Macron 1er versus Colbert ?

Ne nous trompons pas d’époque ! La République a beau avoir organisé bien des congrès à Versailles, la France a perdu de son panache. Il ne sert à rien de nous gargariser avec la formule pseudo-magique de « cinquième puissance du monde ». Première du monde en majesté aux 17ème et 18ème siècles – voire au 19ème, elle est aujourd’hui devenue une puissance moyenne, entrée avec bien des couacs et des manques dans le processus de confinement. Pour aborder le cap du 11 mai et l’agencement des modalités soumises à condition, c’est la ligne plus dure et pragmatique d’Edouard Philippe qui a prévalu sur celle défendue par Emmanuel Macron – éternel équilibriste de la verticalité d’un pouvoir tatillon, moralisateur. L’intervention du 1er Ministre, lors du vote le 28 avril à l’Assemblée nationale, a démontré – oui enfin ! – un souci de décentralisation, en s’appuyant sur les présidents et les élus des départements, ainsi que sur les préfets.

Le chef du gouvernement a donné priorité au terrain, déployant un modus operandi d’une reprise scolaire a minima, et ce, en fonction d’une carte géographique de départements « verts » ou « rouges ». L’adoption de son plan rend obligatoire le port des masques dans les entreprises ou dans les transports en commun, et à la mi-mai dans les collèges. Mais à quel prix d’ailleurs ? Les agents de la RATP renâclent, ceux de la SNCF ou les personnels de l’Enseignement également… Appel est fait au civisme des Français pour ne pas remettre en péril la sécurité sanitaire.

Edouard Philippe a donné rendez-vous au début juin à la nation pour faire le point sur cette 1ere phase du déconfinement qui en déterminera ou non la poursuite. Bref, il n’a pas donné dans la langue de bois, se taillant un habit à la Colbert et reléguant ipso facto Emmanuel Macron à un rôle de figurant ! D’autant que l’on garde en tête le manque d’anticipation, les faux-semblants de langage ou les valses-hésitations du Président de la République dans la gestion de cette crise qui obère notre avenir sur le long terme.

Ainsi le 1er Ministre a mouillé sa chemise ! Espérons qu’Emmanuel Macron – qui s’est dispensé de la corvée d’aller au charbon – prenne de la hauteur pour proposer des stratégies susceptibles de réamorcer la pompe dans les secteurs industriels les plus vitaux de l’économie. Il s’était engagé en avril dernier à faire rapatrier en France des pans entiers de la production, notamment dans les secteurs pharmaceutiques, technologiques, textiles etc. Le covid-19 a mis en exergue le danger que génère notre perte d’autonomie liée à une délocalisation massive en Chine, en Inde, au Vietnam, en Corée… Le « hic » : le chef de l’Etat a-t-il le poids nécessaire pour contraindre les dirigeants des multinationales et briser leur omnipotence ? Comment compte-t-il s’y prendre ? Ces réponses restent en l’air. Jusqu’ici, il s’est contenté de boxer en super-léger, voire même en poids plume. Tout, en effet, dans notre quotidien – l’affaire des masques, l’abandon de notre fabrication pharmaceutique ou la cession de brevets industriels au bénéfice d’entreprises étrangères – démontre notre dépendance vis-à-vis de l’Asie, et – pour certains produits agricoles ou laitiers – vis-à-vis de l’Espagne, de l’Italie, du Maroc et même de la Hollande. Prenons Macron au mot : quand se décidera-t-il à… « se réinventer »?

L’heure est grave : l’État – depuis les plates années de François Hollande – ne croit plus en lui, se réfugie derrière l’Union européenne quitte à se défausser à la moindre fausse note. Conséquence : pour ne pas avoir su orchestrer, puis gérer des actions d’envergure nationale contre le Covid-19, Emmanuel Macron jouit d’une crédibilité réduite à peau de chagrin sur l’échiquier mondial ; dans le cadre de nos relations avec l’Allemagne, ce n’est guère mieux. Ses tribulations maladroites alimentent une jacquerie larvée de la part d’un bon nombre de maires, de présidents de métropoles régionales ou de région. Quant aux conseillers made in ENA de son cercle rapproché ainsi que bon nombre de haut-fonctionnaires, ils sont passés maîtres-meccanos dans l’art de monter des usines à gaz… paralysant.

Pastichons le grand écrivain que fut Milan Kundera et concluons à « l’Insoutenable légèreté » d’un Président Macron qui a cru donner le change en se rendant récemment dans un supermarché en Bretagne. Pas facile pour lui, aujourd’hui, de demeurer en tête de gondole. Lors de sa halte à Saint-Paul de Léon, il a confondu les ors de la République avec une CB sans contact à la caisse du Super « U » breton.

Marie-France Poirier