Les mêmes causes produiront-elles les mêmes effets en 2019 ?

D’après la Note de conjoncture immobilière des notaires de France, on peut penser que ce dynamisme des volumes se maintiendra sur le territoire national car, même si certains paramètres sont moins prégnants (ainsi, notamment, le fameux « effet de rattrapage » faisant suite à un marché atone sur les années 2012, 2013, et 2014), les ingrédients structurants de ce marché demeurent réunis :

  • des taux d’intérêts toujours faibles, proches de leur point le plus bas constaté fin 2016/début 2017 ;
  • des prix en hausse contenue sauf les exceptions bordelaise, parisienne intra-muros et lyonnaise (en province, les hausses sont globalement proches de celles constatées fin 2017, avec une moyenne de + 2,7 % sur un an au troisième trimestre 2018) ;
  • une vitesse de rotation du parc immobilier qui se maintient à un taux élevé, signe d’un marché très actif.

Le marché reste sain et très dynamique au regard de ces critères, ne donnant pas de signes de surchauffe, hormis quelques comètes régionales bien identifiées. L’indicateur avancé des avant-contrats confirme la dynamique de la tendance haussière des prix jusqu’en février 2019, tendance qui devrait toutefois s’atténuer dès les mois suivants. Ces orientations seraient plus marquées sur les appartements anciens que sur les maisons anciennes.

De même, si les volumes restent élevés, lorsqu’on les analyse au regard du stock global de biens immobiliers (au 1er janvier 2018, la France métropolitaine compte 35,4 millions de logements selon l’Insee) rapporté au stock de logements disponibles qui augmente de 1 % par an environ, les volumes sont proportionnellement équivalents à ceux constatés au début des années 2000 (environ 800 000 ventes).

L’ensemble de ces données conduit à conclure que nous avons certainement atteint un plafond en termes de volumes, conséquence tant d’un effet de seuil que de prix majoritairement orientés à la hausse, aussi modeste soit-elle. 

Reste le facteur psychologique qui rentrera également en ligne de compte. Comme nous l’avions déjà indiqué, l’achat immobilier est un engagement financier important et pour une durée longue de quinze ou vingt ans. Des craintes concernant l’évolution économique pourraient dissuader les acquéreurs d’investir dans les prochains mois, d’autant que l’immobilier est devenu une classe d’actifs plus lourdement taxée qu’un autre placement. A l’inverse, il reste un investissement majoritairement nécessaire pour se loger et pourrait tout aussi bien bénéficier à plein de sa réputation de valeur refuge. 

Le marché immobilier reste corrélé à la conjoncture économique, notamment à la confiance des ménages et à des taux d’emprunt toujours particulièrement bas. En termes d’investissement immobilier, décision importante au regard de la dépense qu’il engendre, ce sont aussi les décisions politiques et fiscales qui influent grandement sur les acteurs.

En revanche, le raisonnement par analogie 2017/2018 ne peut être transposé au neuf, assujetti à des facteurs nettement moins pérennes que sont les mesures fiscales.

Les dispositifs d’investissements locatifs générateurs de réduction d’impôts représentent, en province, environ 2/3 des ventes dans le neuf.  Il n’est pas étonnant, dès lors, que le recentrage du dispositif d’investissement locatif Pinel, sur les zones les plus tendues, ait très probablement mis à mal une partie de ce marché. C’est, en tous cas, ce que traduit la forte contraction des mises en vente en secteur B2 (désormais hors Pinel : – 21,1 % sur un an au troisième trimestre 2018).

Le recentrage ne semble toutefois pas être la seule cause de chiffres plutôt en berne, puisque des baisses sont constatées également, non seulement en B1 (- 15,8 % de mises en vente, – 19,5 % de réservations, pour la même période), mais aussi, dans les zones A et Abis (Paris, Île-de-France, Côte-d’Azur, zone frontalière suisse) avec – 8,7 % sur les mises en vente.

Cette baisse des mises en vente est beaucoup plus marquée dans le logement individuel (- 21,4 % sur un an au troisième trimestre 2018, au niveau national), que dans le collectif (- 7,8 % pour la même période) ; les logements collectifs affichent encore des prix à la hausse (+ 3 % pour la même période), alors qu’ils ont déjà amorcé leur baisse pour le logement individuel (- 3,5 %).

Au-delà d’une conjoncture fiscale plus que jamais ondoyante, comment expliquer cette discordance entre l’ancien et le neuf ? Quels faisceaux d’indices conjoncturels privilégier ?

Probablement :

  • un effort commercial massivement orienté vers le B2, afin de conclure un maximum de ventes avant le 31 décembre 2018, date fatidique de fin du dispositif Pinel dans cette zone ;
  • des prix de vente moins accessibles que ceux de l’ancien, dans l’écrasante majorité des cas : beaucoup d’accédants à la propriété immobilière, hormis ceux pouvant bénéficier de régimes spécifiques, ne peuvent prétendre à un bien neuf ;
  • par conséquent, un marché massivement orienté « investisseur », plus restreint, et donc plus vulnérable…
  • un cheptel d’investisseurs non extensible à l’infini ! On peut penser que bon nombre d’entre eux ont fait « leur Pinel », et que ce gisement de clientèle se tarit ;
  • des pouvoirs publics qui n’ont de cesse d’appeler à l’abolition de la rente immobilière. Même s’il faudra bien des porteurs privés pour pallier les coupes franches imposées, dans le même temps, au monde du logement social !

Dans un contexte où l’accompagnement de l’Etat est souvent présenté comme un subventionnement indirect, faussant un marché qui ne devrait s’équilibrer que par le jeu de l’offre et de la demande, il y a fort à craindre que les pouvoirs publics ne donnent guère de signes susceptibles de soutenir cette partie du marché, et de la réorienter positivement.