Manifestation inédite ce vendredi 2 octobre à Dijon. A l'appel de l’UMIH 21 (Union des Métiers et des Industries de l’hôtellerie), de nombreux professionnels ont mené une action devant leurs établissements. « Laissez-nous travailler », « On va mourir »… pouvait-on lire sur les pancartes brandies par les personnels. Explications avec Gilbert Febvay, président de la branche cafetiers et monde de la nuit.
Dijon l’hebdo : On n’a pas l’habitude de voir vos professions dans la rue…
Gilbert Febvay : « Effectivement, c'est la première fois que l'UMIH 21 appelait à une manifestation dans la rue depuis le déconfinement mais face à l’angoisse de notre avenir, il était urgent de soutenir l’ensemble de nos entreprises en train de mourir avec leurs salariés et d’être solidaire avec l’ensemble des établissements fermés ou en passe de l’être. Cette action collégiale était soutenue, sur le plan national, par Philippe Etchebest et l’ensemble des organisations professionnelles du secteurs, à savoir les discothèques, les traiteurs, les bars, les hôtels, les brasseries, les restaurants... ».
DLH : Concrètement, comment cela s’est passé ?
G. F : « Pour se faire entendre, il faut faire du bruit. C’est ce que nous avons fait devant nos établissements. Et nous avons choisi le noir pour nous habiller. Un signe distinctif, symbole du deuil de nos métiers. Une façon de marquer les esprits en mettant ainsi en avant, aux yeux de tous, notre douleur et notre souffrance. Tous nos personnels étaient mobilisés. Cela illustre bien leurs inquiétudes. Leurs salaires ont été réduits et ils sentent bien qu’ils ne font plus leur métier.
Une manifestation comme celle-ci voulait traduire un état d’esprit. Nous ne voulons être ni réduits à la mendicité, ni payés par l’État. Un seul message au gouvernement : laissez-nous travailler ! ».
DLH : Le problème, c’est que les soirées entre jeunes se passent désormais ailleurs...
G. F : « Les mesures qui nous sont imposées ne cassent en rien la chaîne de contamination. Bien au contraire, la restriction horaire ou la fermeture donnent le feu vert aux rassemblements sauvages sur la voie publique ou dans des lieux privés comme des appartements, sans aucun respect du moindre protocole sanitaire, sans distanciation physique, sans contrôle. Il suffit de voir les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux pour se rendre compte de l’absurdité de la situation. Regardez ces images de fêtes entre jeunes. Aucun n’est masqué. Ils sont les uns contre les autres à se passer et repasser verres et bouteilles. Sans compter le tapage nocturne qui indispose les voisinages.
Il est désormais interdit de vendre de l’alcool à Dijon après 20 heures… C’est bien mais vous pensez que les jeunes ne vont pas faire leurs achats dans la journée ? On peut leur mettre toutes les interdictions possibles mais les jeunes qui veulent faire la fête feront toujours la fête. Les professionnels que nous sommes refusent d’être les boucs-émissaires du gouvernement qui n’assume pas ses responsabilités, ni son incapacité à faire appliquer les mesures sanitaires déjà prises ces derniers mois ».
DLH : Quel est votre état d’esprit aujourd’hui ?
G. F : « On reste ouvert pour dire qu’on est ouvert. On travaille presque tous à perte. Nous sommes une cible facile pour le gouvernement. Un train, on ne va pas l’arrêter. Un bus non plus. Ce n’est pas une situation nouvelle. On a vu des bars fermés après une bagarre. La même chose se passe dans une gare et ce n’est pas pour autant qu’on la ferme… On exerce un métier avec une épée de Damoclès au dessus de la tête.
D’une manière générale, c’est le pessimisme qui règne dans nos métiers. Une fermeture à 22 heures pour des établissements de début de soirée, c’est presque une fermeture totale. Ce sont des salariés qu’on va mettre au chômage, ce sont des agents de sécurité qu’on ne prendra plus.
DLH : Et le client dans tout cela ?
G. F : « Le client a bien compris qu’il y a certainement plus de risque d’attraper le virus dans un bus ou dans le tram que chez nous. Si dans un bus, serrés comme on peut l’être, on n’attrape pas la Covid, je ne vois pas comment on pourrait l’attraper dans un club discothèque, dans un bar…
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on arrive à faire respecter les protocoles, à appliquer à la lettre ce qui nous est imposé. Ce n’est pas facile, j’en conviens, mais on y arrive à force de pédagogie. Le client a désormais bien compris que le masque on ne peut l’enlever que quand on est assis. Mais la clientèle, elle n’est plus comme avant. Elle est moins présente. On la sent contrariée, agressive parfois. On voit bien qu’elle n’a plus le même goût à la fête. Elle aussi a du mal à supporter d’être ainsi bloquée. En plus, il faut savoir gérer au mieux ce ras-le-bol qui monte de plus en plus ».
DLH : Le problème, c’est que certains de vos confrères, ne prennent pas les mêmes précautions ?
G. F : « Tout à fait. Il y en a, hélas, quelques uns qui font n’importe quoi. Pourtant, je peux vous assurer que l’UMIH n’a de cesse de passer les messages qui s’imposent. Il y a eu à Dijon un important contrôle de plus d’une trentaine d’établissements au terme duquel deux ont été sanctionnés par une fermeture administrative de 15 jours. Quand on n’est pas dans les clous, c’est normal d’être puni ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre