Dijon l’Hebdo : Vous avez l’habitude de faire votre rentrée politique sur vos terres, à Vitteaux, en organisant « la fête de la droite et du centre de Bourgogne – Franche-Comté ». Ce terme de fête est-il opportun en ces temps de divisions où se posent la question du leadership et celle de la ligne idéologique visant à mettre en place une politique efficace et cohérente de reconquête du pouvoir ?
François Sauvadet : « L’important c’était de se retrouver, de se parler, de partager. En ce sens, c’était une fête incarnant un véritable rassemblement dont pourraient s’inspirer tous les leaders nationaux. Nous, droite républicaine et centre, nous avons une responsabilité énorme : la préparation d’une alternative et d’une reconquête. Une des conditions de la reconquête, c’est d’afficher à la fois une vision où chacun doit se sentir un avenir mais aussi une vision de réconciliation territoriale. Et cette reconquête, j’en suis convaincu, elle ne se fera pas depuis les états majors parisiens. Elle va se faire commune par commune, des plus petites aux plus grandes, car c’est là le coeur de la démocratie. C’était le sens du rendez-vous de Vitteaux. Finies les chicaillas. Ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise. »
Le 10 septembre prochain, j’annoncerai officiellement ce que le Département fera et ce qu’il ne fera plus (…) L’aide aux communes constituera le socle de notre action »
DLH : C’est la rentrée des classes. Quelle note sur 20 mettriez-vous à Emmanuel Macron plus d’un an après son élection ?
F. S : « Je mettrais une note extrêmement sévère. Plutôt qu’une note, je préférerais le sanctionner. Depuis 18 mois, on assiste à une recentralisation et une concentration complètes des pouvoirs avec des affaires qui ont révélé un mode de gestion pour le moins contestable. L’affaire Benalla n’est pas un banal fait divers. Son comportement inadmissible ne lui a valu que 15 jours de mise à pied. Dans nos collectivités, un Benalla n’aurait pas fait une minute de plus après s’être livré à un coup de poing le 1ermai. C’est symbolique d’un pouvoir arrogant qui a le sentiment d’avoir tous les pouvoirs. Non Monsieur Macron, la France n’est pas une start up, les communes ne sont pas des filiales. J’ai le sentiment, comme beaucoup de Français que les fractures se sont accélérées.
Ce n’est pas une surprise. M. Macron est un pur produit de la technocratie française. Il ne s’est pas attaqué à la mère des réformes qui est la réforme de l’État. Il continue dans la lignée de Hollande. Il fait la poche des Français et des collectivités territoriales. Les attaques contre le pouvoir d’achat des Français, les allocations familiales, les retraites… La retraite, ce n’est pas une aide sociale. C’est le fruit d’une vie de travail. Ce n’est pas une marche en avant. C’est un incroyable retour en arrière. »
DLH : Découragés par les difficultés financières, un millier de maires de petites communes en France ont abandonné leurs fonctions depuis 2014. Comment vivez-vous cette situation en Côte-d’or en votre qualité de président du conseil départemental ?
F. S : « C’est effectivement le découragement qui gagne les élus locaux en manque de considération. Ils ressentent même un véritable mépris. C’est une des raisons qui m’ont poussé à boycotter la Conférence nationale des territoires le 12 juillet dernier. Le gouvernement avait imaginé cette conférence comme une instance de dialogue et de négociations réunissant le pouvoir central et les représentants des collectivités. Après un an d’existence, force est de constater qu’elle n’a pas rempli ses objectifs. Non seulement la voix des élus locaux n’est pas entendue mais on peut même dire qu’elle n’est pas écoutée. Emmanuel Macron a beau jeu de communiquer sur un « pacte girondin » alors que la France n’a jamais eu un président aussi jacobin depuis des années. La théorie des « premiers de cordée » nous conduit droit dans le mur car elle sous entend qu’on n’a pas besoin de tous les autres. Et puis le plafonnement de nos dépenses est une folie furieuse car, en même temps, on nous augmente nos dépenses sociales obligatoires. Pas besoin d’être un grand gestionnaire pour comprendre que c’est l’investissement qui va trinquer. Le 10 septembre prochain, j’annoncerai officiellement ce que le Département fera et ce qu’il ne fera plus. Je l’assumerai clairement face au plafonnement budgétaire qui est imposé. »
Ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise »
DLH : A Vitteaux, une question a fait office de fil rouge : « La région de Bourgogne – Franche-Comté a de nombreux atouts. Pourquoi est-elle si mal classée ? » Quelle réponse est sortie de cette matinée de réflexion ?
