Les coulisses de la ville N°101 : La cathédrale Saint-Bénigne

 

Saint-Bénigne fut l’un des plus beaux monuments de l’époque romane. Cela peut surprendre lorsqu’on la découvre si gothique. Elle a une longue histoire.

A l’origine, un cimetière occupait l’emplacement de la future église et l’on venait y révérer le tombeau de Saint-Bénigne, premier apôtre de Bourgogne. L’évêque de Langres, Saint-Grégoire, voyait ce culte avec suspicion jusqu’au jour où une apparition, dit-on, le convainquit. C’est ainsi que l’on fonda sur la crypte la première basilique dédiée en 535.

Elle fut reconstruite en 870, puis une seconde fois en raison de son état en 989 par Guillaume de Volpiano, mandaté par l’abbé de Cluny.

L’édifice juxtapose alors à l’église une rotonde de trois étages établie sur la crypte. L’ensemble de cent mètres de long est le plus vaste de la chrétienté. Les étages de la rotonde sont malheureusement détruits à la Révolution. Redécouverte en 1858, la crypte aux quatre-vingt-six piliers est la seule partie restée intacte du premier édifice roman : étrange forêt de pierre qui évoque une foi plus secrète.

En 1271, les dégâts dus à la chute de la tour du chœur entraînent une nouvelle reconstruction. Commencé en 1320, elle est achevée au début du XIVe siècle. Elle prend alors sa physionomie gothique. La relative rapidité de sa construction en fait une église très homogène et d’une belle unité de style. Inévitablement, elle eut à souffrir des excès de la Révolution et perdit son merveilleux portail d’origine romane. Par contre, elle devient cathédrale en 1792, à la place de Saint-Etienne dont le tympan est déplacé sous l’Empire et vient orner Saint-Bénigne.

Adjonction plus monumentale : la flèche de cuivre élevée en charpente à quatre-vingt-treize mètres au-dessus du sol par l’architecte Charles Suisse au XIVe siècle. Ce superbe élancement ajoute à la majesté de la cathédrale. Du gothique, elle a cette tension des volumes vers le ciel et le raffinement discret qu’exprime en façade la légère galerie d’arcatures, entre les deux imposantes tours. La vue du chevet depuis la rue Michelet est tout autre avec le jaillissement des arcs-boutants et le chatoiement des toits vernissés dont on l’a revêtue. Conviennent-ils vraiment ? On en débattrait longtemps. Ils sont une image-phare de Dijon et peut-être le symbole d’une puissance oubliée. Saint-Bénigne dominait un immense enclos abbatial. A leur première entrée à Dijon, les ducs venaient à Saint-Bénigne prendre possession du duché. Au XVIIe siècle, le logis abbatial fut même résidence de l’Intendant de Bourgogne. De cet ensemble, seuls subsistent un cellier vouté d’arêtes et le splendide dortoir à trois nefs de dix travées, voûtées de puissantes ogives.

Le Musée archéologique occupe une part de ces bâtiments ainsi qu’une salle souterraine du IXe siècle où sont exposés les ex-votos des sources de la Seine. Saint Bégnine est certainement l’église la plus connue des dijonnais comme des touristes. Difficile aussi de ne pas la voir lorsque l’on arrive à Dijon depuis la gare et si vous voulez avoir son image la plus atypique, allez rue des Perrières.

De là, elle se livre entre la toile d’araignée des câbles et réseaux de la gare, image ancienne confrontée au paysage récent ; une vue d’ailleurs immortalisée par Vincenot à qui n’échappa ce dialogue du technique et de la foi.

Marie-Claude Pascal