Cinéaste du diable ou pas, Roman Polanski a toujours son ombre qui lui entrave la marche. Depuis les années 65-70, il ne cesse de se trouver enfermé dans un labyrinthe peuplé d’esprits souterrains qui l’unissent à la nuit et qu’il aime filmer. Ses chef-d’œuvre, Rosemary’s Baby, Carnage, le Bal des Vampires, La Neuvième Porte, The Ghost Writer sont autant d’aller-et-retour entre des faux-semblants et un univers d’entités démoniaques.
De ce continent d’un autre type qu’il met si savamment en scène, Polanski semble ne devoir jamais s’échapper. Même dans sa 86e année ! En dépit du Lion d’Or à la Mostra de Venise reçu pour son dernier film « l’affaire Dreyfus », le cinéaste se voit rattraper à nouveau par une fatalité sulfureuse. Aujourd’hui, qui l’accuse et le poursuit ? Une ombre ! Une ombre, dont le chiffre 4 a le pouvoir maléfique du 666 – le nombre du Diable : son accusatrice, Valentine Monnier se résume à 44 ans de silence, 4 ans d’une carrière de mannequinat et 4 petits rôles au cinéma …
Ses assertions à l’encontre de Polanski sont de toutes façons prescrites par la loi : il l’aurait violée en 1975 en Suisse, quand elle avait 18 ans. Pourquoi cette femme s’exprime-t-elle soudain dans les media, à la sortie du « J’accuse » en France, et à un moment précis où un climat d’antisémitisme, d’intolérance instille dans la société ?
D’aucuns barrent déjà l’accès des spectateurs aux cinémas dans certaines villes. C’est là une censure lamentable. Posons-nous la question : à qui profite une telle dénonciation ? De qui cet hallali sert-il les intérêts, tandis qu’une organisation de cinéastes vient de lancer une procédure de suspension à l’encontre de Roman Polanski ?
Est-ce de surcroit un nouveau tremplin destiné à relancer des ligues de vertus en mal de reconnaissance ainsi que des factions d’un féministe intégriste, simpliste et vide de sens ? Quelle est la face cachée de tous ceux (ou celles) qui intriguent de conserve avec Valentine Monnier pour vouer au diable l’auteur de Rose Mary Baby. Comment convient-il de décrypter le comportement haineux de ces hordes ? Tout se passe comme si une condamnation via les réseaux sociaux valait bien mieux qu’un verdict rendu par la justice. A méditer…
La vox médiatique, le comportement de Valentine Monnier et de ses fan-clubs en disent long sur le relativisme qui imprime notre société post-moderne. Ces émules de Savonarole mettent l’humanisme, la présomption d’innocence et la justice à l’épreuve du feu.
C’est hélas odieusement efficace : les interprètes principaux de « J’accuse » Jean Dujardin et Emmanuel Seigner, qui devaient en assurer la promotion, ont été contraints de se « décommander » face au lobbying exercé. Autre exemple de cette « viralité » du Net : l’affaire qui vise également Pierre Joxe. En résumé, l’ancien ministre socialiste est, lui aussi, accusé par deux femmes d’agressions sexuelles – là encore, après qu’elles ont observé un long silence. L’une d’elles est Ariane Fornia, de son vrai nom Alexandra Besson, écrivaine en quête d’un lectorat improbable et accessoirement fille d’Eric Besson – lui-même transfuge socialiste devenu secrétaire d’Etat sous Nicolas Sarkozy. N’est-il pas troublant qu’à des moments-clefs ces femmes n’aient plus leur langue dans la poche ?
Cherchez la faille dans une France puritaine, qui marche en cahotant, pour ne pas dire qu’elle boite dangereusement… Le film Fahrenheit 451 réalisé dans les années 65 par François Truffaut relate un monde dystopique, où la lecture et l’indépendance d’esprit qui en découle sont prohibées. Il demeure plus que jamais d’actualité…
Marie France Poirier