Hamid El Hassouni : « Le congrès HLM a confirmé nos inquiétudes sur les velléités du gouvernement »

A l’issue du 80e Congrès national de l’Union sociale pour l’habitat (USH), regroupant l’ensemble des bailleurs sociaux qui s’est tenu du 24 au 26 septembre derniers à Paris, nous avons interrogé le président de Grand Dijon Habitat, Hamid El Hassouni. Il faut dire que les enjeux sont de taille pour le monde de l’habitat social… A l’occasion de cette interview, l’élu dijonnais détaille également l’ambition écologique de l’office public ainsi que les nombreuses innovations « au service toujours des locataires ».

Dijon l’Hebdo : Lors du congrès de l’USH, l’intervention du ministre chargé de la Ville et des Territoires, Julien Denormandie, a-t-elle calmé la grogne des bailleurs sociaux ?

Hamid el Hassouni : « Ce congrès HLM a confirmé nos inquiétudes sur les velléités du gouvernement de continuer à vouloir recomposer le mouvement HLM. Il avance pas à pas afin de constituer à terme de grands groupes et d’éliminer du paysage, par là-même, les OPH affilés aux territoires, notamment aux collectivités locales. Rien ne ma rassuré dans la déclaration de Julien Denormandie. Les bailleurs doivent toujours réaliser dimportantes économies. Comment dans le même temps continuer à construire et d’éco-réhabiliter les logements ? Cest un discours dans la droite ligne des années précédentes. La clause de revoyure permet certes de desserrer l’étau mais seulement durant trois ans. La perte financière annoncée il y a un an sera moindre, néanmoins la crise de confiance demeure. Cest une parenthèse mais leffort demandé persiste. Ils appliquent par exemple une augmentation de la TVA, notamment pour les logements + et PLS. Celle-ci est à 10%. Jaurais aimé, pour ma part, quelle revienne à 5,5%. Cela aurait été un geste plus que symbolique et ceci aurait montré lintérêt que porte le gouvernement au mouvement HLM. En réalité, la clause de revoyure na été appliquée que parce quils se sont rendus compte dune baisse de la construction en début dannée. Cela a des conséquences sur les carnets de commandes des entreprises et les emplois non délocalisables. Ne dit-on pas que, quand le bâtiment va, tout va ! Lambiance est certes moins tendue que lannée dernière mais fondamentalement ce nest que donner un peu dair aux bailleurs sans aucune garantie ! »

DLH : Concrètement, comment faites-vous pour conserver vos marges de manœuvre financières ?

H. e. H. : « Les décisions du gouvernement se traduisent par une baisse de ressources mais nous ne sommes pas restés les bras croisés. Nous avons toujours été dans lanticipation. Nous avons déjà travaillé sur nous-mêmes afin de réaliser des économies de fonctionnement puis nous avons œuvré à la diversification de nos ressources en explorant des pistes comme la vente de logements HLM et par le biais du PSLA (Prêt social de location-accession). Nous avons, enfin, signé une convention pluriannuelle dobjectifs et de moyens avec notre collectivité de rattachement, Dijon métropole, qui nous permet davancer plus sereinement. Lappui de la collectivité vient, in fine, dans linvestissement sur le développement de notre parc et la transition énergétique du territoire. Nous avons, en effet, comme feuille de route la construction de 150 logements et l’éco-réhabilitation de 300 à 400 logements du parc ancien par an. Les questions environnementales, liées à la transition énergétique, et sociales, inhérente à la maîtrise des charges des locataires, sont au cœur de nos actions ».

DLH : Quels sont actuellement vos plus importants programmes d’éco-réhabilitation ?

H. e. H. : « Les Côteaux des Marcs dOr illustrent parfaitement les dimensions environnementales et sociales de nos éco-réhabilitations. Nous répondons à lurgence climatique et sociale. Nous sommes exemplaires dans ce domaine sur le quartier de Fontaine dOuche où nous allons inaugurer 340 logements. Ils ont été éco-réhabilités mais aussi résidentialisés, avec des conditions daccès sécurisées, optimales. Cela redonnera de la valeur à ce patrimoine important à l’échelle de ce quartier. Cela permettra également de redonner du pouvoir dachat à nos locataires. Et ce nest pas un slogan incantatoire puisque cette réhabilitation, améliorant le cadre de vie, ne se fait sans aucune augmentation ni des loyers ni des charges. Et elle générera des baisses des factures énergétiques. Cest très important dans un quartier populaire. Lautre programme sur lequel nous travaillons activement à la Fontaine dOuche est l’Îlot Corse, fort de 258 logements. Les livraisons se feront par tranches jusqu’à la fin de lannée prochaine, puisque cet îlot comprend 6 immeubles. Mais nous intervenons aussi sur les autres communes de la métropole. Cest le cas à la Fleuriée à Saint-Apollinaire, où des travaux démarreront au premier trimestre 2020. Nous avons à ce jour déjà livrés 1500 logements éco-réhabilités. Quant à nos constructions neuves, elles sont systématiquement BBC (bâtiments basse consommation) ».

