L’Oréal et Unilever lavent le cerveau « plus blanc que blanc » !

L’été post-confinement s’annonçait bien sombre sur tous les plans. Ouf ! L’Oréal vient d’éclaircir notre horizon : certes, ce verbe est désormais bien indécent et tabou, mais tant pis ! L’Oréal, ou plutôt l’Ogréal le gros bêta, nous cherche des poux dans la tête, nous shampooine manu militari et passe carrément au lavage des cerveaux. Les grands inquisiteurs de L’Ogréal s’acharnent à nous faire prendre les vessies pour des lanternes. Sous le prétexte fallacieux de n’être guidés que par un souci d’équité raciale bon teint et non par une nouvelle flambée éruptive de marketing, ils bannissent dorénavant les mots « blanc », « blanchissant » et « clair » dans le descriptif de leurs produits cosmétiques destinés à « uniformiser la peau ». La décision intervient dans le contexte des manifestations antiracistes déclenchées à la suite de la mort de George Floyd, cet Afro-Américain, asphyxié par un policier blanc – et ce, sous le regard indifférent de ses quatre collègues. L’affaire est suffisamment grave pour ne pas être exploitée dans le sens du poil à des fins de vente à une clientèle de personnes de couleur. Clientèle dont les achats en produits cosmétiques sont en progression constante !

La firme anglo-néerlandaise Unilever – autre leader sur ce secteur et ne reculant devant aucune stratégie abusive – avait précédé le groupe français dans cette croisade du merchandising et de l’hypocrisie décidément tirée par les cheveux. Elle avait une semaine plus tôt retiré des emballages de ses produits l’adjectif « fair » qui se traduit par « clair » en Français! On sent bien que Wagner, ses blondes Walkyries, sa Lorelei « mit sein golden Haar » sont devenues persona non grata… Le Festival de Bayreuth passe désormais pour faire entendre la voix, le chant du diable !

Et ce n’est pas le seul cas sur lequel ces deux multinationales jettent l’opprobre, en tentant d’imposer l’actuelle morale dictée par les Dix Tables de la loi du capillaire et de la dermatologie. Prenez notre poète Mallarmé, enseigné dans les lycées : il avait « l’angoisse de la feuille blanche », car il craignait de la salir par une inspiration trop banale. On sent bien qu’avec des idées comme ça en tête, Mallarmé disait déjà des gros mots qui, aujourd’hui, font tache et fâchent. L’Ogréal n’aurait pas manqué de lui passer un savon et de le mettre au ban de la société, si la marque avait sévi à l’époque. De même le peintre Soulage, qui ne cesse de broyer du noir : a-t-il une chance de sauver sa peau ? Pas sûr ! L’artiste a beau appartenir au clan vénérable des cheveux blancs, il a tout pour défriser les âmes bien-pensantes si celles-ci s’avisaient de le passer au peigne fin de la sémantique. Et notre feu copain à tous, notre Johnny Hallyday, avec son fameux tube « Noir, c’est noir » ? Là, il est certain qu’il aurait été marqué au fer à friser chauffé à blanc… Quant à Noir Désir, même pas dans un cauchemar !

L’Ogréal et Unilever se montrent dramatiquement grotesques dans leur démarche inquisitrice qui voue aux gémonies les esprits réfractaires nourris aux « Lettres Persanes » d’un Montesquieu. Nous voilà entrés dans l’ère des grands shampooineurs qui sont des faussaires de la syntaxe, tordent le sens de mots ou de verbes innocents jusqu’à donner à penser qu’ils possèdent une connotation raciste ! Tiens, pendant qu’on y est ! Un qui « riz » jaune, c’est l’Oncle Ben. Mars, la marque détentrice, veut l’envoyer aux oubliettes sous couvert que l’emballage où le sympathique bonhomme figure a des relents d’esclavagisme ! Décidément la planète des hommes a un grain…

Marie-France Poirier