaux…) a fourni des relais autrement plus puissants que la seule parole à ces bruits qui courent.
De la plus oiseuse à la plus odieuse, qu’elle soit nauséeuse et dévastatrice, la rumeur fait partie de notre quotidien. Une chose est certaine, c’est qu’elle circule partout et qu’elle remplit une fonction de liant dans les relations de sociabilité entre les personnes. Et l’haleine du vent, alimentée par l’actualité, distille sans relâche dans les esprits le poison de la rumeur, de la jalousie, de l’envie.
Ainsi va la vie.
Jean-Louis PIERRE