Deux films à petit budget – « La Nuit du 12 » du réalisateur Dominik Moll et « Vivre ou Mourir » réalisé par Vincent Mottez et Paul Mignot – ont été, lors de leurs sorties respectives, passés à la trappe par bien des médias nationaux. Aujourd’hui, le succès de l’un et de l’autre auprès d’un large public n’est plus à prouver ! D’autant que « La Nuit du 12 » vient de remporter un rare doublé : César du meilleur film et du meilleur réalisateur.
La Nuit du 12
Dominik Moll n’en est d’ailleurs pas à son premier coup d’essai. On lui doit des films captivants, des scénarii bien construits, ainsi que des mises-en-scène déroutantes et hors des sentiers battus. Ce film « La nuit du 12 » est inspiré d’un fait-divers réel, un féminicide qui n’a jamais été élucidé par les policiers de la PJ de Grenoble. Attention ! Il dépasse le cadre d’un polar classique : il investit avec subtilité un champ à la fois sociologique et psychologique. Le récit nous confronte à un panel de jeunes suspects qui ne se rendent même pas compte de leur misogynie, de la trivialité dans leurs propos laissant pantois des policiers qui échappent au machisme de mauvais aloi. Les policiers justement… Dominik Moll a su donner à chaque plan une signification profonde, un climat ; grâce à sa maîtrise de la direction d’acteurs, il a su tirer excellemment partie des comédiens principaux que sont Bastien Bouillon et Bouli Lanners. Le spectateur s’infiltre à l’intérieur de leurs personnages, épouse leurs doutes, leur philosophie ainsi que leurs aspirations à une quête de soi. Au sortir de « La Nuit du 12 », on aura toutes les raisons de réfléchir à la complexité des personnages, des vies fussent-elles simples au premier regard – quitte à passer une nuit blanche !
Qui -du moins ceux qui ont plus de 20 ans- n’a pas rabâché la phrase lapidaire et réductrice des manuels scolaires : « la République pacifia la Vendée en 1796 » ? C‘est là le premier film produit par le Puy du Fou. Or depuis les terres de Philipe de Villiers, rien ne sied à la majorité de l’establishment parisien. Heureusement, le bouche-à-oreille a fonctionné, et ce très beau western historique a remporté de nombreux suffrages. Les deux réalisateurs Vincent Mottez et Paul Mignot proposent une relecture de la guerre qui fit rage en Vendée pendant la Révolution française – elle opposa les républicains aux royalistes entre 1793 et 1796. Les combats, les mouvements de foule sont filmés à la manière des grands peintres Hyacinthe Rigaud ou d’Eugène Delacroix. Les prises de vue séduisent par une réelle ampleur et une beauté sauvage.
L’intérêt de ce long métrage – à l’origine il devait se résumer à un documentaire pour Canal+ -, c’est de proposer un nouveau regard sur la chouannerie depuis l’intérieur, sur ce soulèvement multifactoriel de paysans hostiles à la politique des assemblées révolutionnaires ainsi qu’aux patriotes locaux qui imposaient l’enrôlement dans les forces armées du Tribunal de Salut Public avec brutalité. Le refus d’abandonner les valeurs religieuses fut l’autre élément déclencheur qui conduisit ces populations à se choisir comme général royaliste François Athanase Charrette de La Contrie, dit Charrette (interprété par Hugo Becker).
Qu’il s’agisse de Rod Paradot, Gilles Cohen, de Grégory Fitoussi, Constance Cay ou Jean-Hughes Anglade, tous les acteurs sont excellents, contribuant à la réhabilitation de cette page de l’Histoire de France, souvent passée aux oubliettes de la mémoire collective. Petit bémol : cet épisode tragique de l’histoire de France, vu à travers le seul prisme du Général Charrette, laisse un peu le spectateur sur sa faim. On regrette un certain manque de profondeur des dialogues, tout comme le fait que l’extrême complexité de cette guerre civile ne soit que trop légèrement abordée. Dommage !
Marie-France Poirier