L’époque se distingue par une vacuité de la pensée. Le pré-carré où poussaient nos herbes sages ou folles des libertés publiques et privées a été rasé par le Roundup covidien. Le couvre-feu est un crépuscule où la notion de démocratie s’égare, sans que nous trouvions quoi que ce soit à redire. Tant la maladie apparaît comme une panne d’interrupteur qui plonge la planète entière dans le noir. Tant la dévotion à Esculape ainsi que la soumission aux Tables de la Loi du tout-sanitaire priment sur toute aspiration spirituelle, sur toute velléité de se retrouver en soi, ou encore sur toute réflexion concernant la signification à donner à nos vies. En tout cas, le Covid fait songer au buphagus – ce petit oiseau parasite qui élit domicile fixe sur le dos des hippopotames, se nourrit des larves contenues dans les poils de leurs pelages et désinfecte les plaies de leurs épidermes. Demeure une différence notoire : cette sale bestiole de SRAS-CoV est loin de prendre le genre humain sous son aile ! Il ne nous attrapera peut-être pas tous, mais il nous lobotomise à 100 % depuis un an.
Allez à l’hyper-marché ou chez Monsieur Bricolou, oui ! Au théâtre, au restaurant ou au musée, non ! Quoique… Quoique l’Art n’a pas dit son dernier mot : deux maires ont tenté une sortie hors les circonvallations du « respirer politiquement sain », décidant la réouverture de leurs musées locaux et régionaux. Les rebelles se sont fait taper sur le nez par le tribunal administratif. Heureusement, l’Art n’a pas pour autant abdiqué, et ce, grâce au Tarzan du Gouvernement en la personne du Ministre de la Santé. Les télévisions se sont en effet récemment déplacées à l’hôpital de Melun pour filmer la 1ère injection du vaccin Astra-Zeneca reçue par Olivier Véran. Lequel s’est extrait d’une chemise ultra cintrée au prix d’un effort considérable afin d’être piqué à l’épaule. Ce qui nous a valu un gros plan sur son académie top gun : sous les traits du gendre idéal, notre homme fut en capacité d’exhiber une musculature digne des gladiateurs de la Rome augustéenne. Hissés à ce niveau d’une esthétique pure, les téléspectateurs ont eu l’impression de se retrouver devant l’un des plus célèbres tableaux à l’Antique du grand peintre David – « Mars désarmé par Vénus ». Youpi ! Enfin tous au Musée ou presque …
Roseline Bachelot, notre ministre de la Culture y a vu l’occasion de grimper aux cimaises et de flatter dans le sens du poil son parterre de responsables d’une culture en jachère : « La petite chemise sur le téton, là, c’était bien, a-t-elle déclaré. Il est plutôt beau gosse, alors je lui ai donné un surnom: je l’appelle maintenant « Joli Thorax ».
On a compris que ce trait d’esprit lui a été suggéré au fil de ses allers-retours assidus dans la collection de la Pléïade. Pas étonnant qu’elle nous ait gratifiés de cette référence à Jolitorax – le cousin germain breton d’Astérix imaginé par René Goscinny et Albert Uderzo. La potion d’Obelix sauve une fois encore la culture, remet au goût du jour David ainsi que la Leçon d’Anatomie de Rembrandt, tout en redorant les biscottos de la République et de… l’Académie de Médecine. Merci docteur Véran !
Marie-France Poirier