Après avoir passé toute la nuit du mercredi 15 au jeudi 16 mars et une grande partie de la journée du jeudi à compter et recompter, tenter de convaincre les indécis en leur promettant la lune, ajouter des poires et des carottes, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne ont dû se rendre à l'évidence : proposer la réforme des retraites au vote à l'Assemblée nationale, c'était jouer à la roulette russe et risquer un rejet du texte. Ce qui aurait engendré une catastrophe politique encore plus grave que celle issue du coup de force institutionnel du 49-3.
Le Chef de l'Etat et sa Première ministre ont donc été contraints de dégainer ce désormais célèbre article de la Constitution qui permet l'adoption d'une loi sans vote.
C'est un immense échec pour Borne et un aveu d'impuissance pour Macron.
Un immense échec pour Borne car la Première ministre avait demandé du temps au Chef de l'Etat pour tenter de convaincre les partenaires sociaux et les députés LR. Des négociations et d'innombrables concessions qui n'ont servi à rien. Absolument à rien.
Un aveu d'impuissance pour Macron qui, quoi qu'il en dise, ne dispose définitivement pas d'une majorité au Parlement pour mettre son programme présidentiel en application.
Dès lors, on ne voit plus très bien comment le Président va pouvoir continuer ainsi encore longtemps. Non seulement, il suscite la colère de la rue et de millions de Français en faisant un bras d'honneur aux organisations syndicales mais il obère également la suite de son quinquennat en provoquant un malaise au sein de la représentation politique.
Alors que la réforme des retraites, copier-coller de celle qui figurait dans le programme présidentiel de Pécresse, avait tout pour séduire les parlementaires LR, la Première ministre a été obligée d'engager la responsabilité de son Gouvernement pour la faire adopter sans vote, faute de consensus au sein du groupe LR au Palais-Bourbon.
Quelles réformes l'exécutif pourrait désormais faire voter alors qu'il a été incapable de fédérer une majorité de projet sur un sujet que LREM et LR ont pourtant porté durant la campagne présidentielle ? D'autant, et il faut le rappeler, qu'il n'a le droit qu'à un seul 49-3 par session parlementaire, hors textes budgétaires.
Emmanuel Macron n'est pas homme à se complaire dans l'immobilisme. Mais le Président n'a pas 50 solutions pour rebondir.
Le remaniement ministériel en est une. Il devrait intervenir rapidement, avec un changement de Premier ministre. Borne est totalement démonétisée. Sa méthode a échoué. De nombreux ministres sont également au bout du rouleau. Il faut donner un nouveau souffle.
Mais un remaniement, indispensable, ne suffira pas. Dans un deuxième temps, dans quelques mois, quand la tension sera un peu retombée, Macron pourrait alors être tenté par une dissolution de l'Assemblée nationale. Une arme atomique à double tranchant. Une arme qui reviendrait, dans le contexte sulfureux actuel, à propulser Marine Le Pen à Matignon…
Jeanne Vernay