Le Clairon : Le peuple sur le banc de touche

 

En physique et en politique sociale, la loi sur la gravité se définit – entre autres propriétés – comme la force responsable de la chute des corps. Sur la planète-terre de 1959, les MJC (Maisons de la culture) ont été les étoiles de la politique de décentralisation culturelle menée en France sous les auspices d’André Malraux. Hauts lieux de la scène théâtrale, ces Maisons du Peuple ont donné naissance à une avant-garde théâtrale, permis la diffusion des arts plastiques ou l’essor de la musique. Elles ont également, à l’instar des ciné-clubs d’alors, promulgué un « cinéma de l’oblique », et lançaient dans la foulée une nouvelle conception architecturale du bâti officiel. Depuis belle lurette, ces MJC ou leurs cousins que furent les Foyers des Jeunes Travailleurs ont rejoint les oubliettes de l’Histoire. Qui croirait en 2018 à une culture populaire novatrice ? Qui miserait sur les forces créatives des classes ouvrières réduites à peau de chagrin ? Quant aux grands partis politiques, s’ils ont tenu pendant plus de cent ans les premiers rôles sur la scène française, les voilà tombés de haut, lestés désormais de leur âme et de leur souffle épique.

Mitterrand a « plumé la volaille communiste » – selon son expression – dans les années 80. Le PS, éjecté des Présidentielles l’an dernier, entend entamer sa réinsertion  dans l’Histoire  en s’installant – tout un programme ! – en banlieue  à Ivry. Les ex-RPR – devenus LR –  ont perdu leur étoile du Nord…  D’une certaine façon, tous ces grands partis traditionnels (droite comprise) avaient prospéré sur le terreau du militantisme populaire. Quid de cette verve populaire (rien à voir avec le populisme actuel) qui avait porté ses idéaux sur les fonts baptismaux du progrès social, du plein-emploi lors des Trente Glorieuses ?

Prenons deux exemples : le PC et ses cellules avaient su insuffler à leurs militants et sympathisants une grammaire sociale fédératrice, tout comme les catholiques avec leur JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne). Aujourd’hui, moins de 7% des actifs en France sont  syndiqués. Ce qui n’empêche pas les centrales CGT, CFDT, FO and co  de se réclamer de la parité dans les tumultueuses négociations en cours. Qu’il soit permis de s’interroger sur leur réelle représentativité, tout comme sur le bien-fondé de leur « minorité de blocage ». Finissons-en avec ce dialogue biaisé qui entrave les mutations indispensables à une économie moderne, à une SNCF en panne d’aiguillage ou à la compagnie  Air France clouée au sol tel l’Albatros de Baudelaire !

Sans vie militante, syndicats ainsi que partis politiques pâtissent d’une idéologie cultivée hors-sol. Les manifs de ce printemps sont d’un rabougri ! Leurs organisateurs ont beau  « gonfler » les rangs en faisant appel à leurs troupes de réserves constituées d’adhérents aux cheveux blancs, ils ne font pas illusion. La CGT se fait talonner par Sud ou Solidaires, fort éloignés de la défense des travailleurs ; ce ne sont rien d’autre que les officines d’une extrême-gauche nébuleuse. A quand un consortium (du latin signifiant « partenariat » ou « association ») entre le monde politique, la France au travail et les responsables des secteurs industriels et économiques ? A quand, une adhésion populaire à un projet national lancé par le chef de l’État ?

Notre pays s’est éloigné des forces fédératrices d’une militance sociale, politique, voire humaniste. Notre société se trouve désormais aux prises d’un antisémitisme musulman, et devenant dans de nombreux quartiers la proie de factions communautaristes. Le sport, lui-même, n’échappe pas à cette restriction de la conscience populaire : si on respecte le PSG pour ses joueurs mythiques, avouons qu’il manque de ce souffle populaire, de cette  implantation « indigène » qui sont la marque de fabrique du FC Nantes, de l’OM ou plus modestement de notre DFCO.  La France tient peut-être en Macron son buteur. Mais où sont les militants / supporters ?

Marie-France Poirier