F.S : « On a des atouts fantastiques, un formidable potentiel. Le problème, c’est que nous avons une majorité régionale qui fait sa petite cuisine en interne, qui ne constitue nullement un contre-pouvoir mais qui se contente d’attendre les décisions du gouvernement pour prendre ses propres décisions. C’est l’immobilisme le plus total. Nous ne tirons aucun profit de notre positionnement géographique. Comme à l’image de la France, Mme Dufay a tout voulu concentrer entre Dijon et Besançon. Nous affirmons aujourd’hui que cette région doit se fixer 5 ou 6 priorités et faire de ses atouts une formidable chance. Nous avons tracé des pistes : une région plus stratège, plus à l’écoute des territoires, travaillant davantage avec les départements… »
DLH : Une telle rentrée politique ne préfigure-t-elle pas votre volonté de conduire une nouvelle fois la droite et le centre aux prochaines élections régionales ?
F. S : « C’est beaucoup trop tôt. Aujourd’hui, je propose un chemin sur lequel tout le monde peut se retrouver. D’abord le projet et, ensuite, pour chaque échéance, nous regarderons quel est le meilleur pour le porter. »
DLH : A Dijon, les élections municipales de mars 2020 occupent déjà les esprits. Une première candidature s’est même déclarée mais bon nombre d’élus expliquent qu’il est urgent d’attendre. N’est-ce pas le signe plutôt qu’aucune tête de liste ne s’impose aujourd’hui ?
F. S : « Il est vrai qu’aucune tête de liste ne s’impose aujourd’hui. C’est finalement une chance car nous allons pouvoir travailler sur le fond. La déclaration de candidature d’Emmanuel Bichot est prématurée mais, en même temps, il a fait un travail formidable d’opposition. L’important aujourd’hui, c’est le projet. Quelle vision a-t-on pour Dijon et la Métropole ? Faut-il continuer à densifier avec tous les problèmes de sécurité et de violences que ça peut poser ? Pour moi, la densification urbaine est une erreur historique. Il y a une nouvelle ville à construire même s’il y a eu de bonnes choses à Dijon. Et l’idée selon laquelle la Métropole pourrait jouer le rôle du Département est une idée folle. Est-ce la Métropole qui, demain matin, va s’occuper des collèges de Brazey-en-Plaine ou de Châtillon-sur-Seine, de l’EPAHD de Pontailler-sur-Saône ? Ca n’a pas de sens. Je ne crois pas à la théorie du ruissellement. »
Dans nos collectivités, un Benalla n’aurait pas fait une minute de plus après s’être livré à un coup de poing le 1ermai »
DLH : Vous avez décidé de consulter tous les Côte-d’Oriens, et notamment les maires, pour évaluer les politiques et les actions conduites depuis 2015 et déterminer d’éventuelles pistes d’évolution. Quels sont les premiers retours ?
F. S : « Les premiers retours, ce sont ceux des maires. Ils ont redit tout l’attachement qu’ils portent au Conseil départemental. J’ai entendu ce message. C’est pourquoi l’aide aux communes constituera le socle de notre action. 704 questionnaires ont été envoyés. Plus de 200 réponses nous sont déjà parvenues. Que disent les maires ? D’abord que le Département est une collectivité locale utile. Ils sont en effet 97% dans ce cas. Un plébiscite pour le Département alors que certains s’interrogent sur son rôle, voire son devenir.
95% disent être attachés à la présence territoriale du Département. 9 maires sur 10 sont notamment favorables au maintien de tous les collèges de Côte-d’Or et près de 8 sur 10 sont satisfaits de la présence sociale dans les territoires, à travers les 25 Accueils solidarité famille et les 38 points de permanence. Ce qui valide les choix faits depuis plus dix ans de maintenir notre présence sur le territoire. Enfin, notons que 86% des maires pensent que les intercommunalités ne sont pas en mesure de reprendre les compétences exercées par le Département.
Aux interrogations sur la pertinence de conserver l’échelon départemental, les maires de Côte-d’Or sont sans ambiguïté : le Département est une collectivité indispensable.
On va aussi associer les 24 000 collégiens pour qu’ils nous disent dans quelle Côte-d’Or ils voudraient vivre. Ce sera une première en France. Les collèges, je le dis au passage, resteront dans nos compétences. Je ne veux pas qu’il y ait d’un côté des collèges ruraux et de l’autre des collèges présumés urbains. Et pas question de fermer un seul collège en Côte-d’Or parce que c’est un des éléments nécessaires à l’appropriation des territoires que d’être collégien sur ses terres, là où on a ses racines. »
DLH : Les Départements ont donc encore de beaux jours devant eux ?
F. S : « Assurément. Entre les grandes régions et les métropoles, qui va assumer cette solidarité territoriale ? »
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre