On avait eu le Black Friday qui nous avait couverts de gâteries en discount, jusqu’à plus soif ! L’ère d’abondance continue, fin d’année oblige ! Ringard pour les uns, ou infatigable rocker à la Mick Jagger pour les autres, le Père Noël n’a cure de sa réputation, nous embarquant pour un tour de caddie-motoneige sur la piste d’un bonheur non-stop, quitte à devoir suffoquer la tête par-dessus-cul dans sa hotte ou dans ses bottes du… « Au gui l’An Neuf ». Projections lumineuses, fausse neige, étoiles en carton, sapins lumineux, chandelles, chœur d’enfants, chœur d’adultes, moult stars à la télé twirlent en robe fluo sous une pluie de paillettes…
Notre terre se trouve propulsée sur une comète nommée L’Eblouie, et le Père Noël affiche une forte hausse au Couac 40 ! Qui ne se sentirait pas béat, à la manière du Ravi de la crèche provençale trônant sur la cheminée du salon ? L’esprit tapi bien au chaud dans la parenthèse obligatoire de bonne humeur, nous voilà lovés dans la tanière de la boule pralinée, de la papillote, du chapon, du saumon fumé. Attention pour un réveillon blanc comme neige, évitez bûche Vegan et tofu de foie maigre… C’est là la condition sine qua non pour filer le parfait amour avec la famille ou les copains, ou pour vivre le bonheur aussi fou que fugitif de se laisser griser par la haute-voltige des bouchons de champagne.
Aux 12 coups de minuit, citoyens d’une République éphémère des Bisounours, tous nous serons ! Inutile de dire que ça fait grand bien de déposer les armes et d’observer la trêve des confiseurs. What’else, comme dirait un George Clooney descendu du ciel pour nous servir l’expresso du petit dej au lendemain de réveillon ? Rappelons-nous le credo du fameux bien vivre ensemble au pied du sapin : ne pas hésiter à claironner à l’encan lors du déballage des cadeaux-qui-tuent que « c’est pile-poil super ceux dont on rêvait depuis l’avènement de l’Enfant-Jésus sur terre ! »
Ou affirmer à belle-maman ainsi qu’à beau-papa qu’ils sont les héros du Réveillon. Ou encore se faire un devoir d’accompagner ces deux fervents lecteurs d’Alphonse Daudet aux trois messes basses de minuit du révérend dom Balaguère. Vive Noël 2019 et le 1er janvier 2020, à l’heure des Contes du Mercredi ! Alors heurrrrreux, tous et toutes ?
D’aucuns vivent les Fêtes de fin d’année en mode mineur : une sonate triste leur grignote l’âme de façon bien insidieuse. Ils dénoncent l’air kitsch du Bonhomme de Neige et ont tendance à opérer des dérapages incontrôlés sur l’autoroute du Christmas Espace. Stop, on freine ! On se met sur la bande d’arrêt d’urgence, sans enfiler de gilet jaune. Car, à Noël, il convient d’accrocher coûte que coûte l’étoile de l’espérance aux branches épineuses de notre imaginaire. Et de tracer la route aux tout jeunes enfants, bien là au rendez-vous du magicien au bonnet rouge, piaffant d’impatience avec des joues écarlates et des yeux brillants de joie. Un sapin, une guirlande, une ficelle dorée et – hop ! – trois simples flocons suffisent à magnifier leur vie. Nous – les adultes – ne sommes que les marionnettes, dont le Père Noël serait le montreur sur le théâtre du Rêve ou des Illusions. Qu’importe ! Fermons les yeux et « faisons semblant d’y croire » !
Marie-France Poirier