Jean-François Dodet : « Les Epleumiens (aussi) vont au front ! »

Nous aurions pu aussi interroger Jean-François Dodet comme médecin ou encore comme membre de l’Association régionale de santé (ARS), la structure dont l’on parle le plus depuis plusieurs semaines. Mais c’est comme maire de Saint-Apollinaire que nous l’avons interviewé. Et ce, afin de prendre le pouls de cette commune qui a mis en place une cellule de crise œuvrant à faciliter le confinement de ses administrés et travaillant d’ores et déjà à l’après-confinement

 

Dijon l’Hebdo : : Avez-vous réussi à maintenir a maxima les services publics malgré le confinement ?

Jean-François Dodet : « La ville est très calme parce que les Epleumiens respectent majoritairement le confinement mais, dans le même temps, la municipalité fonctionne plus que jamais. C’est même le chaudron. Il faut à la fois assurer l’immédiat, autrement dit la phase de confinement, et, dorénavant, depuis l’annonce du déconfinement progressif à partir du 11 mai, nous travaillons à voir comment cela va se passer. Car ce ne sera pas simple à organiser au niveau communal. Et il faut dès maintenant l’anticiper… Il faut s’y préparer et c’est actuellement que cela se décide. Cela ne fait pas beaucoup de bruit mais cela mobilise beaucoup de personnes ».

DLH : Vous voulez parler, entre autres, de l’accueil des jeunes…

JFD : « Nous devrons en effet rouvrir nos deux crèches et nos trois établissements scolaires, où toutes les mesures barrière devront être mises en place à l’intérieur comme à l’extérieur. Nous devrons effectivement gérer le respect de la distanciation sociale et les équipements nécessaires, comme les masques, les gels, mais aussi l’accueil des parents. Il va falloir réfléchir à tout cela… C’est ce que fait entre autres actuellement la cellule de crise, que nous avons en place dès le début du confinement à la mairie. Le personnel se mobilise également pour la suite. Un exemple : après un accord syndical, tout le monde a accepté de poser 5 jours de congés dans le cadre des vacances scolaires de fin de mois. Après, lorsque l’on reviendra à la vraie vie, lors du déconfinement, tous seront sur le pont. C’est aussi une forme de solidarité ».

DLH : Outre cette cellule, quels dispositifs avez-vous mis en place ?

J.-F. D. : « Dès le départ, nous avons installé un numéro téléphonique unique permanent que l’ensemble des Epleumiens peuvent appeler pour toute interrogation ou tout besoin particulier : Il s’agit du 03.80.72.99.99. Derrière, le personnel est présent afin de répondre aux appels. Ensuite, nous avons naturellement accueilli, en partenariat avec l’Education nationale, les enfants des soignants. Entre 5 et 7 enfants sont ainsi au sein de l’école de la Fleuriée et, durant les vacances de Pâques, nous leur ouvrons le centre de loisirs. J’ai proposé d’élargir cette garde aux enfants de celles et ceux qui sont mobilisés actuellement : forces de l’ordre, personnels des commerces, etc. Parallèlement, l’ensemble du service petite enfance a un contact direct avec les familles par le biais de vidéos notamment et ce, afin de les aider dans le quotidien avec les enfants qui n’est pas aussi simple que cela. L’espace jeunes adresse également des Sms aux adolescents de la commune… »

DLH : Comment avez-vous conservé le lien avec les personnes les plus fragiles ?

J.-F. D. : « Nous avons aussi développé un dispositif pour le public un peu plus vulnérable. L’Office municipale des aînés (OMA) intervient ainsi auprès d’eux. Nous avons commencé avec les plus de 90 ans et maintenant nous sommes passés aux plus de 85 ans. 30 à 40 personnes sont ainsi contactées chaque jour. Cela permet de prendre de leurs nouvelles et de voir si nous pouvons les aider, par exemple, pour leurs courses. J’ai souhaité que ce soit les élus qui se déplacent pour épauler ces personnes. C’est le rôle des élus de mouiller la chemise comme d’autres le font dans leur activité professionnelle actuellement ».

DLH : La solidarité est-elle aussi au rendez-vous à Saint-Apollinaire ?

