Chose très rare, l’Italie ne sera pas en compétition au festival de Cannes cette année. Pour combler ce manque, rendez-vous au festival « CINEVOCE » du 6 au 17 mai dans notre capitale bourguignonne : l’occasion de rencontrer des réalisateurs et acteurs, et de rendre hommage à un comédien hors pair, à la filmographie exemplaire, qui aura fait des choix audacieux et tourné avec les plus grands : Franju, Cavalier, Clouzot, Costa-Gavras, Robbe-Grillet, Chabrol, Rohmer, Bertolucci, Deville, Scola, Truffaut, Téchiné, Blier, Kieslowski, Audiard, Haneke …
Soixante ans de carrière, plus de cent trente films à son actif, Jean-Louis Trintignant est sans aucun doute, avec Jean-Paul Belmondo et Alain Delon, le plus grand acteur français de sa génération. Si les trois monstres sacrés ne se croisent que très rarement sur les plateaux – ils sont ensemble à l’affiche de Paris brûle-t-il (1966) de René Clément, puis Delon et Trintignant se partagent la vedette de Flic Story (1975) de Jacques Deray – il arrive aux trois hommes d’être en concurrence sur des projets : c’est Trintignant qui devait jouer au côté de Gabin dans Mélodie en sous-sol (1963) d’Henri Verneuil avant que Delon ne s’impose à la production en proposant de ne toucher aucun cachet …
Les trois acteurs ont aussi la particularité d’avoir fait une carrière italienne. Belmondo sur une courte période (1960-1963) avec des rôles qui ne seront pas les plus marquants de sa filmographie, mais qui lui permettront de jouer aux côtés des plus grandes (et bellissime) actrices de l’époque : Sophia Loren dans La Ciociara de Vittorio de Sica, Pascale Petit dans La Novice d’Alberto Lattuada, Claudia Cardinale dans La Viaccia de Mauro Bolognini, enfin Gina Lollobrigida dans La mer à boire de Renato Castellani. Delon au contraire construira sa légende en tournant exactement à la même époque avec Visconti et Antonioni : Rocco et ses frères (1960), L’Eclipse (1962) et Le Guépard (1963).
Et Trintignant ? Dès 1962, il est avec Vittorio Gassman dans Le Fanfaron de Dino Risi, et il ne cessera pendant vingt ans de tourner en Italie avec les plus grands. Le festival CINEVOCE a l’excellente idée de rendre hommage à celui qui fut révélé au côté de Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme voilà soixante ans. Les trois films projetés, qui ne sont peut-être pas les plus connus de l’interprète d’Un homme et une femme, représentent trois genres bien particuliers du cinéma transalpin : le « giallio » (thriller érotique dont les maîtres furent Mario Bava et Dario Argento) avec La mort a pondu un oeuf (1968) de Giulio Questi, le western spaghetti au sommet de son art pour Le grand silence (1968) de Sergio Corbucci mis en musique par Ennio Morricone, et la satire sociale avec La femme du dimanche (1975) de Luigi Comencini.
Dans ce film politique tiré d’un roman à clef sur le milieu turinois, la ville joue un rôle à part entière : l’étude des rapports de classe intéresse plus Comencini que l’intrigue policière en elle-même. Au côté de Jean-Louis Trintignant, on retrouve Marcello Mastroianni impeccable et Jacqueline Bisset au faîte de son talent et de sa beauté. Politique, l’œuvre de Giulio Questi, expérimentateur underground, l’est également : il livre avec La mort a pondu un oeuf, un des plus étranges thrillers psychologiques sixties et une charge sans concessions contre la bourgeoisie. Pour Pauline de Raymond, programmatrice à la Cinémathèque : « Trintignant incarne un héros de la mauvaise conscience pris dans un jeu dangereux : le meurtre de prostituées. Stylé et impassible, il est le loup dans la bergerie – très beau plan à consonance symboliste de l’acteur au milieu des poules blanches. » Ne boudons pas alors notre plaisir de retrouver un acteur que l’on aime dans des films inattendus, graphiques, réalistes ou engagés, et de croiser metteurs en scène et comédiens dans un festival qui met en lumière celles si particulières de l’Italie.
Raphaël MORETTO
CINEVOCE, festival de cinéma italien à Dijon :
Le crime du sommelier, film policier de Ferdinando Vicentini Orgnani
Séance en présence du réalisateur et de Lambert Wilson le vendredi 6 mai.
Par amour, drame de Giuseppe M Gaudino avec Valeria Golino
Séance en présence du réalisateur le jeudi 12 mai.
Trintignant, l’Italien
Séances le lundi 16 mai pour les trois films.
Pecore in erba, documentaire d’Alberto Caviglia avec Davide Giordano et Anna Ferruzzo
Séance en présence du réalisateur le mardi 17 mai.
Mauvaise graine, drame judicaire de Claudio Calvani avec Luca Marinelli et Alessandro Borghi
Le garçon invisible, film fantastique de Gabriele Salvatores avec Ludovico Girardello et Valeria Golino
L’amour ne pardonne pas, romance de Stephano Consiglio avec Ariane Ascaride
Programme complet au Cinéma Devosge et sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=Ojityt9mTu8