Novembre

Thriller français de Cédric Jimenez d’après un scénario d’Olivier Demangel, avec Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kiberlain, Jérémie Renier, Lyna Khoudri et Cédric Khan

Paris, 13 novembre 2015 : les forces de l’ordre apprennent qu’une série d’attentats viennent de viser le Stade de France à Saint-Denis, des terrasses de café dans les 10e et 11e arrondissements de Paris et la salle de concert le Bataclan. Tous les services de police sont monopolisés pour empêcher les terroristes islamistes de sortir de Paris, en vain. Le témoignage d’une jeune femme va être la clé pour retrouver les assassins.

J’aurais pu vous parler de SIMONE. Mais voilà, je ne suis « pas trop fan » d’Olivier Dahan, ni de ses deux biopics précédents : LA MÔME mélo insupportable qui avait choisi de faire de Piaf un monstre, et le ridicule GRACE DE MONACO, sans doute le plus mauvais film dans la carrière de la monumentale Nicole Kidman. Et puis j’aime trop Simone pour accepter de la voir incarnée par quelqu’un d’autre que par elle-même. Que ce soit Simone Ashley dans BRIDGERTON (sur Netflix), Simone Signoret, particulièrement dans MANEGES (on en revient toujours à Piaf) et même dans SIMON and GARFUNKEL, j’avoue avoir un faible pour le petit Paul plus que pour l’infâme Art.

De plus pour celles et ceux qui me lisent, je ne parle que des films que j’ai aimés : à quoi bon perdre son temps à écrire sur des choses qui n’en valent pas la peine – à mes yeux évidemment, libre à vous d’aimer Dahan et son style pompier.

Les louvoiements d’une enquête complexe

En revanche, je suis allé voir deux fois NOVEMBRE, peut-être parce que j’avais déjà a priori deux bonnes raisons d’y aller : Cédric Jimenez, réalisateur du très efficace et ambivalent western urbain BAC NORD, qui nous montrait déjà les conditions de travail difficiles des policiers, en même temps qu’il critiquait la liberté et la toute-puissance que certains s’étaient octroyées. Seconde raison, et non des moindres : la présence de l’incroyable Anaïs Demoustier, 35 ans et déjà 23 ans de carrière, comédienne qui ne cesse de se renouveler et nous éblouir film après film.

Après l’émouvant REVOIR PARIS d’Alice Winocour – que j’avais eu la chance de chroniquer ici même – il est à nouveau question des attentats parisiens du 13 novembre 2015. Cédric Gimenez aime s’inspirer de faits réels : il reconstitue ici investigations et errements qui ont conduit à l’arrestation ou à la mort des auteurs des massacres qui ont traumatisé la France entière.

Les attentats sont hors champs. Les téléphones retentissent dans les bureaux de la cellule antiterroriste. Ces sonneries font l’effet de détonations. C’est le début d’une immense tragédie comme la France n’en a jamais connue. Sur les écrans, François Hollande, grave, digne et déterminé, prend la parole. Sans complaisance, Jimenez nous entraine dans les louvoiements d’une enquête internationale complexe, avec ses failles, ses fausses pistes, ses erreurs humaines qui font perdre un temps précieux. A partir d’une documentation solide, il compose un film passionnant.

Le doute et l’urgence

Le casting est impeccable. Si Jean Dujardin se paie la tête d’affiche, ce sont bien trois femmes qui sont les héroïnes de ce thriller captivant : Anaïs Demoustier (évidemment) dans le rôle d’Inès, une enquêtrice un poil trop déterminée de cette brigade antiterroriste ; Lyna Khoudri qui incarne avec justesse Samia, une indic un peu dépassée par les évènements ; enfin avec son autorité naturelle, Sandrine Kiberlain dans la peau d’Héloïse, qui dirige avec Dujardin cette cellule de la police judiciaire.

Comme dans BAC NORD, Jimenez met la pression dès la première seconde pour ne plus lâcher son spectateur. Ses personnages sont bien dessinés, sa mise en scène est efficace et spectaculaire, mais contrairement à son précédent film, il a peu de temps pour s’attarder sur l’histoire individuelle de chacun et chacune. Sa priorité est ici l’urgence de la situation et l’engagement quasi instinctif des protagonistes dans un processus qui dépasse l’entendement.

Côté B.O. le compositeur Guillaume Roussel retrouve Cédric Jimenez sur ce thriller après LA FRENCH (2014), HHhH (2017) et BAC NORD (2020) avec une partition organique, gutturale et industrielle, à base de pulsations, saturations, stridences, qui se confond avec le son « in » de l’action. 

Film sur le doute et l’urgence, NOVEMBRE est en quelque sorte l’anti-SIMONE : l’horreur est hors-champ. Pour ce parti pris de mise en scène, cette intelligence émotionnelle, on ne peut qu’applaudir Jimenez. Cela vaudra bien un troisième visionnage.

Raphaël Moretto