J.-F. D. : « Oui. Dans certaines rues ont été créés des groupes WhatsApp. Les manifestations de solidarité sur les balcons à 20 heures sont également assez suivies. Je sais que des gens font des apéros d’un balcon à un autre lorsque les configurations le permettent. Cela maintient une certaine convivialité et, parfois, cela permet d’alerter si une personne est étonnamment absente. L’esprit village prédomine… Mais, sur ce point, j’ai un message à faire passer : je veux adresser tous mes remerciements à l’ensemble des soignants. Je sais que certains d’entre eux ont été touchés par le coronavirus de par leur métier. Les commerçants qui ont joué le jeu, malgré au début l’absence de masques, méritent aussi un grand coup de chapeau. Il y a eu la volonté de tous ceux qui assurent le quotidien d’être présents. Nous n’avons eu aucun droit de retrait dans nos structures. Cela montre qu’en période de crise nous avons des Françaises et des Français, des Epleumiennes et des Epleumiens qui vont au front, qui assument… »

DLH : Comment le médecin que vous êtes a-t-il vécu cette crise sanitaire ?

J.-F. D. : « Un pays qui arrive à tripler son nombre de lits de réanimation en l’espace de 15 jours, 3 semaines, c’est quand même un pays où le système est assez performant. Il y aura des choses que l’on pourra revoir et critiquer. Mais lorsque l’on entend que l’on a trié les malades, c’est faux. Aucun établissement, quel qu’il soit, ne l’a fait. Tous les patients ont été accueillis. Si certains n’ont pas été intubés, c’est parce que c’était contre-indiqué. On n’intube pas ou on ne met pas en coma artificiel aujourd’hui une personne de 95 ans qui a le coronavirus car on sait que, médicalement, cela ne se fait pas. On bascule presque dans l’acharnement et ce n’est pas lui donner un confort de fin de vie. Par ailleurs, les fins de vie dans les EHPAD sont pris en charge en majorité. Après, il y a le problème de la sortie de confinement par rapport aux masques, aux tests… »

DLH : Vous devez vous féliciter que le président de la République ait porté aux nues le rôle des élus locaux et notamment des maires dans cette période des plus compliquées…

J.-F. D. : « Je n’ai jamais entendu le discours du président de la République, je l’ai toujours trouvé décalé. J’ai toujours pensé que mon rôle de maire est d’être présent en proximité. Quel que soit le discours du président, cela ne change pas ma conception de la fonction… Nous avons vécu précédemment des effets anti-élus, rappelez-vous « balance ton maire », mais cela ne m’a jamais touché personnellement. Lorsque je vous dis que les élus sont là pour mouiller la chemise, nous sommes présents sur le terrain quelles que soient les critiques. Les critiques, si elles sont justifiées, j’en tiens compte et je rectifie, si c’est de l’agressivité pure, je laisse couler. Nous sommes dans une fonction et c’est une fonction que l’on a souhaitée. Cette fonction a des devoirs et des obligations et il faut les assumer. Quels que soient les diktats du national, cette fonction a toujours été assumée par les maires. Après je regarderai tout de même si les paroles vont se transformer en actes, notamment dans les dotations financières parce que, à l’issue, il y aura tout de même une addition ».

DLH : Le confinement n’est pas le même pour tous et il en sera de même pour l’après-confinement. Quelles mesures avez-vous prises pour faire face à la crise sociale, corollaire aussi de la crise sanitaire ?

J.-F. D. : « Pour les familles fragiles financièrement, le confinement leur coûte beaucoup plus cher. Notre cellule de crise regarde comment on va pouvoir les aider afin de passer cette période difficile. Il ne faut pas qu’à l’issue du confinement ces familles se retrouvent dans le rouge. Nous avons pris acte des mesures nationales mais le numéro que nous avons ouvert est aussi à disposition des familles qui sont en difficulté financière. Nous sommes vigilants et nous verrons comment les aider, soit par le biais de bons d’achat alimentaire, de règlements de factures… C’est une de mes préoccupations majeures ».

DLH : Quel message souhaitez-vous adresser à vos administrés en cette longue période de confinement ?

J.-F. D. : « Ils découvriront cette semaine dans leur boîte aux lettres un numéro spécial de 4 pages leur précisant toutes les aides que nous avons mis en place pour favoriser leur confinement. Mais je souhaiterais surtout leur dire : courage, merci de maintenir le confinement et préparons-nous à nous retrouver tous ensemble. Nous ne savons pas encore quand mais dans l’été éventuellement… »

Propos recueillis par Camille Gablo