Musée « déconstruit » : le politique à l’œuvre ! 

D’aucuns pensaient en avoir fini avec l’œuvre de démolition générale prônant un multiculturalisme, assorti d’un uni-sexisme rampant plutôt que flamboyant ! Sandrine Rousseau nous avait conviés lors de la récente primaire d’Ecologie – les Verts en vue des Présidentielles à la découverte de son « homme déconstruit ». Ce n’était que le début d’un « mea culpa » général en réparation des spoliations commises par nos ancêtres qui avaient fait main basse sur le patrimoine des anciennes colonies, protectorats ou comptoirs. Mais la terre tourne ; les idéologies également. Depuis peu, est advenue l’ère du musée « déconstruit » pour compenser ces razzias culturelles du 16ème au 20ème siècle. L’heure est aujourd’hui à la repentance : les adeptes du wokisme n’ont de cesse de pilonner ou de déboussoler nos ex-grandes figures qui firent « le Roman de la France » sous l’égide de Michelet, Colbert, La Pérouse, Lyautey, Gambetta, Jules Ferry, Clemenceau etc.

Dans l’espoir de ne pas perdre toute influence politique ou économique sur le continent africain, dans le souci de rallier à lui le plus large électorat possible, le Président Macron a pris la décision de restituer au Bénin 26 trésors royaux, dont trois magnifiques statues récemment exposées au musée du Quai Branly – tous emblèmes des trois derniers rois de ce royaume jadis fondé par les Edos et les Fons : Ghezo mi-homme mi-oiseau, Glélé mi-homme mi-lion et Béhanzin mi-homme mi-requin. Sont également sur le chemin du retour de superbes tabourets ou trônes qui témoignent du splendide métissage des savoir-faire des Béninois et des Portugais – les premiers à avoir pris possession du pays à la fin du 15ème siècle.

Ces rapines culturelles avaient fait le bonheur et le fond de commerce des musées occidentaux ainsi que des collectionneurs privés, à qui il convient de reprocher d’avoir trop longtemps perçu ces objets rituels ou ces emblèmes du pouvoir royal pour leur esthétique. Et ce, au détriment des dimensions sacrées ainsi que de la portée métaphysique des Arts Premiers. Il n’empêche que la conservation des œuvres dans des conditions optimales dans notre pays, tout comme la restauration ou la recherche ethnologique sous l’égide de la Réunion des Musées de France s’avèrent bénéfiques pour ces pièces d’art : elles retournent en Afrique ou en Océanie quasiment dans leur facture d’origine. Dans cette affaire de… « reconduite à la frontière », la mobilisation des gouvernements africains sur les restitutions reste faible, à part quelques pays qui, sur la lancée du Bénin, ont exigé réparation. Nombreux sont ceux qui ne possèdent ni musée, ni de grands ethnologues de la dimension d’un Amadou Hampâté Bâ… Quid de l’avenir de tels chefs d’oeuvre ?

Poussons plus loin et jusqu’à la déraison l’argumentaire des « déconstructeurs/démolisseurs » qui font grand bruit dans les salons occidentaux : faut-il envoyer en Afrique ou en Océanie des œuvres de Picasso, de Braque, de Fernand Léger, de Julien Gris, de Gauguin etc. qui ont nourri leur génie en s’inspirant largement du patrimoine culturel et sacré des Africains, ou celui des peuples d’Océanie ou encore des Inuits ? Doit-on restituer également les objets religieux en ivoire – ciboires, calices – dont le clergé des 16/ 17èmes siècles avaient confié l’exécution à des artisans africains ?

Dans le courant du XIXe siècle, l’archéologie, la muséographie s’étaient retrouvées au cœur de nouveaux enjeux tant politiques que scientifiques. Sous l’impulsion de Napoléon III, la France s’était dotée de nombreux musées, s’appropriant la connaissance des cultures disparues dans le but de se forger une identité supra-nationale autour d’une véritable épopée à l’échelle de l’Europe et du bassin méditerranéen, en Grèce, en Italie, voire au-delà de l’Orient ou de l’Afrique (1). Napoléon III entendait marcher sur les traces du conquérant romain : il avait d’ailleurs favorisé dans ce but la rédaction de l’Histoire de Jules César!

En 2021, le musée demeure plus que jamais un haut-lieu des arts, mais pas que… A décrypter le geste du Président Macron vis-à-vis du Bénin, on découvre qu’un musée est source de … desseins politiques.

Marie-France Poirier

En 2018, le Président de la République, sur proposition du musée et du ministère de la Culture, avait annoncé la restitution, à la République du Bénin, de 26 œuvres du trésor royal d’Abomey, prises de guerre du général Dodds dans le palais incendié par le roi Béhanzin après les combats de 1892 de la campagne du Dahomey.