Grâce à son implantation sur l’ensemble du territoire, le notaire est le principal acteur juridique du monde rural. Au travers des baux ruraux environnementaux, il apparaît également comme le garant de pratiques vertueuses dans l’agriculture. Guillaume Lorisson, notaire à Dijon, présente ces leviers contractuels très utiles et efficaces dans la préservation de notre environnement.
Dijon l’Hebdo : En quoi ce bail rural environnemental est-il important pour les collectivités locales ?
Guillaume Lorisson : « C’est incontestablement une belle opportunité d’introduire des ingrédients écologiques dans la politique des collectivités locales. En Côte-d’Or, bon nombre de communes sont propriétaires de terres qu’elles mettent à la disposition d’exploitants agricoles. Et avec un bail rural classique, ces derniers en faisaient ce qu’ils voulaient avec des techniques et des pratiques culturales qui leur étaient propres et parfois contestables… »
DLH : Cela sous-entend qu’avec un bail rural environnemental, l’exploitant agricole est soumis à des contraintes ?
G. L : « En créant ce nouveau bail, le législateur permet au bailleur d’imposer des pratiques culturales vertueuses en matière environnementale. C’est une façon, pour les collectivités locales, d’influer sur les pratiques agricoles avec un véritable levier contractuel très utile dans la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, dans le maintien d’une qualité de sol qui impactera évidemment la production. »
DLH : Ce dispositif qui a plus de 10 ans ne semble pas être répandu sur nos territoires ?
G. L : « Effectivement, on peut déplorer le fait qu’il y a trop peu de baux de ce type signés dans le département. C’est un dispositif qui est mal connu même s’il est issu de la loi d’orientation agricole de janvier 2006 et qu’il témoigne de la volonté des pouvoirs publics de protéger la nature et les sols et de promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement. N’oublions pas que le monde agricole ne s’est ouvert que progressivement à la protection des sols et à la qualité des produits utilisés pour les cultures. C’est aussi à nous, notaires qui assurons un maillage efficace de nos territoires, de mettre ce contrat sur le devant de la scène.
Il nous faut informer efficacement les collectivités locales mais aussi les propriétaires fonciers, les agriculteurs des nouvelles possibilités qu’offrent ces textes. La loi d’avenir de l’agriculture, promulguée en 2014, a élargi le champ d’application du bail rural à clauses environnementales en autorisant leur conclusion sur des parcelles situées en dehors des zones protégées, à condition qu’il vise le maintien d’infrastructures écologiques ou de pratiques environnementales existantes. »
DLH : Quelle est la durée du bail rural environnemental ?
G. L : « Ce type de bail se signe pour des durées de 9, 18 et même de 25 ans. Au départ, c’est un bail classique qui va définir le bien loué et le montant du loyer. La collectivité va y insérer des clauses environnementales qui imposeront des pratiques agricoles particulières qui vont permettre de concilier une activité de production dans le respect de l’environnement.
L’intérêt d’un bail comme celui-ci, c’est sa durée. Et si on veut que les pratiques agro-écologiques aient un impact véritable dans le temps, il est logique de les appliquer sur des durées de 18 ans qui vont aussi permettre à l’exploitant de rentabiliser ses investissements. Sachez aussi que les baux de plus de 12 ans doivent être impérativement publiés à la publicité foncière et là les notaires sont les interlocuteurs incontournables des collectivités locales. »
DLH : Et si l’exploitant ne respecte pas les termes du bail ?
G. L : « Le non respect des clauses environnementales, évidemment dûment constatées, autorisera le bailleur, en l’occurence la collectivité locale, à demander la résiliation du bail. Les clauses environnementales ne peuvent être introduites qu’à la signature d’un bail. Elles ne peuvent donc pas être imposées en cours de bail, et si elles sont introduites par avenant ou lors d’un renouvellement, cela constitue un nouveau bail avec la remise en cause éventuelle des autres dispositions du bail. L’exploitant agricole qui signe un bail environnemental doit mettre en place des pratiques culturales respectueuses de l’environnement en fonction des clauses retenues parmi une liste fixée par décret. Et il ne pourra pas s’y soustraire. »
Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE