LES BLEUES À l’ÂME

Je n’ai qu’un mot, cher lecteur, enfin les bleues et toutes les autres ! Je ne te cache pas ma joie de voir un bastion masculin séculaire céder aux sirènes de la parité. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait : on n’entend pas d’ultras avinés dans les tribunes, on ne voit, semble-t-il, ni attaquante, ni défenseure cracher sur la pelouse à tout bout de champ et dans le feu de l’action les joueuses ne s’en prennent pas à l’arbitre au moindre coup de sifflet ; ni Wendy Renard, ni Amandine Henry ne critiquent ouvertement Corinne Diacre devant les médias. Un petit bémol cependant pour cette dernière qui devra redorer le blason du mot entraîneuse. Aucune buteuse ne retire le haut pour dévoiler sa joie quand elle vient d’en mettre un et le traditionnel échange de maillots pleins de sueur et de bave reste un rite inconnu chez les dames. Elles ont un grand mérite car aucune n’a eu la chance de ses homologues masculins, tous issus des cours Florent : c’est pour cela qu’elles ne savent pas encore accompagner une pichenette d’un saut magistral, s’écrouler dans la surface de réparation en simulant les douleurs de l’accouchement ou faire siffler des fautes en trébuchant sur une ombre comme des malades imaginaires.

On attend évidemment que nos bleues aillent en finale de la coupe du monde, véritable test de parité, que dis-je, osons le mot, d’égalité ! Suppose en effet, cher lecteur, que le numéro dix, Camille Abily, donne un coup de boule magistral à une défenseure adverse qui lui aurait filé son bas, on aurait une Zidane chez les filles, prête à entrer à la Réale de Madrid…

Perdre la finale ne serait pas grave, puisque le trophée des hommes est composé à 75% d’or massif alors que celui des femmes est simplement plaqué or … Enfin j’ai bon espoir qu’on arrive à cette parité tant espérée, quand je constate qu’Amandine Henry, capitaine et milieu de terrain de l’équipe de France, devient l’une des joueuses les mieux payées du monde avec ses quelque 360 000 euros bruts par an. Cette jeune femme est sur la bonne voie et s’approche peu à peu, en se cramponnant bien sûr, des 17,5 millions d’euros de Kilian Mbappé qui a complètement foiré un match de qualification contre la Turquie.

Allons, cher lecteur, trêve de méchanceté : tout sera parfait quand footballeuses et footballeurs seront achetés, vendus et rachetés pour des millions d’euros, quand tout ce petit monde du ballon rond fera casquer les pauvres au plein tarif au nom des jeux du cirque et que les clochards continueront à crever au coin de nos rues. Un seul impératif pour les filles : pas de vilaine blessure sur un terrain français, car il n’y a plus grand monde aux urgences.

Alceste