Coup de gueule : Peine de mort pour un arbre

 

Abattre un arbre sain de corps et d’esprit en plein Dijon n’est ni acte anodin, ni innocent. C’est priver un quartier de l’ombre de soi-même. En un mot, de son âme… Un fait-divers de cet ordre s’est déroulé récemment rue des Godrans, dans la cour de l’Hôtel Filsjean de Mimande. Pas de rubans jaunes pour délimiter la scène de crime : le majestueux peuplier haut de 30 mètres, âgé de trois siècles, a été abattu, puis débité membre par membre, dans l’indifférence générale. Pas d’enquête. Pour cause, les forces de l’ordre n’avaient pas à être prévenues…

Notre arbre plusieurs fois séculaire aurait pu être le héros tragique d’un remake de Massacre à la tronçonneuse. Dans les cultures africaines anciennes, il était dit que les branches, le tronc et les racines des arbres constituent des lianes entre le monde des vivants et celui des ancêtres. Depuis une ou deux décennies, des chercheurs occidentaux publient des travaux passionnants sur la communication à distance des arbres entre eux pour signaler dangers divers et prédateurs tant du règne animal – champignons, bactéries, parasites, insectes nuisibles – que de l’espèce humaine. Il faut croire que hélas, trois fois hélas, notre platane de l’hôtel de Mimande n’était pas abonné à l’Internet de l’arborescence@platane.fr !

L’arsenal législatif français fait preuve d’un grand vide juridique en matière de protection des arbres : très peu sont classés en secteur sauvegardé. Voilà qui permet tout, et n’importe quoi. La preuve ? Là encore, l’olivier qui tenait compagnie depuis des lustres dans la cour de Bar à la belle sculpture de Claus Slutter fut abattu un jour, sans coup férir.

Dès qu’un arbre fait de l’ombre à l’activité humaine, ou aux intérêts d’investisseurs  privés tels les acquéreurs de l’Hôtel de Mimande , il devient automatiquement l’objet – sans jeu de mots – d’une coupe sombre. C’est paradoxal lorsqu’on songe à tous ces éco-quartiers, tous ces programmes immobiliers avec aménagement paysager qui ont aujourd’hui le vent en poupe.

Enfin, soulevons un lièvre à propos de feu notre platane de l’Hôtel de la rue des Godrans : qu’ont fait pour sa défense les écolos de tout poil toujours prêts à jouer les coupeurs de tête, à s’insurger ou à faire feu de tout bois ? Absolument rien. Est-ce à croire qu’ils se sont eux aussi laissés … abattre ?

Marie France Poirier