Bestiaire politique : l’ours, l’ambassadrice et le lapin

« J’ai 10 ans », chante Alain Souchon… Les enfants européens, adorateurs des ours en peluche, croient qu’au pôle Sud humains et animaux marchent sur la tête. Or, à bien réfléchir, le Groenland, l’Europe et tutti quanti nous font également perdre le nord.

Oyez la légende de l’ours Papouf et de son épouse Papoufette, duc et duchesse de la Principauté des Pyrénées partis en voyage de noces. En leur absence, la guerre jusqu’alors larvée éclate entre les bergers, les troupeaux et environ 150 citoyens ursidés. De retour au pays, voilà le couple ducal convié à un G20 organisé à Pau par Emmanuel Macron. Sacré piège à ours ! Le duc Papouf et son ambassadeur plénipotentiaire se retrouvent rapidement plongés en plein désarroi. Reconnaissant qu’« une pression démographique trop forte » de l’espèce oursonne pose problème, notre président de la République se met à courir deux lièvres à la fois : il défend leur présence pour « préserver la biodiversité », tout en assurant derechef qu’il n’y aurait plus de réintroduction de l’ours sous son mandat. Et ce, en dépit de la législation européenne qui fait obligation à la France de leur réserver la part du lion, dans le Béarn notamment…

A moins de deux mois des élections municipales, Emmanuel Macron s’est opportunément rappelé que ces animaux- qu’il avait pourtant vivement soutenus en janvier 2019 – eux, ne votent pas. Les éleveurs ont accueilli ces annonces avec enthousiasme. Pour sa part, Alain Reynes, le directeur de l’association Pays de l’Ours-Adet, estime que ces promesses n’engagent la France que pour la durée de l’actuel mandat présidentiel. Autant dire que l’affaire n’est en rien réglée et qu’on a vendu une nouvelle fois la peau (et l’âme) de l’ours avant de l’avoir tué. Mais un autre caillou dans le cothurne gratouille la cheville de notre Jupiter : Ségolène Royal, qui depuis 2 ans joue sa Junon et se pense en électron libre.

Sous les pattes des ours blancs, des pingouins, des manchots, le permafrost… On le sait : la belle a joué les courants d’air dans l’Arctique et l’Antarctique. Elle se trouve aujourd’hui débarquée sur la banquise, à la suite d’une lettre de « licenciement », dont il convient de chercher sous d’autres latitudes les motifs réels de l’éviction. Elle n’a en effet jamais cessé de persifler la politique présidentielle sur les réseaux sociaux, tout en se permettant d’abuser quelque peu du miel en provenance des ruchers de notre Ve République. La voilà sous le coup d’une enquête ouverte sur ses activités en tant qu’ambassadrice des Pôles par le Parquet national financier. Dame Ségolène est fumasse, contre-attaque et lance le missile tactique « Désir de France » sur l’Elysée, désigné du terme délicat de « nouveau club de réflexion politique ».

On en rirait, si les pôles Arctique et Antarctique ne constituaient pas l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle. Ressources naturelles, gisements immenses suscitent des convoitises chez les Russes, les Américains, les Canadiens ou les Scandinaves sans que jamais – ô grand jamais ! – notre ex-ambassadrice s’en soit préoccupée… Paresse ? Manque de discernement ? Incompétence ? Mais comment la faire rentrer dans le rang dans une France fragilisée déjà en marche vers les élections de 2022 ? Peut-être en suggérant au Quai d’Orsay de la nommer ambassadrice dans la Principauté des ours des Pyrénées ? Le « hic » ? Son Altesse Royale risque de torpiller, toutes griffes dehors, les terrains de parcours du duc Papouf et de ses sujets ursidés.

Un sondage d’opinion -on aura tout vu ! – réalisé récemment à la sortie des crèches révèle que les bébés ont de moins en moins d’ours en peluche et de plus en plus de lapins. Vite-vite, un poil de douceur dans ce monde hirsute de brutes : conseillons à Macron de faire passer Ségolène la Furieuse de l’autre côté du miroir pyrénéen, afin de mieux lui poser un… lapin au royaume des Teddy-bears.

Marie-France Poirier