Le conseil régional de Bourgogne Franche-Comté a rarement révolutionné l’art de la politique. La récente session dite du « voile » donne l’occasion de poser crûment cette question : les élus ont-ils fait le job, ce triste vendredi du 11 octobre ? Non. En revanche, ils ont fait le buzz : on avance le chiffre de plusieurs millions d’internautes à avoir regardé la cheffe de l’exécutif régional Marie-Guite Dufay et son directeur des services, Gilles Da Costa, à la jonction du désarroi et de la paralysie, confrontés qu’ils étaient à la diatribe outrancière du porte-fanion du RN, Julien Odoul. Facteur aggravant : aucun groupe d’élus ni à gauche ni à droite n’a levé le petit doigt pour rendre à l’assemblée un semblant de dignité, contribuant, là encore, à la Bérézina régionale. Quel aveu de faiblesse !
Depuis, l’incendie a gagné en effet d’autres hémicycles : la majorité sénatoriale à droite ne vient-elle pas, à chaud en première lecture, d’adopter un projet de loi sur l’interdiction des signes religieux pour les parents qui accompagnent les sorties scolaires… Il n’en demeure pas moins que ce texte n’a aucun avenir à l’Assemblée où la majorité La République en Marche le juge « contre-productif ». A croire que rien ne sera jamais tranché par le législateur avec sagesse et raison… Une fois encore les hommes politiques – en bas comme en haut de la pyramide – se contentent de regarder ailleurs… Les personnes accompagnant les sorties scolaires sont-elles de simples « usagers du service public » ? Sont-elles ou non soumises aux mêmes règles de neutralité que le corps enseignant ? Le statu quo persiste et persistera, en a décidé Emmanuel Macron…
Pour rappel, le règlement intérieur du conseil régional de Bourgogne Franche-Comté n’aborde pas non plus le port de signes religieux dans l’hémicycle. Raison de plus d’éviter ces questions dans cette assemblée crépusculaire, dont on aurait aimé qu’elle s’assignât d’autres missions…
La Présidente avait pourtant toute autorité pour ordonner la suspension d’une session partie en quenouille jusque dans les couloirs, et pour faire évacuer tout le monde – les élus ainsi que le public présent. Voilà qui aurait stoppé net l’affaire, et tué ce mauvais synopsis dans l’œuf.
Le bon peuple était en droit d’assister à une prise de décision dans ce sens, afin de réveiller la conscience d’élus régionaux, à peine capables de « sous-exister » dans l’angle mort de leur espace politique… Or que vit-on ? Une Marie-Guite Dufay et son chef des services hébétés, face à une situation qu’ils n’ont jamais su maîtriser. Il n’est pas inconvenant de parler de faute politique caractérisée, entraînant à terme des réactions en chaîne dans tout l’Hexagone. Il n’est pas inconvenant non plus de dénoncer leur incapacité à défendre publiquement l’humain, la cohésion d’une collectivité, le principe de laïcité face à des attitudes venant de tout bord – annonciatrices soit d’intégrisme, soit de populisme. Doit-on demeurer les bras croisés devant une telle déliquescence de l’exécutif régional, trahissant l’essence de la Res Publica, de ses valeurs et inapte à barrer la route à l’inadmissible ?
D’aucuns redoutent la tenue de la prochaine session plénière du Conseil régional. Rien d’étonnant ! Il est permis de se demander s’il y aura bien un pilote dans l’avion …
Marie-France Poirier