UMIH : « Le mythe de Sisyphe »

Au menu des vœux de lUMIH Côte-dOr, la tête de veau (cest une tradition) mais aussi et surtout les difficultés rencontrées par les professionnels de lhôtellerie et de la restauration (et elles sont nombreuses).

Si Albert Camus avait été notre contemporain – il s’est tué le 4 juin 1960 au volant de sa Facel Vega sur les routes de l’Yonne –, l’écrivain aurait dégusté les vœux de l’UMIH Côte-d’Or. Nous écrivons cela évidemment parce que son président, Patrick Jacquier, a conclu son discours le 12 janvier à l’Hôtel La Cloche par l’une de ses célèbres citations : « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent ! » Mais pas seulement… Puisque, dans LEtranger, l’un de ses personnages principaux n’est autre que Meursault et celui-ci aime s’installer dans le restaurant que tient son ami Céleste. Certes, il n’est jamais précisé que la tête de veau était au menu (la tradition matinale des vœux de l’UMIH, accompagné, comme il se doit, d’un nectar bourguignon !) mais vous ne nous en voudrez pas pour cet anachronisme. Car, Albert Camus, auteur militant par excellence, aurait bu les paroles du patron de La Cloche on ne peut plus engagées pour défendre ses collègues restaurateurs, hôteliers et propriétaires d’établissements de nuit : « Vous pouvez compter sur notre détermination pour défendre nos métiers. C’est le rôle d’une organisation professionnelle et cette mission, nous l’assumons pleinement », a-t-il, d’entrée, fixé le cadre, non sans insister : « L’UMIH n’a de cesse d’alerter les pouvoirs publics sur l’ensemble des problématiques et, en la personne de son nouveau président, Thierry Marx, l’UMIH poursuit son dialogue avec le gouvernement pour expliquer la réalité du terrain et le besoin urgent d’un accompagnement ». Et c’est cette « réalité du terrain » – indigeste pour les professionnels – qui fut au menu de cette cérémonie : « Le remboursement du PGE, la guerre en Ukraine, la hausse des coûts des matières premières, la pénurie de main d’œuvre… ».

Série noire

Et, devant nombre d’élus dijonnais et du département, de représentants du monde consulaire, de la police, des sapeurs-pompiers…, Patrick Jacquier a illustré ses propos : « Un collègue hôtelier beaunois va fermer 2 mois son établissement pour faire des économies de chauffage, sa facture passant de 8 000 à 45 000 €, ce qui est dramatique ! Nous demandons que toutes nos PME puissent bénéficier du tarif encadré de l’État ». Il a également listé une autre « mauvaise nouvelle » : « La Préfecture, soutenue par la Mairie, a décidé le 6 décembre de supprimer pour 6 mois la dérogation de 5 h du matin des 5 bars de la place de la République à Dijon. Malgré un dossier démontrant la perte de chiffre d’affaires allant jusqu’à 80% de certains établissements, les 42 licenciements envisagés à ce jour, le Tribunal administratif n’a pas fait droit de notre requête. A l’heure où nous voulons une ville attractive, où il fait bon vivre, organisatrice de nombreux congrès, avec 40 000 étudiants, comment imaginer qu’il n’y ait plus de vie nocturne et que tout s’arrête à 2 heures du matin ! ».

Dans « ce contexte anxiogène », le président de l’UMIH a relevé tout de même quelques motifs de satisfaction : « L’Ouverture de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin a contribué au retour du tourisme. Il est à saluer l’implication du maire de Dijon, François Rebsamen, dans l’exécution de ce bel ouvrage. Et je tiens aussi à remercier François Sauvadet et le Conseil départemental pour la marque territoriale Savoir-Faire 100 % Côte-d’Or ». Ce fut bien peu au regard de la série noire exposée. En cette année 2023, une chose est sûre, l’UMIH Côte-d’Or n’espère pas vivre (et revivre), après les fermetures et réouvertures liées au Covid, synonymes de descentes et remontées, ce que nous pourrions qualifier de « Mythe de Sisyphe ». Du nom de l’ouvrage d’Albert Camus !

Camille Gablo

 

Place de la République : « Nous sommes les premières victimes »

Les violences répétées place de la République, à Dijon, ont conduit la Préfecture de Côte-d'Or à prendre des mesures d'urgence en supprimant pour 6 mois la dérogation de 5 h du matin accordées aux 5 bars de la place. Le point avec Gilbert Febvay, propriétaire du Beverly et président des cafetiers – monde de la nuit au sein de l'UMIH 21.

Quel est aujourd'hui votre état d'esprit ?

C'est la consternation pour les 5 établissements qui sont frappés par cette décision. Nous sommes les premières victimes d'une situation qui n'est pas de notre fait. Je rappelle que ce sont nos clients qui ont été agressés à la sortie de nos établissements. Les problèmes ont surtout été relevés devant les épiceries de nuit et les kebabs. On attendait des mesures concrètes pour assurer la sécurité sur la place de la République -des effectifs de police sur place- plutôt qu'une décision brutale visant à réduire notre activité.

La sécurité, vous ne pouviez plus l'assurer ?

Nous avons tous des agents de sécurité mais leurs prérogatives sont limitées à l'entrée et à l'intérieur de nos établissements. Au-delà, c'est le rôle de la police nationale.

Cette décision va peser sur vos chiffres d'affaires ?

Evidemment qu'on va être impacté. Ici, au Beverly, j'ai perdu 70 % de mon chiffre. D'autant plus que nous avons le PGE, le prêt garanti par l'Etat pendant le Covid, qu'il faut rembourser. Nous n'avons pas eu d'autres choix que de réduire les horaires de nos salariés. Conséquence logique : un certain nombre d'entre eux sont partis. Nous avons mis un terme à tous les « extras » professionnels ou étudiants qui venaient renforcer nos équipes. C'est donc un complément de salaire qu'ils ont perdu. Pour ce qui me concerne, ce sont 7 collaborateurs qui ont quitté mon établissement.

Qu'espérez-vous pour les prochaines semaines ?

Les salariés ont créé un collectif pour protester contre cette décision qui va supprimer, au total, une quarantaine d'emplois. On espère trouver un accord avec la préfecture et la mairie de Dijon pour repousser la fermeture à 3 heures. Ce qui nous donnera un peu d'air le temps d'effectuer les démarches pour passer en discothèque. Et là, la réglementation accorde une ouverture jusqu'à 7 heures du matin...

Propos recueillis par J-L. P