La restauration scolaire représente un véritable enjeu pour les producteurs locaux. Après la colère des agriculteurs, nous avons tenu à faire le point sur la situation à Dijon. L’adjoint Franck Lehenoff, le « Monsieur Éducation » dans la capitale régionale, nous détaille le modèle développé afin de « faire le lien avec les producteurs locaux ».
La restauration collective représente l’un des débouchés pour les producteurs locaux. Qu’en est-il à Dijon ?
Franck Lehenoff : « Un retour en arrière est nécessaire pour répondre à cette question. La première équipe pilotée par François Rebsamen a construit la Cuisine centrale en régie en 2004, ce qui a permis d’avoir une vraie liberté dans la confection des repas. Dès 2010, une véritable accélération sur la qualité des repas s’est opérée, avec une augmentation assez forte de la part du bio. Depuis 3 ans, cette accélération s’est accentuée, à tel point que nous dépassons les critères de la loi Egalim, à savoir 50% minimum des produits de qualité et durables. Nous sommes à 58% en 2023 avec des produits issus de l’agriculture biologique atteignant 37%. Et nous avons plus de 20% de produits locaux ».
Quels dispositifs avez-vous mis en place pour travailler pleinement avec les producteurs locaux ?
« Dès 2020, nous avons effectué tout un travail de sourcing, c’est à dire que nous avons rencontré chaque producteur de la région afin d’avoir des lignes de produits différenciés. Au lieu de passer par de grandes plateformes industrielles, nous avons pris notre bâton de pèlerin afin de connaître leurs capacités de production et établir une rémunération au juste prix. Si bien que nous avons plus de 500 lignes de produits, à la différence de nombre d’autres cuisines centrales qui ne composent qu’avec une quinzaine de lignes ».
Pouvez-vous nous en dire plus sur les achats du dernier mois ?
« On s’aperçoit que sur les légumes achetés, 55% viennent de Bourgogne Franche-Comté, les 45% restant de France. Nous n’avons pas de légumes achetés aujourd’hui dans l’Union Européenne. Sur les produits laitiers, hors fromage, nous avons 61% de local et bio. Si on parle de rémunération, nous sommes à un prix moyen d’achat de légumes à 2,39 € le kg ».
Inaugurée en mai 2023, la légumerie métropolitaine y participe également…
« La légumerie portée par mon collègue Philippe Lemanceau, vice-président de Dijon métropole en charge de la transition alimentaire, nous permet en effet d’accentuer le lien avec les producteurs, notamment ceux de la plateforme « Manger bio Bourgogne ». La légumerie est un véritable levier aussi pour garantir aux producteurs une juste rémunération. Nous avons par exemple deux fois par semaine des menus sans viande et la légumerie nous permet de rediscuter chaque mois avec les producteurs le prix des légumineuses. Il est très étonnant qu’au conseil métropolitain de décembre l’opposition de droite se soit abstenue sur le budget de la légumerie et sur le tarif proposé aux producteurs alors que nous ne sommes que sur des produits bio et locaux…»
Et vous conjuguez proximité et qualité…
« La qualité des menus est au cœur de notre travail. Nous œuvrons avec une diététicienne à la Cuisine centrale mais nous intervenons aussi auprès des jeunes, avec l’INRAE, par le biais du programme Chouette Cantine. Cet institut évalue la qualité nutritionnelle des repas et l’impact carbone sur la production. Dans le cadre de cette recherche appliquée, les enfants notent aussi la qualité du plat principal. Pour ce faire, ils disposent de bornes de satisfaction avec des smiley. En termes de sensibilisation, nous avons par exemple travaillé sur deux produits : le chou et les lentilles. Un repas a été moyennement apprécié, aussi les équipes du périscolaire ont-elles fait découvrir le chou mais sous un volet sensoriel pour qu’ils puissent l’apprécier. Cette sensibilisation sur les produits locaux est essentielle… »
Propos recueillis par Xavier Grizot
Quelques chiffres
8 000 repas/jour sur le temps scolaire
1 500 repas/jour hors temps scolaire
1,6 million de repas à l’année
Le repas est facturé selon les capacités contributives des familles, au taux d’effort : entre 56 centimes pour les familles les plus fragiles et 7,30 € le repas pour celles dépassant les 6 000 € de revenus mensuels
Le coût réel du repas est de 13 € et la Ville prend en charge a minima 50% de ce montant même pour les familles les plus aisées