L’encours de crédit auprès des entreprises de la Caisse d’Epargne de Bourgogne Franche-Comté a considérablement augmenté en 2018. Le président du directoire nous détaille cette stratégie tournée vers l’investissement. Non sans nous confier son sentiment vis à vis de la crise générée par le mouvement des gilets jaunes…
Dijon l’Hebdo : Pourquoi avoir autant insisté sur l’investissement lors de la traditionnelle cérémonie des vœux de la Caisse d’Epargne ?
Jean-Pierre Deramecourt : « L’une des dernières études de l’OCDE montre que la France est le pays qui dépense le plus au monde dans le domaine social, 32 %, alors que la moyenne dans les autres pays se situe à 21%. Je trouve cela très bien, je m’honore que l’on vive dans un pays qui soit attentif à ce que l’on ait un bon système de retraite et de santé ainsi qu’une redistribution des richesses parmi les meilleures au monde. Mais pour que cela perdure, il faut que le PIB français, la richesse nationale augmentent. Il faut également faire en sorte que les entreprises françaises soient compétitives, et ce malgré le poids des charges. Il n’existe, à mes yeux, qu’une seule solution : l’investissement. Il faut investir pour aboutir à une production à forte valeur ajoutée. Il faut le faire également dans la formation afin d’être présents dans le développement durable et les nouvelles technologies ».
DLH : D’où cette augmentation en 2018 de votre encours de crédit auprès des entreprises ?
J.-P. D. :« L’investissement essentiel pour notre économie, que j’évoquais précédemment, nous le réalisons en effet sur notre territoire, où nous concourrons à nombre d’initiatives. En 2018, nous avons augmenté notre activité de crédit auprès des entreprises et auprès des investisseurs en équipements. Nos encours de crédits d’équipement ont progressé de près de 11%. Nous continuons de gagner des parts de marché sur ce secteur. Par cette activité de crédit, nous avons pleinement joué notre rôle de banquier qui encourage l’investissement. Et nous n’avons pas été que prêteurs puisque nous avons aussi aidé en fonds propres. Nous continuons d’être aux côtés des investisseurs par le biais de structures que nous avons créées : BDR Invest (9 M€) et BDR IT (2,5 M€). Nous sommes, grâce à elles, présents dans la biotechnologie, le digital, l’énergie, notamment l’hydrogène… »
DLH : L’innovation a également été au rendez-vous avec l’Open payment mis en place dans le tram puis les bus dijonnais, qui était une première en France…
J.-P. D. :« Nous sommes aux côtés du groupe Natixis qui est, en effet, à l’origine de la première initiative de l’Open payment destiné aux tram, projet que nous avons mené aux côtés de la métropole de Dijon, de Keolis, de Visa et de Wordline. Sachez, au passage, que notre groupe est aussi le premier à proposer l’Instant payment, c’est à dire le paiement par virement instantané. Il ne se passe que 10 secondes entre un virement et la réception sur un compte. Ce moyen de paiement intéressera très vite les commerçants ».
DLH : Ainsi, vis-à-vis des entreprises, et notamment celles tournées vers l’innovation, la Caisse d’Epargne semble avoir fait sienne cette citation de Saint-Exupéry : « L’avenir n’est point à prévoir mais à permettre… »
J.-P. D. : « Le rôle de la Caisse d’Epargne est d’aider les entreprises à préparer l’avenir et à s’orienter vers l’activité qui est à forte valeur ajoutée. La France n’y est pas encore suffisamment, d’autres pays réussissent plutôt bien, la Belgique par exemple. L’excédent commercial belge est aujourd’hui positif alors que les charges sociales sont également parmi les plus élevées. Stéphane Bourcieu l’a parfaitement illustré dans l’un de ses ouvrages ».
DLH : Votre futur siège qui verra le jour au parc Valmy représente l’un de vos investissements majeurs. Est-ce pour faire plaisir à certains Dijonnais que, dans le même temps, vous avez décidé de fermer votre site de Besançon ?
J.-P. D. : « Nous avions besoin d’un siège susceptible de rassembler les équipes des bâtiments Joffre et Belem ainsi que celles basées actuellement sur Besançon. Nous n’avions pas le souhait de quitter Besançon mais c’est la volonté de rassemblement dans un souci d’efficacité qui génère ce départ. Nous souhaitons aussi offrir dans une période où les métiers changent pour beaucoup des possibilités d’évolution professionnelle à toutes les équipes qui travaillent dans les back offices. C’est beaucoup plus aisé, lorsque l’on est dans un siège plus large, d’orienter les personnes vers de nouveaux métiers. Je tiens à souligner que nous venons de signer un accord avec toutes les organisations syndicales représentatives sur les conditions de transfert du personnel. Je tiens aussi à rappeler que la Caisse d’Epargne représente l’un des acteurs majeurs du projet Viotte de Besançon, destiné à restaurer l’ensemble du centre-ville de la cité bisontine. Notre rôle est d’afficher une véritable compétitivité vis à vis des entreprises et celle-ci nous obligeait à regrouper nos équipes sur un même site ».
