Jamais les cartes n’auront été autant rebattues pour les élections départementales et régionales des 20 et 27 juin prochains. Le joueur de poker invétéré qu’était l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill – et pas seulement à ses heures perdues – aurait sans conteste pu partager cette analyse. Mais qui fera « all in » et sortira grand vainqueur ? That is the question !
Si le sujet n’était pas aussi grave et si la saison du DFCO n’était pas aussi pitoyable, nous pourrions comparer la situation politique actuelle à un mercato sans précédent… Enfin Winston Churchill, qui justifiait le secret de sa longévité par « No sport, just whisky and cigars » et qui était un grand joueur de poker, aurait certainement préféré mettre sur le tapis cette autre métaphore : les cartes n’ont jamais été autant rebattues… A tel point que la nouvelle donne semble renvoyer aux calendes grecques les us et coutumes qui étaient encore en vigueur lors des précédents scrutins. Ce qui n’est évidemment pas pour déplaire – vous vous en doutez – aux thuriféraires d’Emmanuel Macron, le président jupitérien qui a toujours voulu faire tomber la foudre sur « les partis de l’ancien monde… »
Autant lors des précédentes consultations intermédiaires – notamment les municipales –, il n’en a rien été, autant cette fois-ci, pour les départementales et régionales, derniers tours de piste rappelons-le avant la Présidentielle de 2022, « l’ancien monde » est en train de subir un tremblement de terre sans précédent. Sur l’échelle de Richter, nous pourrions au moins lui accorder un 8… c’est dire ! Si bien que là, après le sport et le jeu, une métaphore animale pourrait même venir à l’esprit : « Une chatte n’y retrouverait même pas ses petits » !
Comment ainsi un observateur non averti du paysage politique peut comprendre que deux des plus proches de François Sauvadet – Emmanuelle Coint et Pascal Grappin – aient abandonné en rase campagne la liste de Gilles Platret pendant que, dans le même temps, son premier vice-président au Département, François-Xavier Dugourd, ait décidé de rester tête de liste de la section départementale du même Gilles Platret ? Vous n’avez évidemment pas manqué le recadrage du président du conseil départemental de la Côte-d’Or à l’encontre de la tête de liste Les Républicains pour les régionales, après que celui-ci a annoncé son alliance avec Debout la France. La présence sur les photos, aux côtés de Gilles Platret, de Lilian Noirot, conseiller régional DLF élu, en 2015, sur la liste du Front national et passé aussi depuis par les Patriotes, n’a pas été du goût de François Sauvadet, dont le communiqué est tombé comme un couperet pour le maire de Chalon-sur-Saône. « Passer un accord avec un club d’anciens partenaires de Madame Le Pen n’est pas acceptable pour moi. Tout n’est pas permis en politique et l’envie de victoire n’excuse pas l’abandon des repères et des valeurs qui forgent les parcours politiques », a, notamment, écrit l’ancien ministre centriste de la Fonction publique, qui avait, quant à lui et alors qu’il portait les couleurs de la droite et du centre lors des précédentes régionales, refusé de s’associer avec DLF. Une chose est sûre, « le Grand », comme ses amis le surnomment, ne joue jamais petit quand il question de faire des concessions à l’extrême droite…
Et sa vice-présidente Emmanuelle Coint et le président de l’UDI en Côte-d’Or, Pascal Grappin, qui étaient pourtant annoncés en bonne place sur la liste LR aux régionales, lui ont emboîté le pas…
Aussi la position de Ludovic Rochette, autre vice-président de François Sauvadet, qui, lui, avait décidé de rejoindre la liste de la majorité présidentielle pilotée par Denis Thuriot, ne semble-t-elle plus si inconfortable qu’elle pouvait paraître au début (Lire ci-contre) !
L’arc, une arme du passé !
Comment l’électeur peut-il également appréhender le fait qu’à gauche les Verts et le PS aient pu s’associer, aux départementales, alors qu’aux régionales ils auront à trancher au premier tour entre la liste de la socialiste sortante Marie-Guite Dufay et de la candidate écologiste Stéphanie Modde ? Et comment, à Dijon intra muros, peut-on retrouver des élus de la majorité en binômes avec des écologistes d’opposition ? A moins que l’on imagine dans un délai relativement court les Verts revenir dans le giron originel de François Rebsamen… ce qui, au demeurant, ne semble pas dans le vent de l’actualité !
Evidemment nous ne pouvons deviner dans le marc de café (et non dans le malt du whisky cher à Churchill) les possibles alliances de 2e tour aux régionales (où les listes ne doivent que dépasser 5%) et quels seront les deux binômes qualifiés dans les cantons côte-d’oriens (car, pour se maintenir, la barre étant à 12,5% des électeurs inscrits, on voit mal des triangulaires avec une abstention qui menace d’être une nouvelle fois record, pandémie oblige).
Mais nous pouvons tout de même nous interroger sur les bénéficiaires de cette situation… extraordinaire au sens premier du terme. Naturellement, LREM sourit en observant la droite et le centre se désagréger au niveau régional… Et, alors que la majorité macroniste n’a jamais encore réussi à transformer au niveau local l’essai présidentiel – à l’exception évidemment des législatives où elle a pratiquement fait le Grand Chelem –, elle entend bien cette fois-ci réussir à tirer les marrons du feu. Et elle espère qu’une partie des électeurs de droite se retrouvent dans la candidature du maire de Nevers, Denis Thuriot – dans une sorte d’alliance tacite, dans le secret de l’isoloir, à l’instar de ce qui se passe au grand jour en région PACA où le président sortant LR, Renaud Muselier, a décidé de s’afficher avec la majorité présidentielle !
Mais, au moment où l’on ne parle plus de « front républicain » mais d’« arc républicain » (la nuance est importante car un arc n’est tout de même pas une arme d’avenir), nous pouvons tout de même nous demander si ce n’est pas le Rassemblement national, donné très haut dans tous les sondages, qui ne profitera pas, in fine, de cette situation ? Et si cette nouvelle donne politique, avec ces cartes rebattues, ne serait pas susceptible de faire exploser le célèbre plafond de verre ? La tête de liste RN aux régionales, Julien Odoul, lui qui, évidemment, a d’ores et déjà appelé « les électeurs à ne pas se tromper entre l’originale, la liste RN, et la copie, celle de Gilles Platret », y croit… dur comme fer. Si tel est le cas, beaucoup n’auront alors que « des larmes à offrir », comme aurait pu dire Churchill… et peut-être plus !
Camille Gablo