DLH : Vous n’innovez pas que dans le domaine environnemental puisque vous êtes le fer de lance d’une expérimentation numérique à l’échelle nationale, avec un projet de bâtiments intelligents et connectés…

H. e. H. : « Nous avons été désignés chef de file par lUSH dans un groupe de bailleurs, dans lequel figurent lOPAC 38, Cristal Habitat, le réseau Batigère et 3F, afin de déployer une architecture numérique avec des capteurs et des objets connectés. Ces logements 3e ou 4e génération généreront une amélioration de la qualité de vie des riverains mais apporteront aussi une réponse à la problématique du maintien à domicile des personnes âgées. Cest un véritable défi à relever, parce quil faudra adapter les logements, renforcer la tranquillité résidentielleAu total, les expérimentations de lensemble des bailleurs concernent 1700 logements. Pour notre part, nous avons choisi dexpérimenter cette architecture numérique sur l’Îlot Franche-Comté et ses 377 logements. Celle-ci verra le jour dans deux ou trois ans mais nous commençons déjà au cours de ce mois doctobre les ateliers avec les locataires parce que nous voulons co-construire avec eux ces solutions innovantes. Ils seront pleinement consultés tout au long du processus si bien qu’à terme ils maîtriseront parfaitement les nouvelles technologies usitées ».

DLH : C’est le retour de la démocratie participative… mais appliquée cette fois-ci à l’avenir des logements sociaux ?

H. e. H. : « Lorsque nous nous inscrivons dans une telle démarche, nous rentrons véritablement dans un écosystème. Nous répondons aux questions davenir, travaillons avec un bureau d’étude dont cest la mission, échangeons avec des start-up. Et, avec cela, en se confrontant aux attentes des locataires, nous pourrons mettre en place une infrastructure permettant de trouver les meilleures solutions. Que ce soit pour les problématiques liées au vieillissement, à la tranquillité, à l’énergie… »

DLH : Avec ce projet d’envergure, vous apportez ainsi votre pierre à la Smart City qui voit le jour actuellement sur le territoire de la métropole : OnDijon…

H. e. H. : « Un exemple : si plusieurs détecteurs de fumée se déclenchent dans l’îlot et quils sont reliés au Poste de pilotage de OnDijon (au PC Sécurité), alors lon voit bien les synergies qui peuvent être mises en place. Cest lun des axes de la convention dobjectifs et de moyens avec Dijon métropole… Nous sommes certes aux avant-postes en matière dinnovation mais cest toujours au bénéfice des locataires. Nous ne perdons pas de vue notre cœur de métier : loger les plus fragiles, la qualité de services, lentretien des parties communes. Nous innovons mais nous ne le faisons pas au détriment de lessentiel ! Ainsi le questionnaire de satisfaction que nous adressons, par le biais de SMS, après lintervention de nos prestataires, nous permet daméliorer les services ».

DLH : Vous avez également innové en signant un partenariat inédit dans la région avec le leader européen du parking partagé intelligent, Zenpark. Et ce, afin de lui confier, de façon expérimentale, la gestion directe d’emplacements de stationnement. Combien de places sont-elles disponibles dans ce dispositif ?

H. e. H. : « Une centaine de places sont aujourdhui concernées et la location de ces places monte en puissance. Comme avec OnDijon, évoqué précédemment, nous apportons, avec cette innovation dans le domaine du stationnement, une réponse à lune des préoccupations majeures des Dijonnais. Cela fonctionne bienen complémentarité avec les actions menées sur Dijon ».

DLH : Que répondez-vous à ceux qui dénoncent le côté « bétonneur » de la métropole ?

H. e. H. : « Javais déjà dénoncé au conseil municipal de Dijon ces attaques iniques contre le logement social. Cest, en fait, sen prendre à des familles qui sont en attente de logements. Deux chiffres essentiels sont à retenir : nous avons sur la métropole 10 000 demandes de logements par an pour 3300 attributions par lensemble des bailleurs. Je vous laisse imaginer la file dattente. Sur le terrain et bien loin du discours de lopposition, les citoyens disent : continuez à construire de façon raisonnée et raisonnable, comme cest le cas aujourdhui ! Il ne faut pas oublier non plus que nous alimentons, en construisant, l’économie locale, le bâtiment représentant 10% de lactivité et des emplois. Cest un procès dintention. Lopposition joue sur les peurs. Pour notre part, cest lintérêt général qui a toujours primé, loin des intérêts particuliers. Jajoute à cela que nous assumons le choix de reconstruire la ville sur elle-même afin d’éviter l’étalement sur les terres agricoles. Nous avons atteint le pallier des 20% de logements sociaux imposée par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain. Nous en sommes en 21%, si bien que nous avons achevé la séquence de rattrapage. Maintenant, la séquence est à lamélioration et au renouveau du parc… »

Propos recueillis par Camille Gablo