Pour d’aucuns, l’été s’est paré des plumes des Paradisiers, ces oiseaux flamboyants et féériques, originaires d’Australie ou de Nouvelle-Guinée. C’est le cas pour Stepan Khamyan qui, en 2013, est arrivé en Normandie, ne parlant pas un mot de français : le jeune arménien a décroché le bac avec « mention très bien » et une moyenne de 16,5/20. Score qui en a fait l’élève le plus brillant de son lycée à Caen. Il était à la recherche, a-t-il expliqué, d’une « vie plus stable » qu’à Erevan où il était né. Voilà une brassée de lauriers qui auraient dû alimenter les devoirs de vacances des jeunes esprits grincheux ou le carnet de route des fossiles réacs – aux yeux de qui tout émigré constitue un frein, un lourd handicap pour notre économie, voire pour nos valeurs. Eh oui ! L’immigration légale offre l’opportunité d’insuffler un regain, ainsi qu’un dynamisme force 7 sur la France du ras-bas-joie, empêtrée dans les voiles noirs et chagrins des extrémismes politiques ou religieux. A l’instar de Stepan Khamyan, conjuguez à la première personne du singulier le verbe « rentrer » au temps du futur positif : vous vivrez un bel été indien …
Ce Tour de France 2019 a été, lui aussi, dans la roue du char du soleil, tant il fut palpitant. Tel un thriller… Dont la fin nous a laissé pantois et… sans jambes, avec le sacre du prodigieux colombien Egan Bernal. Au fil des 21 chapitres, nous avions ciblé sur Julian Alaphilippe ou – en second suspect – sur Nairo Quintana ! Tant pis, si notre flair de fin limier a déraillé vers les chapitres 17 et 18 ! Restent intactes la magie d’une grande fête populaire ainsi que l’enthousiasme chaleureux, bon enfant d’un très nombreux public, dont l’engouement n’a jamais faibli en dépit des coups de chauds et des torrents de pluie qui ont sévi pendant les étapes. Le Tour de France a plus que jamais valeur de mythe. D’un mythe moderne en roues libres, qui possède l’aura de celui de Sisyphe avec ses montées, ses descentes, ses faux-plats, ainsi que les potentiels chutes de ses héros… Cette fois encore, le Tour de l’été 2019 a affiché une longueur d’avance urbi et orbi sur toutes les manifestations sportives ou artistiques de l’été, sur tous les « video-games » des smartphones à la plage ou en camping : chaque jour, les coureurs nous ont donné rendez-vous avec une nature belle à croquer, des cols de montagne périlleux, des panoramas somptueux et la richesse patrimoniale de nos bourgs. Le Tour de France a redonné, une fois encore, aux mots « exploit » et « performance », l’ambition de changer de braquet : les maillots emblématiques jaune soleil, vert ou à pois sont de fantastiques étendards. A une époque où tout se monnaye, le Tour persiste dans l’audace d’être gratuit. Enfin, il se déroule sans barrières, au contact direct des fans ou des familles entières massées au bord des routes. Malgré la médiatisation mondiale de la manifestation, on n’a pas à se le cacher : le Tour de France demeure l’une des dernières odyssées des Temps Modernes. Même dans le plus petit des villages fiché au cœur de la campagne, il a su faire la roue. Hourrah !
Marie France Poirier