Benoît Bordat : « Je ne marche pas ! »

Surprise, déception, voire même colère… Du côté d’En Marche, tout ne va pas pour le mieux en ce début de campagne des législatives, notamment sur la 1ere et la 2e circonscription après la désignation des candidats. Parmi les voix de ces « marcheurs » qui s’élèvent, celle de Benoît Bordat, conseiller municipal de Dijon en charge du dossier « agriculture péri-urbaine » au sein de la métropole.

Dijon l’Hebdo : Qu’est-ce qui vous choque dans le profil des candidats désignés par En Marche sur les trois premières circonscriptions de Côte-d’Or ?

Benoît Bordat : « Quand on regarde le profil des candidats, je pose la question : Où sont le renouvellement et le changement dans le paysage politique ? Sur la 1re circonscription, on nous présente un candidat qui est élu à la ville de Dijon depuis plus de 23 ans… Sur la 2e, un inconnu sur ce territoire… Et sur la 3e, c’est une opération recyclage avec une élue qui s’était fait sortir du conseil régional.

S’il faut des béni-oui-oui pour appuyer sur le bon bouton à l’Assemblée, peut-être que ce sont les bons candidats. Je pensais naïvement qu’il fallait des personnes implantées sur la circonscription, incarnant le renouveau…

DLH : On sent beaucoup d’amertume dans votre propos. Allez-vous jusqu’à regretter d’avoir soutenu Emmanuel Macron avec autant de conviction ?

B. B : « Pas du tout. Je me suis engagé dès l’automne 2016 et je ne regrette vraiment pas de m’être investi fortement jusqu’à l’élection d’Emmanuel Macron. Maintenant, je ne suis pas dans la soumission. Quand j’ai quelque chose à dire, je le dis haut et fort. Je conteste avec la plus grande vigueur cette façon de faire absolument pas démocratique et qui ne reflète pas la réalité du terrain.

Les choix ont été faits dans les fins fonds des bureaux parisiens. Fait du Prince, on s’est vu imposer, façon IIIe République, des candidatures ici et là sans la moindre consultation des militants au niveau local. Moi qui obéis à des règles et des valeurs, je ne vous cache pas la surprise qui a été la mienne. Pour preuve, comme beaucoup d’autres, j’ai fait un dépôt de dossier pour postuler à ces législatives. Je n’ai jamais été consulté. Pas un seul contact, pas un seul message téléphonique, pas un seul mail… »

DLH : Vous en faites une affaire personnelle ?

B. B : « Absolument pas. C’est en ma qualité de délégué départemental de CAP 21 que je tiens cette position. J’affirme qu’on prend un risque énorme. L’action aux services des citoyens ne doit pas être l’affaire d’une ambition personnelle. C’est une ambition collective et la décision de notre bureau régional ainsi que la mienne sont très claires et guidées pour le meilleur rassemblement. Nous ne pouvons en aucun cas soutenir des candidats qui n’incarnent aucun renouvellement ou seraient des apparatchiks déconnectés des territoires, parachutés ici ou là par le Modem ».

DLH : Ne tournons pas autour du pot : c’est François Deseille qui est dans votre viseur ?

B. B : « Le candidat « Modemo-Modem » François Deseille n’incarne ni renouvellement, ni légitimité sur ce territoire. C’est très clair : il fallait faire de la place au MODEM. Avoir un candidat du parti de François Bayrou, ce n’est pas choquant. Le problème, c’est que ce n’est pas le bon qui a été investi. Il avait été question de Dominique Grimpret, sur la 1re circonscription. C’est un maire reconnu au sein de l’agglomération, travailleur, appliqué. Pourquoi pas lui plutôt que François Deseille ? Peut-être y a-t-il eu des chahutages et des guerres internes pour savoir qui aurait le bout de saucisson à la fin…

Et puis, je ne suis pas sûr que François Deseille connaisse le monde agricole et la problématique des territoires ruraux. Pour moi, ça pose véritablement question. Il ne maîtrise pas les contours de la 2e circonscription et je lui rappelle, au passage, que Fontaine-les-Dijon et une majorité du canton ne se trouvent pas dans la 2e mais la 1re circonscription… Afin de lui affirmer toute ma bienveillance, je songe à lui offrir une boussole et une carte du département. Je peux même lui indiquer quelques restos sympas et bonnes adresses… ».

DLH : Une chose est sûre : vous ne partirez pas en vacances ensemble ?

B. B : « Je ne cacherai à personne que mes relations avec François Deseille se sont dégradées depuis 2011, année où j’ai quitté le MODEM sur le constat qu’il n’y avait plus de vie dans cette fédération. Nous avons eu des divergences sur la conduite à tenir sur des élections cantonales, sur des fonctionnements internes que je ne jugeais pas démocratiques, à l’époque. Si, aujourd’hui, François Deseille est satisfait de présider une fédération qui ne compte que quelques proches, c’est son problème. Après mon départ, j’ai été accueilli, au sein de l’assemblée municipale, par le groupe socialiste et apparentés qui m’a permis de poursuivre un travail serein. Depuis, j’ai poursuivi cet esprit collectif avec eux. J’ai modestement apporté ma contribution au projet municipal de François Rebsamen. C’était une innovation en France que des centristes viennent travailler avec la gauche à Dijon. Personnellement, j’en étais très fier ».

DLH : Ces désignations, tant sur la 1re que sur la 2e, ne sont-elles pas de nature à agiter et perturber la majorité municipale à Dijon ?

B. B : « Nous avons, au niveau municipal, une majorité de large rassemblement qui travaille ensemble sur Dijon et sur la Métropole. On chercherait à casser cette belle dynamique qu’on ne s’y prendrait pas autrement. On peut donc se poser la question : est-ce qu’il n’y aurait pas des petits jeux pour, éventuellement, tenter d’affaiblir la majorité municipale ? Je ne sais pas. Dans tous les cas, celui qui voudrait s’amuser à ça, je lui souhaite beaucoup de courage.

J’insiste une nouvelle fois sur le fait qu’il n’y a pas eu la volonté de réfléchir à un rassemblement au-delà du rassemblement. Il y avait l’opportunité de s’appuyer sur d’autres candidats qui étaient déjà annoncés. Un travail en amont avec eux n’aurait pas été inutile ».

DLH : A qui pensez-vous ?

B. B : « En premier lieu à Pierre Pribetich. Lui, il fait campagne. De plus, il n’a pas attendu cette période électorale pour être sur le terrain et aller à la rencontre des habitants de la circonscription. Je travaille avec lui depuis 2008 au sein de la municipalité de Dijon. C’est un social-démocrate, très investi dans les dossiers et tout particulièrement dans la 2e circonscription. Il est le seul à regrouper les conditions d’une candidature de large rassemblement pleinement au service de la majorité présidentielle, en cohérence avec la politique qu’il porte au niveau local. C’est un élu assidu, quotidiennement engagé au service des citoyens et qui porte une vraie vision sociale, démocrate et écologique. J’invite, par ailleurs plus largement, dans un souci de cohérence et d’unité, toutes celles et ceux qui partagent ces convictions et cette envie d’un rassemblement autour de la majorité présidentielle à rejoindre la dynamique qui est désormais enclenchée sur les 1re, 2e et 3e circonscriptions de Côte-d’Or autour de Sladana Zivkovic, jeune élue de Dijon qui, elle, incarne le renouvellement, Pierre Pribetich et Anne Dillenseger. Ces candidats, s’ils sont élus, seront à même de ramener le curseur vers un vrai progressisme, une vraie social-démocratie ».

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE