Le lendemain de la nomination de Michel Barnier à Matignon, le maire de Chenôve, Thierry Falconnet, dénonçait un véritable « déni démocratique ». Directeur de campagne de Pierre Pribetich sur la 3e circonscription – le candidat du Nouveau Front Populaire qui s’est imposé lors des élections législatives –, le premier magistrat de la 2e ville de la métropole revenait aussi sur les récents événements politiques qui ont fait trembler les fondations de la République. Et de livrer son analyse sur ce qu’il qualifie de « catastrophe démocratique… » Morceaux choisis de cet entretien politique…
Avant d’aborder les événements politiques proprement dits, comment s’est déroulée la rentrée scolaire dans votre commune qui compte le seul Réseau d’éducation prioritaire renforcé de l’Académie de Dijon ?
« Elle s’est particulièrement bien passée. L’Éducation est une priorité budgétaire, mais aussi en termes de projet politique à Chenôve où nous avons 12 écoles, 6 groupes scolaires dont 4 en Réseau d’éducation prioritaire renforcé. C’est une Cité éducative qui vit particulièrement bien et tout un ensemble de dispositifs d’accompagnement scolaire, d’aide aux devoirs, de soutien à la fonction parentale. Chenôve est, je peux l’affirmer, exemplaire sur le plan de l’équipement numérique des écoles, avec un renouvellement régulier du parc, une mise à disposition de tous les élèves de CM1 et CM2 d’un ordinateur portable de type Chromebook.
Nous avions pris cette décision à la suite de la crise sanitaire et face au constat de l’énorme fracture numérique. Nombre d’enfants n’avaient pas les moyens d’être dans une continuité pédagogique durant les confinements. Je rappelle que les inégalités sociales qui frappent Chenôve – 26% de la population sous le seuil de pauvreté – s’accompagne d’autres inégalités, dont les inégalités scolaires avec des enfants qui n’ont pas tous les mêmes chances, au départ, de réussite. L’éducation, c’est un pari sur l’avenir, le pari républicain de la méritocratie par l’École, celui d’amener les jeunes générations à s’insérer dans la société. Nous nous donnons tous les moyens de le réussir.
Cela a représenté 280 000 € de travaux réalisés cet été, 40 000 € investis sur le numérique. C’est également la poursuite de la végétalisation des cours d’écoles car, je le rappelle, Chenôve a été la première collectivité de la métropole à désimperméabiliser les cours de ses écoles. Et ce, afin d’offrir un meilleur cadre de vie et d’étude… En lien avec l’Éducation nationale et les services de l’État, nous poursuivons aussi, grâce à la Politique de la Ville, notre programme de réussite éducative. Lorsque je suis devenu maire en 2015, 60 enfants étaient concernés, et aujourd’hui nous en sommes à plus de 180 sur l’ensemble des quartiers ».
Vous qui avez toujours combattu le Rassemblement national, comment avez-vous vécu, au mois de juin, la période où beaucoup annonçaient Jordan Bardella à Matignon ?
« D’abord un constat partagé par bon nombre de responsables politiques : jamais la société française n’a été autant fracturée, autant traversée par des antagonismes, par des tensions, par des oppositions d’abord sociales ! Gilets jaunes, réforme des retraites, inflation, pouvoir d’achat… tout cela était au cœur des préoccupations de nos concitoyens et tout cela a été maltraité, méprisé par le Président de la République et par sa majorité relative à l’Assemblée Nationale.
Le responsable de cette situation, c’est Emmanuel Macron ! Sa dissolution était un coup de poker. Je l’ai dit à ce moment-là et la formule a été reprise. Nous avons un Président de la République qui a décidé de jouer au poker avec la France. Ce n’est pas digne de la fonction présidentielle. Par la Constitution, il est le garant de la stabilité de nos Institutions et du rôle de l’État comme régulateur des antagonismes. Force est de constater que non seulement la situation ne s’est pas améliorée mais qu’elle s’est aggravée.
A celles et ceux qui rejettent aujourd’hui la responsabilité sur les autres, et notamment sur la Gauche – j’entends ici ou là qu’elle aurait généré une situation de blocage à l’occasion de la nomination du Premier ministre – je m’inscris totalement en faux. Le responsable de cette situation est le Président de la République qui, depuis 7 ans, mène une politique qui a renforcé les conflits sociaux, voire sociétaux, dans la société française. Aujourd’hui nous avons 160 députés RN, élus par plus de 10 millions de nos concitoyens. Cela devrait interpeller le chef de l’État qui aurait pu empêcher cette catastrophe démocratique en prenant les mesures adéquates ».
Mais, in fine, à l’issue des élections législatives, c’est le Nouveau Front Populaire qui est sorti en tête…
« Le Nouveau Front Populaire est arrivé en tête, c’est une coalition à laquelle le PS a contribué. Je reste partisan de l’union des gauches, sans compromis ou compromission sur certains points. Je ne suis ni macroniste ni mélenchoniste, je suis socialiste. Je suis un homme d’équilibre, pondéré, et je pense que le Nouveau Front Populaire aurait pu être une force de gouvernement d’équilibre par rapport à ce qui nous proposé aujourd’hui ».
Vous vous êtes particulièrement impliqué sur la campagne dans la 3e circonscription… où votre candidat, Pierre Pribetich s’est imposé face au RN.
« J’ai été directeur de campagne de Pierre Pribetich, candidat du Nouveau Front populaire sur la 3e circonscription. Je rappelle que la députée-ministre sortante est arrivée en 3e position. C’est un camouflet pour elle, pour la macronie, pour toute celles et tous ceux qui l’ont soutenue, au premier rang desquels le sénateur François Patriat.
La 3e circonscription est une petite France, à la fois très urbaine, avec des quartiers populaires, et très rurale. Si l’on observe les résultats, nous avons un assez bon résumé de ce qu’est la France aujourd’hui : une France urbaine qui dispose de services publics de proximité, de mobilités, de la dynamique économique et une France périurbaine, rurale, où il n’y a quasiment plus de services publics. Celle-ci vote en majorité RN, pas par racisme ou xénophobie, mais parce qu’elle a le sentiment d’avoir été abandonnée et surtout que la reproduction sociale, au sens de Bourdieu, s’opère à ses dépens avec un fatalisme ancré dans le territoire.
Oui, Pierre Pribetich en a parfaitement conscience, et je sais pour bien le connaître qu’il sera un député actif au Parlement, qu’il défendra le programme du PS et le NFP bien sûr, mais qu’il saura porter aussi les aspirations de nos concitoyens ayant exprimé dans les urnes leur colère face à l’isolement et au déclassement ».
Quelle est votre réaction à la nomination de Michel Barnier à Matignon ?
« Sa nomination est un déni démocratique, puisqu’issu de la Droite républicaine, disposant de seulement 46 députés à l’Assemblée nationale. Pour qu’il soit nommé, il a fallu que le Président de la République obtienne l’imprimatur de Marine Le Pen et du RN. Si bien que nous sommes aujourd’hui dans une situation politique inédite avec un Premier ministre issu du groupe le plus minoritaire de l’Assemblée nationale et pris en otage par le RN. En outre, le Président de la République n’a pas respecté le vote des électeurs qui ont placé la gauche rassemblée en tête aux élections avec toutes les aspirations sociales que j’évoquais précédemment.
C’est donc une situation dramatique pour le pays… Je ne sais pas quel sera le sort réservé aux collectivités territoriales. J’entends déjà les accusations par rapport à la dette de l’État mais les 3 000 milliards de dettes n’ont pas été contractés par les collectivités locales à ce que je sache ! À ce titre, les futures élections sénatoriales seront des élections majeures pour que soit réaffirmée au Sénat la place des communes notamment au sein de l’équilibre institutionnel républicain… »
Vous étiez donc favorable à la nomination de Lucie Castets ?
« En tout cas, je souhaitais un ou une Premier(e) Ministre issu(e) des rangs du NFP. Le nom de Bernard Cazeneuve a été évoqué. À ma connaissance, il n’est pas issu du NFP. Il a été, je cite, un compagnon de route du PS, ministre de François Hollande mais, depuis, il n’a pas soutenu la démarche du NFP ».
Comment appréhendez-vous cette nouvelle donne politique et comment voyez-vous l’avenir… proche ?
« Nous sommes dans une situation inédite par sa gravité. J’espère que les personnes qui conseillent le Président de la République, elles, ont conscience de l’état dramatique politique, social et économique dans lequel se trouve le pays aujourd’hui. En prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale, le Président a perdu son coup de poker. Il continue de jouer un jeu dangereux en ignorant le verdict des urnes ; il crée les conditions d’une opposition encore plus radicalisée contre ce qui est un déni démocratique. La rentrée sociale va être particulièrement tendue et cette manipulation politique est un ingrédient supplémentaire pour que la société française explose.
Je suis très inquiet – à la place qui est la mienne, celle de maire d’une commune populaire, d’une commune aussi marquée par les inégalités, d’une commune nécessitant une action publique forte – de ce que sera l’avenir. Pas celui de Michel Barnier – son avenir est plutôt derrière lui ! – mais de l’avenir de la France. Il est donc impératif que la Gauche dans son ensemble, le PS en particulier, soient encore plus responsables qu’ils n’ont pu l’être ces derniers temps, que la Gauche reste unie et qu’elle continue de penser à ce que pourrait être une nouvelle République. À une République plus démocratique, plus écologique et plus sociale… »
Propos recueillis par Xavier Grizot
De nombreux projets
« Nous avons beaucoup de projets cette année à Chenôve, avec, comme point d’orgue, l’inauguration du Parc les 24 et 25 mai 2025. Cette manifestation d’envergure sera ouverte à l’ensemble de la population de notre ville, mais plus largement de toute la métropole car ce sera une réalisation exemplaire sur le plan environnemental et écologique que la 2e ville de la métropole va concrétiser avec ses près de 2 ha végétalisés en cœur de ville.
Nous lancerons lors de notre Fête de la République, le 21 septembre, la consultation citoyenne pour la dénomination du Parc. Le même jour se déroulera le Brevet du randonneur revisité, combiné avec un mix’trail urbain et nature. Nous aurons également l’occasion de fêter dignement les 10 ans du Cèdre avec un choix délibéré de la municipalité de laisser libre cours à l’expression artistique locale. Ce sera donc scène ouverte devant le Cèdre l’après-midi, suivie d’une une soirée dansante, avec un apéritif participatif, afin que les habitants puissent se retrouver pour un moment de joie, de partage et de Fraternité ».