Abus de langage

Première décade de janvier. Ca y est, la sémantique vient de se prendre un gnon de premier ordre. Ca y est tellement, que les médias ou les têtes pensantes des hautes sphères ont repris et reprennent encore et encore en chœur le mot inapproprié  d’Elisabeth Borne à propos de la réforme des retraites : « Ca n’est pas un totem ». Notre intelligentsia est « une grande oublieuse »… Hop, la boum ! Voilà renvoyé aux oubliettes le fameux passe-partout verbal du « trou dans la raquette » –  emprunté de l’anglais « holes in the racket » – dont nos oreilles furent rebattues pendant des mois. Revenons à notre première Ministre qui n’est guère initiée au  langage des indiens Objiwa établis sur le pourtour des grands lacs de l’Amérique du Nord jusqu’au 19ème siècle. Chez les Objiwa, le mot totem désignait les liens de famille ou d’amitié entre individus à l’intérieur d’un clan se prévalant d’un animal totem tel un ours ou un faucon perçu comme l’ancêtre protecteur.

Au vu du 19 février dernier ainsi que du futur mardi 31, l’exécutif, – en dépit de ses éclaireurs énarquiens et du « même pas peur » de Véran Poil de Castor – serait avisé d’user d’autres ruses de sioux pour convaincre. L’abus de langage d’Elisabeth Borne et de ses thuriféraires risque d’empêcher d’allumer le calumet de la paix. Quelle audace de s’être prévalue du totémisme qui, lui, repose sur une organisation sociale, clanique fondée sur un partage des croyances ! Qu’en aurait pensé Sitting Bull ?

L’autre contrefaçon sémantique de ce début d’année fut récemment professée par la nouvelle squaw du  Palais Bourbon, Marine Tondelier : grâce à un relookage fallacieux du mot « milliardaire », elle fait « plus pire que pire » que sa rivale en politique Sandrine Rousseau… Dans le but de s’approprier la vox populi des Ecolos dont le mental paraît avoir été éradiqué par une overdose de round up, notre Greta Thunberg française crée l’amalgame sous le slogan  d’une « France sans milliardaires » entre les grands capitaines d’entreprises ou des chefs d’entreprise- tels Bernard Arnault (LVMH), Benoît Potier (Air Liquide) etc – pourvoyeurs de centaines de milliers d’emplois et les « chevaliers de l’industrie » de triste réputation. Lesquels, eux, se font du lard sur le dos des salariés dans l’achat et la revente de sociétés placées en liquidation judiciaire, n’hésitant jamais à envoyer à la casse des pans entiers d’employés ou de cadres… Le spectacle de ce tour de passe-passe linguistique, auquel Marine Tondelier s’est livrée sur un ton hargneux devant le public de la Nupes en fait une femme vénéneuse, pernicieuse : son recours systématique à la démagogie pointe un revolver en direction de la démocratie ainsi que du « Grand Corps malade » qu’est devenue aujourd’hui la société française … Est-ce, là, la mission d’une députée ?

Marie-France Poirier