Rémi Delatte : « Il est temps de m’arrêter »

C’est une page qui se tourne dans la vie politique départementale. Rémi Delatte, député de la 2e circonscription de Côte d’Or, ne briguera pas un nouveau mandat en juin prochain aux élections législatives. Il soutient la candidature d’Adrien Huguet, 30 ans, qui travaille à ses côtés depuis 2014.

Dijon l’hebdo : On peut imaginer que c’est une décision qui a été difficile à prendre. Comment l’expliquez-vous ?

Rémi Delatte : « Il y a 5 ans, en 2017, après avoir gagné la circonscription pour la troisième fois consécutive, j’ai avancé l’idée que cela pouvait être mon dernier mandat évoquant par là même que je ne m’inscrivais surtout pas dans le principe d’élection à vie. C’était aussi une façon de marquer un état d’esprit, une logique, à la différence de beaucoup qui se croient indispensables et irremplaçables. Au delà de ma personne, je pense qu’il faut changer de paradigme et encourager l’arrivée d’une nouvelle génération. Et, pour être tout à fait franc et honnête, je dois reconnaître que je ne me suis pas épanoui dans ce dernier mandat à l’Assemblée. Emmanuel Macron est très différent de ses prédécesseurs. Il a veillé à ce que le Parlement soit sous l’étouffoir. C’est un manque de respect de notre démocratie et je ne l’ai évidemment pas bien vécu. Cette situation a bien évidemment pesé dans ma décision que j’ai prise de la façon la plus sereine qui soit ».

DLH : Vous n’avez pourtant que 65 ans…

R. D : « C’est vrai. Mais nous vivons dans une société qui va désormais très vite et ma réflexion prend en compte le facteur temps. Un temps évidemment essentiel dans la vie mais aussi en politique. Une notion qu’intègre malheureusement pas nombre de mes collègues. Le temps, il présente l’avantage de maturer l’ambition et Dieu sait s’il ne faut pas en manquer. Pas pour se flatter mais pour servir les engagements qu’on prend devant les électeurs. Le temps, il consolide aussi l’engagement sans jamais oublier qu’il requiert du courage. Et le temps, il nous rappelle aussi à la réalité et nous conduit à la sagesse. La sagesse qui veille à ce qu’on ne soit jamais rattrapé par la lassitude. La sagesse aussi de savoir marquer le pas pour éviter de lasser les autres, voire même de décevoir, ou encore d’être gagné par l’orgueil. J’adresse une pensée à ceux qui se considèrent irremplaçables… ».

DLH : Pour vous, il est donc temps de passer la main ?

R. D : « C’est vrai, je considère qu’il est temps… que le moment est venu de transmettre mon mandat. Je dis bien le transmettre. Car j’aimerais que cela se fasse dans le cadre d’une transition équilibrée, sereine et apaisée. Il n’est pas question non plus de m’enterrer maintenant. Ce n’est pas une fin, une rupture ou même un renoncement. Si les hommes changent, les idées et convictions doivent demeurer. D’où l’intérêt de réussir cette transmission ».

DLH : Le résultat désastreux de Valérie Pécresse a certainement pesé dans votre choix ?

R. D : « Comme tout le monde, je fais le même constat : le monde change très vite en même temps que les attentes évoluent. A la lumière du résultat des dernières élections présidentielles, je me suis posé cette question : est-ce que les politiques, notamment les représentants des partis traditionnels, ont su apporter les bonnes réponses aux préoccupations et aux inquiétudes de nos concitoyens. Et bien, je ne le pense pas ! Tant sur la forme que sur le fond. Cela doit nous renvoyer à beaucoup d’humilité et surtout appelle à une profonde refondation de la sphère politique si on veut redonner de l’espoir à nos concitoyens pour le moins lassés des turpitudes, des revirements, des acoquinements que certains nous infligent… La parole des politiques a-t-elle encore de la valeur ? Je n’en suis pas certain du tout. Personnellement, la parole donnée, j’y crois beaucoup. Cela tient certainement à mon caractère de paysan.

Je suis convaincu qu’il faut passer à une étape nouvelle. Il faut relancer de vrais débats au sein de la société et des confrontations solides au sein de l’Assemblée nationale. Et je suis bien obligé de constater que dans cette dernière mandature, le débat a été quelque peu tronqué, parfois confisqué comme on a pu le voir notamment au travers de la réforme sur le droit d’amendement ».

DLH : Et vous pensez que la droite est en mesure de se refaire rapidement une santé électorale ?

R. D : « Globalement, cela passera par une réorganisation des partis politiques. Et ça ne vaut pas que pour le PS. Ça vaut aussi pour les Républicains qui ont besoin de faire apparaître de nouvelles figures, une nouvelle génération dans l’espoir de redonner un nouveau souffle. Et cela doit aller vite, très vite. La nature a horreur du vide et si la droite et le centre ne sont pas capables de reprendre leurs propositions, d’autres se chargeront d’occuper cet espace. Il est donc temps d’entamer ce travail sous peine de voir les partis politiques continuer à se rabougrir sur eux-mêmes. Il faut bien évidemment veiller à ne pas perdre son identité et surtout pas se fondre dans une structure unique qu’Emmanuel Macron appelle de tous ses vœux, synonyme de l’abandon de nos convictions. On subirait là une forme d’asservissement et de dépendance. Nous devons trouver notre place dans ce nouvel environnement. Une place inspirée d’ouverture et de pragmatisme. Pas question de s’opposer par principe. S’opposer oui, mais pour amender, faire progresser. Et rappeler que la droite a aussi un projet de société qu’elle n’a peut-être pas assez défendu. Rien n’est perdu car les Républicains, la droite et le centre d’une manière générale, ont une implantation très forte. LR est la première formation en termes de représentation territoriale. Dommage qu’on ait pas su décupler cette force qu’on a sur le terrain ».

