Les lignes commencent à bouger sérieusement au sein de l’opposition municipale, à Dijon. Laurent Bourguignat, après avoir sorti un livre au printemps dernier, affine chaque jour un peu plus sa stratégie en vue des élections municipales.
Dijon l’Hebdo : Votre collègue Emmanuel Bichot qui vient de perdre son dernier recours contre la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin de Dijon et qui se trouve personnellement condamné à régler à la ville la somme de 1 500 € au titre des frais et dépens … Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Laurent Bourguignat : « La condamnation d’Emmanuel Bichot marque forcément une étape dans la préparation des prochaines élections municipales. Ce n’est pas commun, en effet, de voir un conseiller qui aspire à diriger une ville être condamné au profit de cette propre ville. A ma connaissance, c’est une situation inédite. »
DLH : Quelle est votre position sur la construction de cette cité de la Gastronomie ?
L. B : « Un soutien vigilant au projet : c’est la position qui a toujours été celle de « Dijon Ensemble ». Soutien vigilant en particulier sur le fait que les entreprises locales doivent participer au chantier dans des conditions raisonnables.
DLH : Pensez-vous que cette décision affaiblira rapidement Emmanuel Bichot dans sa volonté de conduire la liste d’opposition de droite en mars prochain à Dijon ?
L. B : « Ce n’est pas à moi de le dire. Maintenant, il est évident que ça ne peut pas être un atout. »
DLH : Du coup, cela renforce-t-il votre conviction d’être vous-même candidat à ces élections municipales ?
L. B : « Je n’ai pas attendu cette décision de justice défavorable à Emmanuel Bichot pour me positionner. Voilà plus d’un an que suis dans mon couloir comme disent les sportifs. L’objectif, c’est d’avancer et ce qui arrive à Emmanuel ne modifie en rien le contenu de mon agenda. J’ai sorti mon livre en avril dernier. Il a été très bien reçu, au-delà de mes espérances. Mieux, il m’a permis d’évoquer son contenu avec beaucoup de Dijonnais qu’on ne rencontre pas dans les cercles habituels. Ensuite, dans un souci de cohérence, on a formalisé le groupe d’opposition au sein du conseil, formalisé l’association puis constitué et affiché l’équipe « Dijon Ensemble » qui s’est mise au travail. »
DLH : Votre groupe d’opposition au sein du conseil municipal n’est composé que de deux personnes : Virginie Voisin-Vairelles et vous même. N’est-ce pas un peu juste pour affronter la machine très organisée qui est en place actuellement à la tête de la mairie de Dijon ?
L. B : « Le groupe municipal, c’est la partie visible de l’iceberg. N’oublions pas l’association qui fonctionne comme une start up, avec de nouveaux visages issus de tous les quartiers, représentant différentes professions. La volonté a été de faire monter des jeunes comme Henri-Bénigne de Vregille, pour le projet, Marie-Hélène Gomis (économie)
Corinne Spellat (social), Christophe Simon (sécurité), Yves Bonniau (gouvernance)… D’autres visages vont se découvrir dans les prochaines semaines. Et ce ne sera pas une équipe de militants. Je n’en veux pas même si j’ai beaucoup de respects pour eux. Je suis un des leurs. Une élection municipale ne doit pas être une élection politique. On se doit de rassembler une ville. Pour moi, ce n’est pas simplement une formule, c’est beaucoup plus.
J’ai autour de moi différentes sensibilités : des LR, des UDI, des En Marche mais aussi des gens de gauche qui ne sont pas encartés. Ce qui m’importe, ce sont les profils. Et puis, aujourd’hui, il n’est plus question que je me mêle du quotidien des partis et des associations politiques. Je ne souhaite pas y perdre mon temps. »
DLH : Au sein de l’opposition, vous avez un collègue centriste, Franck Ayache, qui a également constitué son groupe et qui a fait part de l’éventualité de sa candidature en 2020 dans la mesure où il ne souhaite pas s’associer à Emmanuel Bichot. Envisagez-vous vous rapprocher de lui ?
L. B : « J’aime beaucoup Frank Ayache. Je reconnais volontiers son expertise sur les questions financières. Il travaille ses dossiers à fond. C’est un vrai bosseur et sa sensibilité centriste compte à Dijon. Il a toute sa place au sein de « Dijon Ensemble ». Une vraie place. Pas un numéro. C’est à lui de décider. Je ne veux pas brusquer qui que ce soit. »
DLH : Vous portez beaucoup d’intérêt au Centre dauphine dont la vie commerciale s’éteint progressivement. Quel est votre idée pour lui redonner vie ?
L. B : « Je pense que c’est bien expliqué dans le livre. Le centre date de 1973. Il a beaucoup vieilli et c’est devenu une véritable verrue dans le coeur de ville historique, à cinquante mètres de la place du Bareuzai. Il y a probablement un grand projet d’urbanisme à y concevoir. Nous avons rencontré les acteurs du site, les commerçants, les propriétaires, les riverains… Une architecte du patrimoine s’est penchée sur ce dossier… ».
DLH : Concrètement, qu’est-ce que vous y feriez ?
L. B : « Tout d’abord conserver la vocation commerciale du lieu avec une galerie traversante -façon victorienne- entre les rues du Bourg et Bossuet. Une façon esthétique pour mettre fin à ce bunker qui dissimule l’activité commerciale. Il faut réhabiliter et agrandir les cellules commerciales, détruire l’appendice côté rue du Bourg pour créer une vraie place ouverte à la verdure. Le parking serait évidemment maintenu. On peut imaginer également, dans les étages, un lieu d’exposition pourquoi pas d’art contemporain. Et, au dernier étage, un rooftop qui accueillerait une brasserie depuis laquelle on aurait une vue de Dijon à 360°… Ce serait assurément un site unique. »
DLH : Le problème, c’est qu’on est là sur un ensemble immobilier privé…
L. B : « Nous connaissons parfaitement les contraintes juridiques mais, contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou là, un maire peut agir. La première chose à faire, c’est de réunir les acteurs du site pour les inciter à faire quelque chose, quitte à aller chercher des investisseurs. Si c’est le maire qui va chercher les investisseurs il aura forcément plus d’écho que les propriétaires de cellules. L’allée centrale, la transversale, que nous préconisons pourrait relever du domaine public.
Et puis, il y a toujours cette possibilité de demander un projet d’utilité publique en cas de défaillance des investisseurs privés. J’ai bien conscience que ça ne se fait pas d’un seul claquement de doigts mais c’est une possibilité.
Je sais qu’aujourd’hui il y a des projets privés, et si c’est grâce à nous tant mieux, nous aurons fait œuvre utile, mais ils ne doivent pas rester secrets car nous sommes là sur un espace stratégique. »
DLH : N’est-ce pas un peu minimaliste comme programme municipal ?
L. B : « Le Centre Dauphine, ce n’est pas mon programme municipal. C’est une partie de mon livre. Il y a beaucoup d’autres pistes comme l’écologie et le cadre de vie, la famille, la sécurité, la vitalisation du centre ville par la culture, le développement économique.
Par ailleurs, outre la transformation du Centre Dauphine, nous avons travaillé sur d’autres sujets depuis la rentrée de septembre, qui ont fait l’objet de propositions publiques : la dynamisation de l’agence de développement qui deviendrait « invest in Dijon », le retour à la semaine de 4 jours dans les écoles publiques, l’armement de la police municipale, l’ouverture des bibliothèques municipales le dimanche. Le programme, il sera dévoilé en son temps… »
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre