S’il est un vêtement que la 1ère Ministre va très vite mettre en vente sur Leboncoin, c’est le T-shirt 49.3 offert par ses collaborateurs au début d’année. La réforme des retraites sans passer par le vote scelle un fiasco notoire, envoie à l’échafaud cet outil constitutionnel, que le leader de la CFDT, Laurent Berger, a qualifié de « vice démocratique ». La méthode d’Elisabeth Borne, qui se faisait chantre de la « concertation et du dialogue » pour convaincre les Français, se solde par un puissant échec, tant son manque d’empathie était tangible. Un manque d’empathie largement partagée par Emmanuel Macron… Reste qu’il y a bien plus grave : envisager aujourd’hui toutes les secousses sismiques - sans oublier les répliques - est de l’ordre de l’impossible.
Déjà, jeudi dernier dans le soir crépusculaire du 49.3, à deux pas de l’Assemblée Nationale, on avait frôlé le chaos à la suite d’une manifestation « sauvage » et impromptue. Dans plusieurs villes de France (d’ordinaire tranquilles) dont Dijon, des actes de violences avaient été perpétués : brûler ou piétiner des mannequins à l’effigie d’Elisabeth Borne ou du Président de la République indique non seulement une colère, mais traduit une poussée de haine assez inédite et multifactorielle. Cette brutalité du rejet s’avère dans bien des cas compréhensible (des salaires insuffisants, une inflation galopante), et dans d’autres cas obscure et inavouable.
Certes, voir la rue exprimer la violence n’a rien de neuf ; autrement inquiétante est l’amplification du phénomène ainsi que sa banalisation via les réseaux sociaux. Voilà qui change profondément la donne dans la société, en faisant la place belle aux minorités, en contestant la légitimité de toute représentation parlementaire démocratique, et enfin en contribuant à saper la confiance dans nos institutions. Il faut dire que nombre de nos élus, de nos hauts-fonctionnaires ainsi que certains de nos ministres se sont montrés si piteux dans leur argumentaire sur la Réforme de la retraite, si lamentables dans leurs cris et leurs gestuelles, leurs insultes au Palais Bourbon ou leurs tractations carriéristes en coulisses, qu’ils ont, eux aussi, grandement œuvré au délitement à tous les étages de l’appareil d’Etat, de la fonction publique etc.
Normaliser les actions coups de poing, les coups de gueule dans la rue tout comme en « noble assemblée » n’a pas donné une image bien reluisante de la France. Enfin normaliser dans les secteurs de la société les arrêts de production dans les centrales nucléaires, le blocage des installations pétrolières ou gazières, revient à marginaliser la norme, à instaurer des rapports de domination. N’est-ce pas Philippe Martinez ? N’est-ce pas Jean-Luc Mélenchon ? A terme, personne ne gagnera à ce jeu de dé-construction obscur, dangereux. Quid de notre histoire nationale ? Sommes-nous encore capable de remonter à la surface d’un bon coup de talon ?
Marie-France Poirier