SHINING

Thriller d’épouvante de Stanley Kubrick (1980) avec Jack Nicholson, Shelley Duvall, Danny Lloyd et Scatman Crothers.

Jack Torrance (Jack Nicholson), un romancier en quête de calme et de solitude, est engagé comme gardien par le gérant de l’hôtel « Overlook » durant la période hivernale. Sans s’inquiéter des récits macabres que lui fait son employeur, qui a vu le précédent gardien sombrer dans la démence et assassiner à coup de hache sa femme et ses deux filles, Jack emménage dans l’hôtel avec sa femme Wendy (Shelley Duvall) et son fils Danny (Danny Lloyd). Ce dernier y rencontre le cuisinier de l’hôtel, qui lui apprend qu’il est doté du shining, un pouvoir télépathique qu’il possède lui aussi. Le shining expliquerait pourquoi Danny discute souvent avec Tony, un ami fictif qui s’exprime par la bouche du garçon. Le cuisinier lui interdit également de pénétrer dans une chambre mystérieuse portant le numéro 237 …

Après l’échec du somptueux mais un brin ennuyeux BARRY LYNDON (1975), Stanley Kubrick choisit d’adapter Stephen King, pour rivaliser avec la jeune génération du Nouvel Hollywood, qui casse alors littéralement la baraque : Coppola et ses différentes parties du PARRAIN (1972), Polanski et son CHINATOWN (1974), Spielberg et ses DENTS DE LA MER (1975), Scorsese et son TAXI DRIVER (1976), enfin Lucas avec sa saga STAR WARS (1977). Kubrick décide alors de transformer une série B en grand film d’auteur !

SHINING est le dixième long-métrage du cinéaste new-yorkais, considéré comme l’un des plus grands réalisateurs du monde. Le film ressort cet été, quarante ans après sa première diffusion, dans une version longue et restaurée 4K. C’est vraiment l’occasion de le redécouvrir. Mais quelles pourraient être les 237 raisons qui vous pousseraient à aller vous enfermer 143 minutes dans une salle obscure en compagnie de Jack Torrance ? Nous n’énoncerons ici que les sept premières.

Raison principale : Kubrick est un metteur en scène, rare et précieux. Il ne réalisera plus que deux films avant sa disparition le 7 mars 1999 à l’âge de soixante-dix ans : sa grande œuvre sur le Viêt-nam FULL METAL JACKET (1987) et l’hypnotique, fascinant et mélancolique EYES WIDE SHUT (1999). Kubrick parvient à traumatiser le cinéphile par sa seule signature. Il nous possède comme l’Overlook possède Jack Torrance. Grâce à lui, pendant près de deux heures et demi, nous avons-nous aussi le don du shining.

Pour Jack Nicholson, au sommet de son … cabotinage ? Il n’atteindra cette intensité de jeu qu’à deux autres reprises dans sa carrière : pour son rôle de Randle Patrick dans VOL AU DESSUS D’UN NID DE COUCOU (1975) de Milos Forman et celui du Joker dans le BATMAN (1989) de Tim Burton. Son interprétation de Jack Torrance est hallucinante (hallucinée ?).

Pour le labyrinthe spacio-temporel que constitue SHINING : Jack Torrance a finalement toujours été le gardien de l’Overlook. Lorsque nous y pénétrons, nous ne pouvons alors que tourner en rond avec lui. En plongeant dans le film, le spectateur accepte de perdre tout repère linéaire. Il est aspiré, comme Torrance, vers le vide … Acrophobique s’abstenir !

Pour le Steadycam inventé par Garett Brown, littéralement « Caméra stable » : c’est Brown lui-même qui multiplie les plans dans SHINING. Grâce à cette caméra révolutionnaire, Kubrick amplifie l’angoisse ressentie par le spectateur en filmant à hauteur d’enfant, en frôlant le sol et les murs. Comme dans la scène où Danny circule dans les couloirs de l’hôtel sur son tricycle rouge (notre photo), ou dans le labyrinthe où chaque virage est transcendé. La poursuite finale dans la neige sur les pas de Danny est un traumatisme inoubliable.

Pour les plans aériens de l’introduction, fonçant sur les lacs purs et les montagnes glacées ou le mouvement qui enserre Wendy dans l’escalier, tétanisée face à son mari furieux : merveilleuse Shelley Duvall, prix d’interprétation féminine à Cannes dans TROIS FEMMES (1977) de Robert Altman. Le climat de tension instauré par Kubrick autour de l’actrice pendant le très long tournage n’est sans doute pas totalement étranger à la nature de sa performance. La comédienne ne s’en remettra pas, et disparaitra progressivement de nos écrans.

Pour la musique originale de Wendy Carlos : la compositrice signe avec Rocky Mountains un morceau monumental et inquiétant, avec des cuivres d’une ampleur sidérante. La musique évoque alors le courage dont fera preuve la jeune femme et son fils lorsqu’ils seront confrontés à la démence de l’écrivain.

Enfin, parce SHINING est le film-synthèse de l’épouvante. Le cinéaste déclarait dans Kubrick par Kubrick : « L’attrait essentiel qu’exercent les histoires de revenants vient de ce qu’elles impliquent une promesse d’immortalité : au niveau inconscient, elles plaisent parce que, si l’on peut avoir peur des fantômes, c’est qu’on accepte, ne fût-ce qu’un instant, l’idée qu’il existe des êtres surnaturels, et cela suppose très évidemment qu’au-delà de la tombe il y a autre chose que l’oubli. ». Voilà SHINING immortalisé.

A vous maintenant d’inventer vos propres raisons. Bel été à toutes et à tous.

Raphaël Moretto

Du 8 au 14 juillet au cinéma Olympia, redécouvrez 3 chefs-d’œuvre de Kubrick sur grand écran.

A voir également : Kubrick par Kubrick (2020) documentaire de Gregory Monroe ;

Chambre 237 (2013) documentaire de Rodney Ascher.