Ramya Chuon : Hugo Pratt aurait apprécié

L’exposition des 9 premiers artistes de la Halle 38, ancien bâtiment militaire reconditionné par la Ville de Dijon en lieu de création, se poursuit au Musée des Beaux-Arts et aux Bains du Nord. Et la sculpture évolutive de Ramya Chuon que Dijon l’Hebdo accueille en résidence (dans ses colonnes) continue de grandir.

Tout comme Hugo Pratt a fait des tropiques le théâtre des aventures de Corto Maltese… Ramya Chuon fait de l’exposition « Halle 38 – Années Tropiques » la scène de ses pérégrinations artistiques. Il faut dire qu’il y dévoile (et développe) une statue évolutive. Hugo Pratt et l’artiste dijonnais – même s’il s’en défendra toujours avec l’humilité qui le caractérise – ont en commun d’ériger le trait au rang d’art royal : le 9e pour le premier, BD oblige, les 2e et 3e, pour le second, puisqu’il excelle à la fois dans la sculpture et la peinture. Il suffit de se rendre dans le design shop Une Vie de Rêve, rue Verrerie à Dijon, et de voir ses tableaux d’animaux pour en être convaincu. Sur la toile, gorilles, lions, tigres… reprennent vie et retrouvent tout leur mordant (pour le rhinocéros, la formule ne fonctionne pas… mais ce tableau est d’un piquant exceptionnel !) Tous ces animaux au caractère guerrier renvoient au passé de cet architecte d’intérieur qui a rejoint la France dès son plus jeune âge afin de fuir, avec ses parents, l’un des régimes les plus sanglants du XXe siècle : Pol Pot et les Khmers Rouges. Quant à sa statue évolutive, elle tire son nom – Hybride – et sa substantifique moelle de sa culture franco-cambodgienne. Avec, là encore, une dimension introspective forte et un besoin incompressible de se protéger, comme en témoignent les strates successives aux airs de carapace… Son passé, le présent et l’avenir s’entrechoquent dans cette sculpture dont l’idée a germé lorsqu’il a vu l’échographie de sa petite fille telle « une véritable graine qui grandit… » Certains peuvent y voir une orchidée mais rien n’est moins sûr ! Une seule chose est sûre, la statue pousse lentement : après le cœur, il est passé à la phase 2 dite Protéiforme, en attendant la prochaine étape qualifiée de Biomorphe…

Cette belle plante artistique est, en tout cas, visible au Musée des Beaux-Arts mais aussi aux Bains du Nord – FRAC Bourgogne (1), avec une version minimaliste, dans cette exposition pensée en deux lieux et destinée à dévoiler le travail de la première promotion des artistes locaux hébergés à la Halle 38, l’ancien bâtiment de la caserne Heudelet rénové par la ville de Dijon. Vous pourrez ainsi, en sus du travail de Ramya Chuon, découvrir les œuvres de Julien Chateau (avec qui il a développé Le petit Laboratoire de Formes potentielles) mais pas seulement : sont également présents Atsing, Diane Audema, Diane Blondeau, Hugo Capron, Cécile Maulini, Hugo Pernet et Nicolas Rouah. Au total, ils sont neuf à vous entraîner dans leurs univers respectifs.

Neuf, tout comme le 9e art d’Hugo Pratt… à qui nous laisserons naturellement le mot de la fin : « Sans curiosité on meurt et sans courage on ne vit pas ! » Cette citation pourrait parfaitement résumer le travail et le parcours de Ramya Chuon…

Camille Gablo

(1) Les Bains du Nord – FRAC Bourgogne

Espace d’exposition permanent, 16 rue Quentin 21000 Dijon