Denis Favier : « La pierre angulaire de la société française »

Président de Shop in Dijon, vice-président de l’association des Commerçants et Artisans des Métropoles de France (CAMF), Denis Favier a été choisi par le gouvernement pour co-présider l’un des ateliers des Assises du commerce, premières du nom, qui se déroulent depuis le 1er décembre à Bercy. Les commerces – des hypermarchés aux boutiques de centre-ville – sont à un tournant de leur histoire, la crise du Covid ayant accéléré les mutations. Ceux-ci doivent faire face à concurrence féroce des pure player ou encore à la nécessité de la transition écologique. Des propositions seront faites à l’issue afin que le gouvernement puisse prendre des mesures réglementaires avant l’élection présidentielle. Denis Favier nous en dit plus des attentes d’un secteur qui pèse, rappelons-le, 500 milliards d’euros, 3,6 millions d’emplois dont 3,2 millions de salariés et plus de 300 000 points de vente dans l’Hexagone…

Dijon l’Hebdo : Réunir l’ensemble des acteurs du commerce, des petits commerçants aux grandes surfaces, est une première…

Denis Favier : « Le commerce actuel a été profondément chamboulé avec la crise sanitaire et, entre autres, avec le numérique. Il faut que l’on arrête d’opposer systématiquement commerce de centre-ville et commerce de périphérie. Les deux ont profondément été impactés et connaissent de profondes mutations. Les hypermarchés ne vendent quasiment plus que de l’alimentaire. Nous sommes, à Dijon, une métropole et c’est tous ensemble que nous allons attirer le chaland du grand extérieur. Nous avons besoin d’une attractivité qui bénéficie à tous mais nous devons faire face à un concurrent de taille : les plateformes internationales telles Amazon. Lors d’une des tables rondes organisées aux Assises, l’économiste Philippe Moati a précisé fort justement : « Attention, personne n’a vu venir Amazon et, actuellement, ce pure player prépare le terrain pour prendre les parts de marché sur l’alimentaire ». A nous, maintenant de nous adapter et de trouver les solutions pour qu’à l’horizon 2030 nous réinventions le commerce de demain ! »

DLH : Vous évoquiez l’économiste Philippe Moati. Celui-ci a notamment expliqué que « la force d’Amazon résidait d’abord dans la faiblesse de ses concurrents… »

D. F : « Il faut bien-sûr rendre le commerce plus fort d’abord pour les consommateurs français. Il faut que l’on arrive à trouver une équité pour tous les commerces, ici à Dijon, pour ceux des métropoles mais aussi dans les villes moyennes comme Nevers – je co-préside au demeurant l’atelier avec le maire Denis Thuriot – mais également pour toutes les petites bourgades. Le commerce représente la pierre angulaire de la société française. N’oublions pas qu’il permet aussi à des gens non qualifiés de trouver un travail pour démarrer dans la vie. Il est également un lien social pour bon nombre de Français et la preuve a été apportée durant les confinements. Le commerce est véritablement essentiel ! »

DLH : Il faudra attendre l’issue de ces Assises pour connaître les réformes souhaitées par le monde du commerce mais pouvez-vous déjà nous donner trois des mesures phares que vous attendez ?

D. F : « J’ai échangé avec le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, qui souhaitait savoir quels devaient être les trois sujets principaux à aborder durant ces Assises. Les commerçants souffrent du problème du surplus des stocks. Nous avons trop de fournisseurs qui sont les rois du monde et qui imposent leur loi à leurs distributeurs qui, souvent, se retrouvent avec plus d’articles à vendre que leur capacité de clientèle. Je demande que durant nos braderies nous ayons le droit de faire comme durant les soldes, autrement dit de vendre à perte pour déstocker. Il y a aussi la question des baux commerciaux qui sont beaucoup trop rigides à l’heure actuelle. Et le sujet de la numérisation est essentiel. Je pense qu’il faut à la fois une mutualisation de la numérisation pour tous les indépendants et, dans le même temps, une mutualisation de la logistique. Nous avons proposé à l’Etat un projet qui s’appelle la Maison de la numérisation et de la logistique qui pourrait être localisée en périphérie. Ce serait un grand local où les commerçants pourraient déposer leur surplus de stocks. Grâce à un véhicule électrique, répondant à la transition écologique, des navettes pourraient être effectuées jusqu’à leurs commerces. Et un studio photo pourrait se trouver dans ce local afin que chaque commerçant puisse photographier ses produits et les mettre soit sur un site mutualisé, tel que celui de Shop In Dijon, ou alors sur leur propre site vitrine. Mais les enjeux sont multiples et, comme l’a très bien résumé Philippe Houzé, président du directoire propriétaire des Galeries Lafayette, le commerce de demain, c’est l’enfant métisse d’une machine froide et d’un commerçant sensoriel ! C’est très juste… »

Propos recueillis par Camille Gablo