Le wokisme aura-t-il raison des contes de fée ?

Entendu à mon club de tricot de la bouche d’une vieille copine qui a gardé sa petite fille, Eloïse, 8 ans, pendant les vacances de février. Parents écolos radicaux. Ce qui a une importance pour la suite de la chronique.

Le premier soir, la gamine fait le cirque au moment d’aller se coucher. Classique. Nouvel environnement, pas de parents pour faire la grosse voix, des papi-mamie béats d’admiration devant la petite bouille tellement craquante. La liberté et un sentiment de toute-puissance quoi !

Interminables palabres. Echanges d’arguments. Médiation avec papi qui aimerait bien regarder son film tranquillement. Au terme d’une redoutable négociation, on parvient finalement à un compromis acceptable par les deux parties : mamie accepte de raconter une histoire à sa petite fille. Laquelle, en échange du service rendu, consentira à se coucher sans mettre le bazar à l’issue de la narration. Le contrat est conclu. Tout roule. Sauf que mamie ne sait pas encore que le choix de l’histoire va devenir un long chemin de croix.

Dialogue -de sourd-.

Mamie : « Ma chérie, est-ce que tu connais l’histoire de Bambi ? »

Eloïse : « Oui ! Et j’en veux pas de ton histoire. Elle est nulle. Je te rappelle que les chasseurs ont tué la maman de Bambi. On ne doit pas de faire du mal aux animaux. Tu sais, Mamie, ils ont une conscience ».

Mamie : « Et Blanche-Neige et les 7 nains ? Une histoire de princesse et d’amitié, avec une méchante sorcière ».

Eloïse : « Ben nan, Mamie. C’est très méprisant de parler de nain aujourd’hui. On dit homme de petite taille. Tant qu’ils n’auront pas changé le titre de cette histoire, je refuse de l’écouter. En plus, quand Blanche-Neige est empoisonnée, c’est le prince qui la réveille par un baiser, sans lui avoir demandé son autorisation. Ça s’appelle une agression ! ».

Mamie : « Dis donc, tu n’es vraiment pas simple ! Sais-tu que certains contes ont plusieurs centaines d’années ? Cendrillon ? La belle au bois dormant ? »

Eloïse : « Bof. Moi, tu sais, toutes ces histoires de princesses un peu cruches qui n’ont rien d’autre à faire qu’être jolies en attendant bêtement le prince charmant, elles ne m’intéressent guère. Je trouve ça simpliste de réduire la femme à son apparence et de présenter systématiquement l’homme comme un sauveur ».

Mamie : « La chèvre de M. Seguin ? Une ode à la liberté et au courage ».

Eloïse : « Je la connais cette histoire ! La chèvre se fait dévorer par le loup ! On a dit pas de souffrance animale ».

La discussion, lunaire, a duré encore quelques minutes. Rien ne trouvait grâce aux yeux de l’effrontée. Trop genré. Pas assez déconstruit. Trop patriarcal. Misogyne. Violence gratuite. Avec force arguments moralisateurs qu’elle avait forcément entendus chez elle, la gamine s’obstinait à refuser tous les contes qui ont pourtant bercé notre enfance sans faire de nous des névrosés ou des tueurs en série.

Que croyez-vous qu’il arrivât ?

Ma copine a perdu patience et renvoyé l’impertinente militante dans ses 22 mètres. Au lit, et sans histoire.

Le résultat du match est sans appel. Contes de fées : 0 – Wokisme : 1.