La rumeur existe depuis l’aube des temps mais, avec les réseaux sociaux, son amplification n’a jamais été aussi prégnante. Bienvenue dans le monde des « fake news ». Un établissement nocturne dijonnais, le Beverly, en a été victime à la fin de l’année dernière. Retour sur une affaire… qui n’en était pas une !
Déjà, Victor Hugo s’insurgeait contre la rumeur qu’il qualifiait de « la fumée du bruit ». Et, à son époque, les réseaux sociaux n’étaient pas là pour attiser les braises. S’il était notre contemporain, face à la célérité actuelle de l’information (ou de la désinformation c’est selon) rendue possible par les nouveaux moyens de communication, l’auteur de Notre-Dame de Paris serait, qui sait, aller jusqu’à parler de flammes !
Vous nous direz que nous pêchons par anachronisme… Et, pourtant, celui-ci semble parfaitement adapté à ce qu’a vécu le monde de la nuit dijonnaise qui a été brûlé sur l’autel de la rumeur. Un petit retour en arrière s’impose : début novembre, un message alarmait la twittosphère : une jeune étudiante de 19 ans aurait subi un viol au Beverly, un établissement qu’il n’est pas besoin de présenter tellement il fait partie, depuis sa création en 1994, des institutions nocturnes dijonnaises. Ce message fut partagé plus de 8 000 fois et une pseudo radio locale se fit l’écho de cette « affaire », lors d’une émission en date du 23 novembre. Même si, à cette occasion, fut clairement dit sur les ondes qu’il « n’y avait pas eu de viol », le Beverly a subi les foudres des deux intervenantes. Et c’est un (très) doux euphémisme, à tel point que l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) de la Côte-d’Or a décidé de faire constater par huissier le contenu de l’émission afin de soutenir son adhérent.
Car le fond de l’affaire est bien là : aucune victime de viol ne s’est jamais manifestée, comme l’a confirmé la police. Cela n’a pas empêché le Beverly d’être rhabillé pour l’hiver. Enfin là, le terme rhabiller n’est pas le meilleur.
« Tout était faux ! »
Son dirigeant, Gilbert Febvay, président des cafetiers et du monde de la nuit à l’UMIH Côte-d’Or, s’insurge : « Tout était faux. Le GHB existe évidemment. Cela a toujours existé mais, dans mon établissement, je ne l’ai jamais vu. J’ai, pour ma part, plus vu des personnes qui avaient bu un verre de trop. Et nous ne laissons pas partir les quelques personnes qui abusent. Lorsque cela est nécessaire, nous appelons les pompiers lorsqu’elles se sentent vraiment mal ».
Et de détailler les nombreuses mesures mises en place afin de lutter contre le phénomène du GHB : « Nous avons fait de l’affichage en précisant de ne pas laisser traîner les verres, de ne pas accepter le verre de n’importe qui. Nous avons également commandé des capotes de verre, en latex, lavables, avec un petit trou pour boire ou pour mettre une paille. Comme une seule entreprise réalise ces produits dans l’Hexagone et qu’elle est particulièrement sollicitée actuellement, elle est victime de son succès et le délai d’attente est, pour nous, de 10 semaines ».
Quant aux autres allégations, telles que celles laissant sous-entendre que des jeunes de 15 ans fréquenteraient ce genre de lieu, il a, là-aussi, tenu à rétablir la vérité : « Une fois encore, c’est du grand n’importe quoi puisque nous avons en permanence à la porte un vigile qui contrôle les pass sanitaires et les pièces d’identité. Et, lors de nos soirées, j’ai tout de même 4 agents de sécurité, dont un qui surveille au centre de la salle et un autre qui se promène dans l’établissement ».
Multipliant « les rendez-vous avec les représentants des forces de l’ordre afin de mieux sécuriser le quartier et éviter les agressions nocturnes au sortir des établissements », Gilbert Febvay explique que cela lui « a fait perdre deux soirées étudiantes du jeudi ». Des annulations qui sont venues accentuer la baisse du chiffre d’affaires de ce bar à ambiance musicale qui, comme tous ses collègues, a subi un lourd tribu de la crise sanitaire…
Aussi cette rumeur est intervenue à un bien mauvais moment. Cela ne l’empêche pas d’être philosophe : « Nombre d’établissements ont été descendus à Paris par Balance ton bar. Dorénavant, Marseille est touchée par ce phénomène. Là, c’était à Dijon… Les réseaux sociaux, c’est comme tout, cela nous a aidé dans le développement, et là, c’est le revers de la médaille ! »
Victor Hugo aurait lui, qui sait, qualifié les réseaux sociaux de… misérables !
Camille Gablo