La musique, l’amour sont-ils bienfaits des dieux ? De Dieu ? Dans sa toute dernière composition et magnifique « Ta voix, Ô mon amie »de Jean-Louis Gand – que le public découvrira le 13 octobre à L’Ecrin à Talant – la musique sacrée prend son envol, sa plénitude. Donnant ainsi une résonance tout à fait à part dans un 21e siècle loin d’Instagram ou de la civilisation des shorts en jean troué. Comme toujours, la spiritualité est au cœur de cette œuvre pour soprano solo, piano/orgue, quatuor instrumental et chœur. Rencontre avec le créateur de cette cantate lyrique, hymne absolu à l’amour d’un homme et d’une femme transposé dans une dimension cosmique. La composition moderne et savante, l’expression rigoureuse musicale allant à l’essentiel de Jean-Louis Gand confèrent à la cantate le statut d’un véritable récit.
Dijon L’Hebdo : Votre cantate « Ta voix, ô mon amie » relate la genèse de l’amour exalté entre un homme et une femme, tel que le concevait le grand répertoire de la Grèce antique, puisque sur scène seront présents deux récitants – les comédiens Gaëlle Billaut-Danno et François Feroleto : à l’instar du coryphée, ils répondront au chœur, le questionneront ou reprendront ses propos. Le public d’amateurs ou de mélomanes ne manquera pas d’être sensible à la dimension mystique de votre œuvre…
Jean-Louis Gand : « Tous les éléments sont liés et je me suis attaché dans la composition musicale à rendre la plénitude du texte écrit par mon ami Maurice Ladey et inspiré du Cantique des Cantiques, que je considère comme un poème au-dessus de tout poème. Je savais que, parmi plusieurs traductions, il affectionnait celle, plus proche de l’hébreu, d’André Chouraqui. Maurice s’est référé au travail de celui-ci : j’ai trouvé admirable sa version exceptionnelle, tant par la qualité lyrique que par la fidélité au texte d’origine. Entre temps, d’autres travaux, d’autres compositions sont intervenus, et au terme de ces trois décennies, je viens d’achever la cantate que je souhaitais écrire. Cet été, j’en ai donné quelques extraits en l’église de Labussière, au cours d’un concert par ailleurs dédié, entre autres compositeurs, à César Franck, Ravel et même Bizet… »
Dijon L’Hebdo : Justement, à écouter « Ta voix, ô mon amie », on est sensible à ce respect à signifier au sens fort les plans sur lesquels se déroule le Cantique des Cantiques.
Jean-Louis Gand : « Je me suis attaché à rendre le chevauchement de la pensée de Maurice Ladey, entre le plan humain, où il met en scène un homme, une femme et le plan cosmique où il se réfère à la création entière… La musique et le texte narrent les différentes phases par lesquelles passera ce couple : l’amour fou, la solitude et le sentiment d’abandon – l’amante endormie n’a pas répondu à l’appel de l’amant -, puis l’explosion d’allégresse des retrouvailles et de l’union scellée à jamais ! En fait, ce Cantique est une symphonie en trois mouvements, en trois thèmes ; et j’ai traduit en musique cette tension perpétuelle et cette exaltation dans l’univers en trois dimensions où Maurice Ladey a campé le texte : le charnel, le cosmique et le spirituel. Dans le rôle de l’amante, la soprano solo – Fabienne Conrad- chante tour à tour l’irruption de l’amour au printemps nouveau, puis l’absence de l’être aimé et enfin l’amour éternellement rédempteur. Dans chacun de ces airs, la soprano, accompagnée par le piano, dialogue avec un instrument à vent chaque fois différent : le hautbois pour le printemps naissant, la clarinette pour évoquer la nostalgie douloureuse des amants séparés, puis la flûte brillante et volubile pour annoncer un nouveau matin et la toute-puissance de l’amour. J’ai introduit dans mon orchestration des interludes confiés à la flûte et à la clarinette pour introduire les diverses articulations du texte ».
Propos recueillis par Marie France Poirier
Tarif plein: 15 €; tarif réduit : 10 € (moins de 18 ans / seniors + de 65 ans).
Réservation : 17 rue Amiral–Roussin 21000 Dijon. Tel. 03 80 30 61 00. Du lundi au vendredi de 9h à 12h30 et de 14h à 18h.
Musicien, toujours !
La cantate « Ta voix, ô mon Amie » est une commande à Jean-Louis Gand de la ville de Talant, qui entend ainsi célébrer l’ouverture au printemps dernier de la salle de L’Ecrin ainsi que l’avènement de la saison N°2.
Jean-Louis Gand est une des grandes figures contemporaines du monde musical. Il a été pendant de longues années le directeur du Conservatoire de Bourgogne. Remarqué très jeune par Jean-François Samson, qui voyait en lui son successeur naturel, son expérience chorale l’a conduit très tôt à la direction de chœur : il dirige ainsi depuis 1972 l’Ensemble Joseph-Samson, chœur mixte de Dijon créé en 1964. Le chœur se produit en France et à l’étranger, mais Jean-Louis Gand reste très présent, par ses nombreuses créations, à la célébration des événements ecclésiaux et civils de la région. Il a reçu de nombreux prix pour ses œuvres de musique sacrée : notamment pour « l’Oratorio pour la Paix » créé en 1998 à Cîteaux, à Fontenay et à l’Auditorium, à la faveur du 900e anniversaire de la fondation de Cîteaux. Les mélomanes connaissent sa discographie riche et sans concession à notre époque…