DLH : Pourquoi avoir choisi comme solution architecturale une construction bois pour votre siège ?
J.-P. D. : « Nous nous sommes dits que nous devions réaliser notre siège en promouvant le savoir-faire de notre territoire. Et, parmi l’ensemble des filières d’excellence de Bourgogne Franche-Comté, il existe la filière bois. Les compétences dans ce secteur sont nombreuses sur notre territoire. Par le biais de cet investissement, notre objectif est de faire rayonner ce savoir-faire au niveau national, voire même international. Ce sera une première pour un investissement privé de cette importance (38 M€) dans un bâtiment en bois. Et, sur cette somme, 9 M€ seront consacrés à la construction d’un parking lui aussi en bois. Celui-ci permettra de répondre à l’une des difficultés de ce parc d’activités en forte croissance : le stationnement. Sur l’ensemble du territoire national, aucune structure de même nature n’existe pour l’instant. Ce sera ainsi, là aussi, une première. Il répondra au défi du stationnement dans une logique du développement durable. Il aura également la particularité d’être démontable : il pourrait être implanté ailleurs si, demain ou après-demain, il n’y a plus besoin de parking à Valmy. Ce parking qui sera opérationnel d’ici la fin de l’année offrira 563 places dont 113 pouvant être dédiées aux véhicules électriques. La Caisse d’Epargne de Bourgogne Franche-Comté en utilisera une partie et le reste sera mis à la disposition des autres personnes travaillant à Valmy ».
DLH : Vous parlez d’investissement et d’aide au rayonnement des entreprises. Cependant, depuis nombre de semaines, les projecteurs sont braqués sur la crise inhérente au mouvement des gilets jaunes. La Caisse d’Epargne a-t-elle mesuré l’impact financier de cette crise ?
J.-P. D. : « Nous savons qu’il y aura une incidence sur l’activité économique mais il est encore trop tôt pour pouvoir la chiffrer. Nous n’avons pas encore d’éléments tangibles mesurant les difficultés structurelles liées au mouvement des gilets jaunes. Ceux-ci devraient être connus dans les semaines qui viennent. . Au-delà de la violence irrationnelle qui accompagne le mouvement, il faut, en effet, prendre conscience de l’impact sur certaines entreprises et certains commerces. Pour ma part, je pense qu’il faut encourager toutes les initiatives qui permettent de sortir de cette situation. Mais il est nécessaire de bien analyser les déclencheurs et les causes profondes du mouvement. Dans celles-ci, je pense qu’il y a des choses qu’il faut prendre en considération, notamment des questions autour du pouvoir d’achat, du rôle de l’Etat. Peut-être celui-ci se mêle-t-il de trop de choses ? Peut-être pourrait-il être plus efficace ? Peut-être existe-t-il trop de règles ? Si l’on ne se situe pas uniquement dans le registre de la polémique, certains messages qui sont envoyés sont intéressants pour orienter la politique nationale dans d’autres directions ».
Propos recueillis par Camille Gablo
Le siège de la Caisse d’Epargne de Bourgogne Franche-Comté, qui s’accompagnera d’un parking mutualisé, représentera le plus grand ensemble bois, tertiaire et de services, de l’Hexagone. « La SEM (Société Est Métropoles) en sera le maître d’ouvrage. Interviendront également des entreprises locales, telles que la SNCTP, le groupe Roger Martin pour le gros œuvre, Demongeot pour le génie électrique, Simonin, une entreprise de Franche-Comté pour la charpente », détaille Jean-Pierre Deramecourt, avant d’ajouter : « Ce parking, qui sera livré d’ici la fin de l’année, intéresse beaucoup notamment en France mais aussi dans d’autres pays. Un certain nombre d’industriels se sont regroupés autour d’une structure appelée Forestarius afin de présenter le savoir-faire de l’ensemble des acteurs concernés à l’extérieur. C’est un exemple concret de la stratégie qui est la nôtre : investir au service de la production à forte valeur ajoutée mais aussi vers le développement durable et les nouvelles technologies ».