La Maison de l’exorcisme

En 1975, apparaissait sur les écrans un véritable ofni (objet filmique non identifié), intitulé La Maison de l’exorcisme et porté au crédit d’un certain Mickey Lion (ce qui vaudra quelques explications en fin d’article). De prime abord, l’étonnant métrage pouvait apparaître comme une transposition bâclée et maladroite de L’Exorciste sorti environ un an plus tôt – une transposition qui surfait sur l’énorme succès du film de William Friedkin.

Pourtant, au-delà de certaines maladresses, notamment dans les scènes horrifiques, La Maison de l’exorcisme frappait par la splendeur de sa photographie, par son jeu impressionnant sur les couleurs, par l’inventivité de ses cadrages.

On sentait là la patte d’un maître, qui, avant de devenir metteur en scène, s’était imposé comme un des plus grands chefs-opérateurs de son époque au service, entre autres, de Rossellini, Pabst, Risi, Monicelli et Raoul Walsh.

Il s’agit de Mario Bava, l’auteur du Masque du démon (1960), l’œuvre sans doute la plus représentative du fantastique à l’italienne. En fait, trois ans avant la sortie du film qui nous intéresse aujourd’hui, Mario Bava avait tourné Lisa et le Diable, œuvre très ambitieuse et personnelle, mais qui n’avait pas trouvé de distributeur et était restée inédite. Or, son producteur, dans une logique purement financière, avait fait pression sur Bava pour qu’il agrège à son projet initial une histoire d’exorcisme riche en scènes choc et en effets spectaculaires.

La Maison de l’exorcisme est donc la synthèse hasardeuse de deux films, le premier relevant d’un fantastique subtil et poétique, le second présentant tous les caractères du film de terreur brutal, immédiat et sanguinolent. Il en résulte une œuvre superbement incohérente, magnifiquement photographiée, mais souvent incompréhensible.

Ce qui nous amène au scénario, lequel semble défier mes éventuelles qualités de pédagogie et de clarté. Prise de convulsions après avoir vu une fresque représentant le diable, une jeune et belle touriste, Lisa, est hospitalisée, mais ses symptômes s’aggravent, elle vomit de la boue verdâtre, son visage se décompose, son corps se contorsionne, se disloque. Un prêtre qui l’a secourue pense qu’il s’agit d’une possession démoniaque et entreprend un exorcisme. Mais en même temps, dans une réalité parallèle, ou dans ses souvenirs, Lisa déambule, accueillie dans une superbe demeure aristocratique où une comtesse aveugle, son fils et leur très inquiétant majordome, mènent, hors du monde, une existence de reclus.

On découvre petit à petit que le jeune Monsieur, très beau mais impuissant, a assassiné sa femme, qui ressemblait trait pour trait à Lisa et qui est peut-être l’esprit qui la possède. Laquelle femme avait trompé son mari avec l’amant de sa maman (la maman du mari, suivez quoi !). Aïe. Depuis, le jeune meurtrier gardait dans une chambre secrète le cadavre décomposé de ses amours qu’il traitait comme une véritable épouse. Pour protéger le secret, la famille provoquait la mort des rares visiteurs que les aléas du destin ou les pannes de voiture conduisaient à leur grille. Mais Lisa ressemblait trop à l’infidèle pour que le jeune comte ait envie de la tuer, et c’est lui qui mourra (après avoir occis sa mère) en tombant d’une fenêtre où l’ont acculé des pantins représentant ses victimes.

Car, de surcroît, les personnages ont été dupliqués en marionnettes grandeur nature par le majordome qui leur fait rejouer sans cesse, en un cycle infernal de répétitions, leur vie exsangue et leurs crimes inouïs. Le majordome, c’est le Diable, le grand marionnettiste, le grand manipulateur. Il reconnaîtra toutefois sa défaite face au prêtre. Et Lisa, sans doute délivrée, retrouvera le fil de sa vie et sa beauté première.

Furieux d’avoir dû trahir son scénario original et ajouter à son œuvre initiale des scènes d’une horreur facile, Mario Bava refusa de reconnaître la paternité de La Maison de l’exorcisme. Sa réalisation est donc attribuée au générique, comme nous l’avons dit plus haut, à un certain Mickey Lion (où l’on reconnait facilement le pseudonyme d’Alfredo Leone, le tyrannique producteur de l’artefact). Quant à nous, nous restons sous le charme vénéneux de cette histoire baroque de dépossession et de nécrophilie.

Références : La Maison de l’exorcisme, Italie, 1975.

Interprétation : Telly Savalas, Elke Sommer, Sylva Koscina, Alida Valli.

Edité en DVD chez Films sans frontière 2.