Hirsute et confus est cet automne, tant nous sommes ballotés d’une incohérence à l’autre. Des jours entiers, nous avons été confrontés aux reportages traitant de ce néo-Styx des Enfers, où naviguent les radeaux d’infortune, les bateaux, tels l’Ocean Viking, surchargés d’êtres humains en errance et revendiquant le droit d’asile. Tandis que dans le même temps – histoire de se conforter dans l’idée de notre aptitude à la performance- nous n’avons cessé d’être saoulés par des éditions spéciales TV sur la Route du rhum. Nous étions sommés de nous extasier devant ces «bateaux volants » -dits « les Ultimes »- de 30/35 mètres de long, dont l’équipement high tech s’avère aussi sophistiqué et redoutable que celui des drones dernier « cri de guerre » utilisés dans le conflit Ukraine/Russie… Qui osera souligner l’indécence de ces concomitances dictées par une actualité sans gouvernail ? Hélas, y aura-t-il un seul de nos dirigeants, un seul de nos faiseurs d’opinion, un seul manager de SOS Méditerranée pour prendre le temps de s’imprégner de ce quatrain prophétique de Paul Verlaine, dérivant au sortir de l’adolescence sur son Bateau Ivre :
« Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai ».
Toujours dans le sillage d’une terre qui prend l’eau de toutes parts, la Cop 27 croit, bien à tort, avoir main haute sur une baisse de la pollution d’origine industrielle… En France, Stellantis, PSA et Renault entendent relocaliser les ingrédients de la voiture électrique. Le consortium ACC -constitué de Total Energies, Stellantis et Mercedes- va fabriquer des batteries dans ses usines françaises de Douvrin et Trémery. Cocorico ! Direz-vous. Tous ces projets d’installation en Europe -souvent en partenariat avec la Chine qui affiche 10 ans d’avance sur nous- s’avèrent tout aussi polluants, selon bon nombre de spécialistes, que la production de moteurs thermiques. En outre, les « gigafactories » de Shanghai, géants du moteur hybride ou de la batterie électrique, resteront prédominantes bien au-delà de 2035. Qui osera publiquement critiquer la décision du Conseil européen de ratifier l’interdiction à la vente de tout véhicule diesel ou à essence dès 2035 ? L’UE ne vient-t-elle pas d’introduire un cheval de Troie à deux capots et… huit sabots ? Décidément les Choses Humaines tournoient tel un manège fou.
Tiens, prenez cette passion soudaine qui a enfiévré les médias français et la gent politique pour le résultat des élections de mi-mandat aux États-Unis. Notre pays s’était alors pris d’engouement pour Biden – certes, plus « présentable » que Trump. On connaît aujourd’hui les résultats. Mais quel en est le bénéfice pour l’Europe ? En fait pour les deux Américains, l’UE demeure quantité négligeable. A ceci près : l’actuel Président et son entourage ont bien vu l’avantage d’être intrusif dans notre club disparate des 27 nations, pour en tirer bénéfice en faisant de Volodymyr Zelensky son joker contre Poutine, en vendant à l’Ukraine des armes à gogo sous couvert en trompe-l’œil d’aides financières colossales, et … en nous refilant à prix d’or son gaz de schiste.
Mettons le cap sur l’autre ineptie du jour : il revient à notre époque d’avoir donné à un large public l’envie de fréquenter les musées. Sandrine Rousseau, notre bébête écolo/universitaire nationale, n’a de cesse d’encourager les activistes de Just Stop Oil «à balancer de la purée et de la soupe sur les œuvres d’art» via les réseaux sociaux. En quoi tenter d’endommager les Tournesols de Van Gogh ou La Jeune Fille à la Perle de Vermeer, cela peut-il contribuer à une baisse de la consommation d’énergie, à faire chuter les émissions de carbone ? N’est-il pas temps de couper l’herbe sous le pied d’un mouvement vulgaire, laid et totalement irresponsable ? Ne jamais oublier que la transcendance, la joie intérieure que procure l’art rendent la vie plus … respirable !
Pour conclure sur une année 2022 qui ostracise tout esprit ne satisfaisant pas aux doxas, interrogeons-nous sur un Exécutif français qui ne manque pas d’air. Le pantouflage persiste : Jean Castex n’a pas eu à user ses charentaises pour traverser le trottoir – ou plutôt pour passer sur l’autre quai du métro – et devenir le nouveau patron de la RATP. A son départ de Matignon, il affirmait reprendre pots de peinture et pinceaux pour retaper les volets de la demeure familiale. Comme quoi devenir peintre du bâtiment n’est pas à la portée de n’importe qui …
Marie-France Poirier