Documentaire musical de Gabin Rivoire, au cinéma Eldorado, en présence du réalisateur et de Laurent Garnier himself.
Le documentaire de Gabin Rivoire revisite les trente ans de carrière de l’un des plus grands DJ de l’An-Fer dijonnais Laurent Garnier, devenu l’une des références incontournables de la musique électronique après en avoir été l’un des pionniers. De New York à Tokyo, de Hong-Kong, à Détroit ou Londres, Garnier a fait danser les foules du monde entier. Avec en filigrane, le sentiment que le mouvement musical qu’il a contribué à fonder a rythmé les grandes évolutions sociétales des dernières décennies. Abd al Malik, Carl Cox, Matthieu Chedid, Lenny Dee, Jack Lang et une pléiade d’artistes de la maison techno témoignent et reviennent sur la vie animée de cet amoureux du vinyle.
La belle vie
Gabin Rivoire, qui ne connaissait pas grand-chose à la techno, a voulu raconter comment ce fils de forain est devenu chevalier de la Légion d’honneur grâce à sa passion pour une « musique de drogués ». Son film commence sur un tracteur américain Massey Ferguson, rouge comme il se doit, au son de La belle vie de Sacha Distel : « On s’amuse à passer avec tous ses copains / Des nuits blanches / Qui se penchent / Sur les petits matins. » Tout est dit de la vie de Laurent Garnier dans ce titre, tandis qu’on le voit, quelque part en Provence, déménageant des mètres linéaires de cartons de vinyles, classés par genres musicaux, sur une mélodie délicieusement sixties, devenu depuis définitivement un standard du jazz grâce à Tony Benett.
Nul doute que parmi les cinquante-cinq mille disques de sa collection, on pourra trouver un des nombreux exemplaires de l’Histoire de Melody Nelson (1971) de Serge Gainsbourg, le I remember Yesterday (1977) de Donna Summer ou encore Fantaisie militaire (1998) de Bashung, trois des œuvres musicales préférées de Laurent Garnier. Rivoire aurait pu aussi commencer son documentaire par On ne dit jamais aux gens qu’on aime qu’on les aime de Louis Chedid. OFF THE RECORD est bien l’histoire d’un amour, d’une passion, d’une addiction.
Dernière grande révolution
Le DJ et producteur Lenny Dee témoigne : « Cette sensation d’être un bon DJ, cette sensation d’animer une bonne soirée, se rendre compte de cette connexion qu’on a avec ces gens. Je vais vous dire : si t’es DJ et que t’as l’occasion de vivre ça, de goûter à cette drogue une seule fois, t’es accro ».
Très vite la musique hypnotique de la techno star prend le dessus et nous fait parcourir le monde. Une chose est sûre, la musique raconte notre société. Alors que nous révèle la techno sur nous-mêmes et sur la fin du vingtième siècle ?
Pour Rivoire, « chaque fois qu’un nouveau courant musical émerge, il se frotte à l’incompréhension et au dédain des institutions et du mainstream de l’époque. Blues, jazz, rock, reggae, punk, disco, hip-hop, techno … Tous ces courants ont eu des débuts extrêmement difficiles. Et pourtant ils font aujourd’hui la richesse du paysage musical. Jamais de l’histoire de l’humanité, les musiques n’ont été aussi diverses ». La techno a été la dernière grande révolution musicale du vingtième siècle au même titre que le hip-hop.
De l’ambassade aux rave-party
Dans OFF THE RECORD, on voit Laurent Garnier intervenir dans une classe de collège du Puy Sainte Reparade, village rural et provençal, terre de terroir et de techno. On revient sur les débuts du petit Garnier, qui minot préférait écouter des disques plutôt que d’aller jouer au foot. Mais c’est lorsqu’il déménage à Londres pour devenir valet de pied à l’Ambassade de France, après être sorti premier de l’école hôtelière, que tout s’enclenche. Il découvre les nuits anglaises et franchit les portes du club Hacienda à Manchester ne tardant pas à jouer sous le pseudonyme de DJ Pedro les premiers disques venant de Détroit et du label Underground Resistance. En Angleterre encore, il découvre les rave-party, tentant ensuite d’amener ce courant musical britannique en France.
De retour au pays, il est serveur le jour, et joue la nuit au Rex Club. Il entame par la suite une tournée mondiale avec ses camarades Jeff Mills et Carl Cox. Arrivé à Detroit, il se confronte à la réalité des DJ afro-américains, ses amis, adulés en Europe et presque inconnus dans leurs pays, faisant face au racisme et aux violences policières. Laurent Garnier s’en souviendra lorsqu’il jouera les Bérus lors de ses sets, qui le propulseront à tout jamais icône de la musique électronique.
Raphaël Moretto
Jeudi 27 janvier à l’Eldorado, rencontre avec Laurent Garnier et le réalisateur Gabin Rivoire.
Documentaire disponible également en DVD, Blu-ray et VOD chez Condor Entertainment.