Bernard Depierre : « Il est urgent d’organiser une table ronde »

Des campagnes électorales, il en a connues. Sept au total. Cinq victoires et deux défaites. L’ancien député de la Première circonscription de Côte-d’Or ne s’est jamais départi de la passion qu’il porte à la politique. C’est le dernier « lieutenant » de l’ancien maire Robert Poujade dont la voix se fait toujours entendre dans le débat politique. A moins de 18 mois des élections municipales de Dijon, son analyse ne manque pas de pertinence et de piquant.

Dijon l’Hebdo : Quand on voit des « anciens » comme Nicolas Sarkozy et Alain Juppé arriver largement en tête des personnalités de droite préférées des Français, cela ne vous donne-t-il pas envie, considérant que ce n’est pas l’âge qui compte mais l’expérience, de livrer un dernier combat électoral ? Les municipales, par exemple ?

Bernard Depierre : « Je voudrais d’abord dire que si Nicolas Sarkozy est en tête de ce sondage, c’est assez légitime compte tenu de tout ce qu’il a pu faire. Et, à mon sens, c’est parce qu’il représentait un vrai danger pour celles et ceux qui avaient des ambitions que toutes ces affaires soi-disant judiciaires lui sont tombées dessus. Quant à Alain Juppé, il serait aujourd’hui Président de la République si François Fillon avait bien voulu se retirer. Et, compte tenu de l’expertise de Nicolas Sarkozy et d’Alain Juppé, la France irait beaucoup moins mal qu’aujourd’hui.

Maintenant, l’âge c’est clairement un problème et on le constate aujourd’hui avec un renouvellement des générations que ce soit dans la classe politique, dans le monde du business ou dans le monde associatif. Il faut donc savoir raison garder. Pour ce qui me concerne, je ne suis intervenu en rien dans toutes les intentions des uns et des autres tant qu’ils ne se seront pas mis autour d’une table ronde, entre les prétendants, ceux qui pourraient l’être et tous ceux qui sont concernés au travers de leurs responsabilités respectives. Car il n’y a pas que la politique qui compte dans une élection municipale et c’est ce qui a certainement le plus manqué dans les dernières échéances à la droite à Dijon. »

DLH : Une table ronde pour effacer les divisions, vous y croyez vraiment ?

B. D :« Il n’y a pas le choix. Lorsque cette « table ronde » aura convenu de la meilleure solution pour essayer de reconquérir Dijon, je serai prêt à aider celle ou celui qui sera désigné à l’unanimité. Je suis convaincu que cette étape est indispensable car il n’y a pas aujourd’hui de leader charismatique incontestable. Il faut bien s’interroger pour savoir qui est capable à droite et au centre de gagner ces élections municipales. Qui est capable de faire une liste de combattants, de représentants de toutes les ethnies, de toutes les sensibilités culturelles et religieuses, des personnalités qui soient capables d’être des porteurs de voix et pas simplement des distributeurs de tracts et des colleurs d’affiches. Dijon, c’est une ville compliquée car il y a à la fois des quartiers populaires, des quartiers bourgeois, des quartiers difficiles au sens sécuritaire notamment. Une liste doit être la représentation la plus fidèle de la population de la ville. »

DLH : Les postulants sont nombreux pour conduire la liste pour les municipales. Donnez nous votre avis sur les points forts et faibles des uns et des autres. Par exemple, Alain Houpert pour commencer…

B. D :« J’ai le sentiment qu’Alain Houpert attendra les sénatoriales et ne se réintéressera pas à Dijon. Mais je n’ai pas eu l’occasion d’échanger avec lui. »

DLH : Rémi Delatte, le député de la 2ecirconscription, dont le nom revient souvent…

B. D :« Rémi Delatte s’est retiré de la présidence des Républicains. C’est certainement un signe. Il est le seul parlementaire de droite. Sa circonscription concerne environ 30 % de la ville de Dijon. C’est quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’adversaires compte tenu de son côté consensuel, sa diplomatie et son éducation. Il a probablement les qualités pour être chef de file. Et je suis persuadé qu’il a une arrière-pensée… Avec lui, la droite pourrait reconquérir Dijon. Il a le charisme et sa personnalité est suffisamment attractive et sympathique. »

DLH : François-Xavier Dugourd, le Premier vice-président du Conseil départemental, qui vient d’être élu à la tête des Républicains de Côte-d’Or…

B. D :« Je ne crois pas qu’il soit intéressé et mobilisé pour être candidat. François-Xavier Dugourd avait beaucoup travaillé sur la perspective où il y aurait eu une modification de loi sur l’élection pour la Métropole. Mais ce ne sera pas le cas. »

DLH : Emmanuel Bichot, conseiller municipal d’opposition, qui fait feu de tout bois sur tous les fronts…

B. D :« C’est un garçon extrêmement intelligent, un énarque peut-être un peu trop aristocrate à mon sens. C’est un homme extrêmement bien élevé mais qui présente une petite faiblesse au niveau des contacts. Son réseau relationnel doit s’améliorer et s’étendre. Je connais bien les gens qui l’entourent pour avoir travaillé avec eux. Il a déclaré sa candidature peut-être un peu trop tôt. »

DLH : Laurent Bourguignat, conseiller municipal…

B. D :« Je le connais bien. Il a beaucoup travaillé pour moi. Je lui ai dit qu’il faisait fausse route. Il n’a pas un réseau suffisant pour prétendre à être chef de file même si sa présence sur le terrain est très forte. Il aurait le plus grand intérêt à se positionner comme un leader du deuxième niveau. »

DLH : Franck Ayache, conseiller municipal, qui a annoncé qu’il serait candidat si Emmanuel Bichot était tête de liste…

B. D :« Je pense que, comme Laurent Bourguignat, il doit se positionner dans un rôle de second ou de troisième dans une équipe qui reste à constituer. Il représente une sensibilité dont la droite et les libéraux ont le plus grand besoin. »

DLH : Ludovic Rochette…

B. D : « Je ne pense pas qu’il ait la volonté d’être candidat. Il y a eu un bureau politique des Républicains au cours duquel il a affirmé sa non candidature. Il est maire de Brognon, suppléant de Rémi Delatte, vice-président du conseil départemental, président de la communauté Norge et Tille, président de l’association des maires de Côte-d’Or… Pourquoi pas les sénatoriales ? Mais les places seront chères… »

DLH : Un candidat extérieur, c’est possible ?

B. D :« C’est évidemment possible mais il est grand temps que ce candidat extérieur éventuel soit sur le terrain à Dijon. Une élection municipale ne se prépare pas en trois mois. »

DLH : Que vous inspire ce spectacle de division qu’offre la droite locale avec trois groupes constitués pour seulement dix élus au sein du conseil municipal de Dijon ?

B. D :« Il faut que tous les élus d’opposition se réunissent quelles que soient leurs différences. Je rappelle qu’en 2014 il y avait un chef de file, Alain Houpert, qu’on ne voit pas assez souvent. Il doit, à mon avis, avoir un rôle pour réunir tous ces sous-groupes qui jouent un mauvais jeu par rapport à la Cité de la Gastronomie. Certains disant qu’il faut la faire quelles que soient les conditions, d’autres qu’il faut la faire sans condition, d’autres qu’il faut bloquer le dossier autant que faire se peut… Il y a des débats beaucoup plus importants pour Dijon, notamment tout ce qui a trait à l’emploi. Nous sommes, par ailleurs, dans une situation d’insécurité dans beaucoup de quartiers de la ville. On peut évoquer aussi la propreté mais il faut surtout s’attaquer au plan de circulation. »

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre