Vitagora avait mis en place un partenariat avec la ville de Vinnytsia

Comme tous les professionnels de l’agro-alimentaire, Pierre Guez considère que la guerre en Ukraine aura des conséquences significatives à court et moyen terme sur l’économie et notamment sur son secteur. Inquiet, le président de Vitagora l’est aussi sur les suites du partenariat qu’il a bâti l’an passé avec Vinnytsia, une ville qui jusqu’alors avait échappé au conflit mais dont l’aéroport a été détruit le dimanche 6 mars par les frappes aériennes russes.

Dijon l’Hebdo : Vous connaissez bien l’Ukraine ?

Pierre Guez : « Cela fait 20 ans que j’entretiens des relations avec l’Ukraine. Ces relations je les ai initiées quand j’étais à la tête de Dijon Céréales. C’est un pays dont je mesurais le potentiel de développement et j’avais l’idée d’y implanter des agriculteurs de Bourgogne – Franche-Comté dont les exploitations céréalières étaient trop petites. En toile de fond, il y avait l’objectif de créer un Dijon Céréales bis. Au final, c’est une demi-douzaine qui s’y est installée et aujourd’hui il n’en reste que trois. Comme quoi, en la matière, on est toujours fort chez soi mais pas forcément loin de ses terres d’origine ».

DLH : Vous ne vous êtes pas découragé pour autant ?

P. G : « Il y a 5 ans, au niveau du pôle Vitagora, j’ai noué des contacts avec Beten International, une société de services et d’ingénierie active dans les pays de l’Est et implantée en Ukraine depuis 1991, spécialisée dans le montage de projets énergétiques, industriels et agricoles. Nous avons convenu des accords agro-alimentaires, validés par le Quai d’Orsay, avec Vinnytsia, une ville située à 250 km au sud-ouest de Kiev, dont l’aéroport a été bombardé le dimanche 6 mars ».

DLH : Qu’est-ce que Vitagora avait à gagner dans cette opération ?

P. G : « L’intérêt pour Vitagora était de créer un cluster avec une vingtaine d’entreprises de la région de Vinnytsia pour améliorer le développement des techniques agro-écologiques. J’ai conduit, en juin 2021, une délégation dijonnaise composée de représentants d’Agronov et d’Agrosup. On s’est aussi rapproché de Dijon Métropole pour qu’elle apporte son expertise au développement des infrastructures de cette ville ukrainienne. C’est un projet qui devait s’étendre sur les trois prochaines années. En juillet dernier, dans la foulée de notre visite, nous avons reçu une délégation ukrainienne d’une trentaine de personnes pour structurer cette nouvelle relation. Sladana Zivkovic, adjointe au maire de Dijon déléguée aux relations internationales, et Philippe Lemanceau, vice-président de Dijon Métropole, étaient présents pour témoigner leur soutien à notre initiative ».

DLH : Comment voyez-vous l’avenir ?

P. G : « Je ne le vois pas. En l’état actuel, bien malin qui peut dire ce qui va se passer dans les prochaines semaines. On était bien parti pour transmettre nos compétences et rapprocher les Ukrainiens de nos entreprises agro-alimentaires de la métropole dijonnaise et de la Bourgogne – Franche-Comté, notamment dans le cassis mais aussi la moutarde pour que la Côte-d’Or soit moins dépendante du Canada.

Il y a une vraie inquiétude sur le marché du grain. Le cours du blé s’est mis à augmenter considérablement. Il y aura donc des répercussions sur les prix. Une entreprise importante du groupe Soufflet -qui vient d’être repris par l’union nationale de coopératives agricoles françaises InVivo-, gros centre de collecte de céréales en Ukraine, a fermé ses portes. D’autres usines françaises de semences ont cessé leurs activités comme Lactalis et Danone qui ont annoncé avoir mis une partie de leurs usines à l’arrêt. Et puis on peut être légitimement inquiet pour la future récolte.

Comme beaucoup de mes compatriotes, je suis très affecté par ce qui se passe. Je pensais que les Russes se concentreraient sur la région Est de l’Ukraine. J’espère qu’une solution diplomatique sera trouvée à ce conflit aussi soudain que brutal et qu’on pourra reprendre un jour le cours de nos échanges. Vitagora est évidemment derrière le peuple ukrainien et nous restons en contact quasi quotidiennement avec nos interlocuteurs. Nous ferons tout notre possible pour les aider ».

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre

 

Vitagora : un rôle de catalyseur

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Vitagora joue efficacement son rôle de catalyseur au sein de ce réseau : en accompagnant individuellement et en faisant dialoguer ses membres, Vitagora contribue à l’émergence de projets innovants et à la concrétisation d’objectifs de croissance, de performance industrielle et de construction d’écosystèmes d’innovation.

Afin de guider l’industrie agroalimentaire vers des opportunités de marché à haute valeur ajoutée, Vitagora recherche et décrypte les signaux faibles permettant de comprendre les attentes des consommateurs ou de dresser des réponses aux défis mondiaux de l’alimentaire : le numérique, le potentiel des microorganismes, les protéines alternatives, l’agro-écologie…