DLH : En vous retirant, vous avez évidemment mesuré le rique de faire perdre votre camp ?

R. D : « Pour la deuxième circonscription, je suis persuadé, à la lumière des derniers résultats, que La République en Marche n’est pas en mesure de l’emporter même si une majorité de Dijonnais s’est portée au deuxième tour en faveur d’Emmanuel Macron. De la même façon, elle ne se gagnera pas à l’extrême droite même si la quasi totalité des communes a placé Marine Le Pen en tête. Cette circonscription, elle incarne la mesure et l’équilibre et elle se gagnera au centre-droit comme à chaque fois. C’est pourquoi je plaide pour qu’Adrien Huguet puisse prendre toute sa part dans cette campagne. Je connais et j’apprécie ses qualités personnelles et professionnelles. Pendant ces 8 dernières années à mes côtés, il s’est toujours montré loyal, dévoilant beaucoup d’énergie et du talent. Il est aujourd’hui celui qui connaît le mieux la deuxième circonscription de la Côte-d’Or, ses 76 communes et tous ceux qui en sont les acteurs.

Sans tomber dans un jeunisme primaire, j’ai toujours exprimé beaucoup de confiance dans notre jeunesse que je trouve prometteuse. On le voit bien dans l’hémicycle du Palais Bourbon où siègent de jeunes députés qui ont su rapidement prendre toute leur place ».

DLH : Aucun regret donc  ?

R. D : « C’est une belle sérénité qui m’habite. Je peux dire que j’ai eu la chance de vivre des moment tout à fait exceptionnels. Malgré ses exigences, la vie politique est terriblement exaltante. La passion n’a eu de cesse de m’animer dans la gestion de l’ensemble de mes mandats, et comme parlementaire plus particulièrement.

J’ai la chance d’avoir, sur la 2e circonscription, fait partager un état d’esprit. Beaucoup l’ont même identifié comme une marque de fabrique. C’est une véritable relation de confiance que j’ai pu entretenir, dans la plus grande sincérité, avec tous les acteurs de ce territoire pendant ces 15 années de député.

Là où certains préfèrent cliver, j’ai toujours préféré la discussion, le débat, les rapprochements, les conciliations bien au delà des oppositions politiques. Et les maires, pour ne citer qu’eux, me l’ont toujours bien rendu. En 2017, lors des dernières législatives, 57 d’entre eux sur les 76 que compte la circonscription m’ont apporté leur soutien. C’est quand même révélateur. On est bien au delà du clivage droite-gauche. Comme quoi on peut faire de la politique autrement que ces « caricatures » grossières qu’on croise ici ou là. Cela montre bien qu’on a toujours besoin d’unir, de rassembler pour servir au mieux l’intérêt général. N’est-ce pas l’essentiel quand on s’engage dans un mandat.

Je pense avoir un caractère justement calibré pour animer efficacement ce territoire avec des équipes qui auront été fantastiques. Mes suppléants successifs. Trois personnalités au tempérament complètement différent : Joël Abbey, Anne Erschens et Ludovic Rochette. Des collaborateurs dévoués et efficaces également, mais aussi tous mes compagnons de route, fidèles en amitié et en convictions. Sans oublier tous les bénévoles avec qui j’ai vécu des moments très forts. Tous ont largement contribué aux succès que j’ai pu connaître ».

DLH : La politique, c’est donc fini pour vous ?

R. D : « Je suis toujours conseiller municipal de Saint-Apollinaire dans l’équipe de Jean-François Dodet et je resterai un observateur attentif de la vie politique. Je suis député jusqu’au 21 juin et j’ai bien l’intention d’organiser cette transition en mobilisant toutes celles et ceux qui m’ont jusqu’alors accordé leur confiance. Cela doit se faire dans l’éthique, le respect, l’équilibre et la tolérance que j’ai toujours promus ».

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre

 

Adrien Huguet : 8 années auprès de Rémi Delatte

Adrien Huguet est né le 18 août 1992, à Dijon, dans le quartier des Grésilles. Après des études dans la communication et en droit, il rejoint Rémi Delatte en 2014 en qualité de collaborateur parlementaire quelques mois après intégré le conseil municipal où il siège toujours comme adjoint aux affaires sociales et à l’inter génération.

C’est Rémi Delatte qui le dit : « Adrien coche toutes les cases. Aussi à l’aise en ville qu’à la campagne, il a une connaissance parfaite des 76 communes ».

Depuis le 29 avril, il a officiellement arrêté sa collaboration auprès de Rémi Delatte pour se consacrer à la campagne des législatives sur la 2e circonscription.