La CPME 21 (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises) tient son assemblée générale ce jeudi 23 mars au château de Gilly-les-Cîteaux. L’occasion pour son président, Benoît Willot, de faire un large tour d’horizon de ces derniers mois.
Dijon l’Hebdo : Une assemblée générale pour une structure comme la vôtre, est-ce que ça reste un temps fort dans l’année ?
Benoît Willot : « L’assemblée générale reste incontestablement un moment important. C’est une belle photographie de l’exercice écoulé. Sur le plan financier, nous présentons un bilan plutôt serein avec un résultat honorable, amélioré par rapport à l’an passé, même si la CPME n’a pas vocation à faire du résultat.
Pour ce qui concerne l’ensemble des actions que l’on a pu mener, on mesure notre réussite avec le gain de nouveaux adhérents. C’est la seule variable qui nous permet d’évaluer la pertinence de nos actions. Nous avons enregistré l’arrivée de 110 nouvelles entreprises avec un taux de renouvellement de 85 % qui nous permet de nous situer au premier rang des CPME de France. Avec un peu moins de 800 adhérents, je pense que nous avons atteint un plafond de verre. Si on envisageait de faire évoluer ce chiffre, il faudrait s’assurer le recrutement d’un nouveau chargé de développement ».
DLH : N’est-ce pas tentant, malgré tout, de rester sur une courbe ascendante ?
B. W : « On s’interroge évidemment sur les virages que l’on pourrait prendre pour notre développement futur. Faut-il augmenter le nombre d’adhérents ? C’est un vrai sujet de réflexion. Nous connaissons nos limites. Nous ne percevons aucune subvention. On ne vit que de nos adhésions et de nos quelques partenariats. On est la PME du syndicalisme patronal ».
DLH : Quels sont les secteurs géographiques où vous disposez d’une marge de progression ?
B. W : « On pourra toujours progresser sur l’agglomération dijonnaise mais ce sera à la marge. Le véritable potentiel de développement, il est sur l’axe Beaune – Nuits-Saint-Georges. On y constate une certaine faiblesse au regard du nombre d’entreprises qui pourraient nous rejoindre. Notre présence s’est affirmée dans le Nord Côte-d’Or avec une quarantaine d’adhérents. C’est bien quand on sait qu’on est parti de rien. Même si le potentiel de développement est plus restreint, nous poursuivrons quand même nos efforts sur cette partie du territoire. On peut et on doit faire mieux ».
DLH : Vous citez l’axe Beaune – Nuits-Saint-Georges et vous reconnaissez que le milieu de la vigne et du vin représente un formidable potentiel. Envisagez-vous de créer une section dédiée au sein de la CPME de Côte-d’Or ?
B. W : « Effectivement, on peut envisager demain d’avoir un pôle non statutaire, mais bien spécifique, qui regroupe les métiers de la viticulture dont les problématiques sont bien particulières. Votre question rejoint une réflexion que l’on porte depuis déjà quelque temps même si les professionnels de la vigne et du vin qui sont déjà à nos côtés soulignent l’importance de côtoyer aussi d’autres univers que le leur ».
DLH : Qu’est-ce que vous retenez de positif de ces douze derniers mois ?
B. W : « Tout d’abord que la CPME en Côte-d’Or va bien. Très bien même. Le conseil d’administration fonctionne de mieux en mieux. Les présidents de branches sont très investis : Geoffroy Secula, à l’industrie, Sylvain Camos, aux services, Brunot Dumont, à l’artisanat, Bruno Dormoy, aux finances… Les réformes de fonctionnement mises en place depuis 2014, année de mon élection à la présidence, ont pris leur plein effet et je m’en réjouis.
Tout comme je me réjouis de la réélection de Xavier Mirepoix, issu de nos rangs, à la présidence de la CCI 21 ».
DLH : Et la relation CPME – MEDEF ?
B. W : « Elle a évolué dans le bon sens. On a réussi à dépasser les clivages d’antan pour entretenir désormais une relation saine et même amicale. La liste commune avec le MEDEF pour les délégués consulaires est une réussite. Plutôt que d’avoir une hégémonie CPME dont on a compris les limites quand il faut trouver des candidats au renouvellement du tribunal de commerce, nous aurons des juges issus des deux organisations patronales. On n’est pas de trop avec le MEDEF pour présenter les bons candidats capables d’éviter qu’un jour cette juridiction soit gérée par des magistrats professionnels comme il en avait été un temps question ».
DLH : Où en êtes-vous de la fusion des deux régions ?
B. W : « Elle est achevée et c’est important de souligner la réussite de cette fusion Bourgogne – Franche-Comté et de l’organisation de sa gouvernance. Cela s’est fait rapidement et efficacement. Les problèmes sont survenus dans le temps avec les différents modes de fonctionnement des deux structures régionales. D’un côté, une CPME Bourgogne, très forte dans ses départements qui avaient les pleins pouvoirs, où la région, finalement, n’était juste qu’un organe de contrôle des bonnes pratiques et d’orientation générale. En Franche-Comté, c’était l’inverse. Toutes les ressources étaient concentrées au niveau régional au détriment de départements « pauvres en opérationnel ».
Il a fallu harmoniser les façons de voir et de faire : le président départemental reste l’acteur référent et majeur du développement de la CPME. Conséquences : en un an, le Doubs a fortement augmenté le nombre de ses adhérents qui sont passés de 100 à 150. Le Territoire de Belfort et la Haute-Saône sont en progression. Seul le Jura éprouve des difficultés en terme de croissance.
Deux tiers des 2 000 adhérents sont en Bourgogne. La Côte-d’Or occupe la première place devant la Saône-et-Loire, l’Yonne, le Doubs, le Territoire de Belfort, la Haute-Saône, la Nièvre et le Jura ».
DLH : Quelles sont vos relations avec le conseil régional ?
B. W : « Avec la Région, c’est un peu différent. On espère obtenir des résultats même s’ils apparaissent cependant un peu lointains dans le temps. Nous avons rencontré Marie-Guite Dufay, la présidente, pour faire le point sur nos attentes à l’échelle de la Bourgogne – Franche-Comté. Dans la réflexion sur le développement économique, nous avons insisté sur le fait que la Bourgogne a aussi de vrais atouts et qu’il n’y a pas que la Franche-Comté avec son noyau industriel… »
DLH : Et avec les autres collectivités ?
B. W : « Elles sont bonnes. Les élus comprennent la nécessité d’améliorer la commande publique au service des entreprises. Au travers du SBA (1), nous voulons amener les collectivités et surtout leurs permanents à privilégier les entreprises locales en s’appuyant d’ailleurs sur des règles légales du code des marchés publics qui permettent, par exemple, de donner la préférence au mieux disant.
C’est bénéfique pour tout le monde : les élus, les entreprises et leurs salariés, mais aussi l’économie locale. L’argent reste sur le territoire et il est dépensé sur place.
Je note qu’il y a une vraie volonté politique de travailler dans ce sens qu’elle émane de François Rebsamen pour Dijon et le Grand Dijon ou de François Sauvadet pour le Département. Et il est important de travailler en harmonie avec les services des collectivités qui mettent en œuvre cette volonté politique ».
DLH : Quels sont les points négatifs que vous retenez de l’exercice écoulé ?
B. W : « On pourrait être encore mieux organisé dans l’accueil et dans le suivi de nos adhérents, notamment de ceux qui ne viennent pas, ou peu, à nos manifestations. Il y a là matière à s’améliorer même si on touche aux limites de notre structure humaine.
Par ailleurs, on ne dit pas assez bien ce qu’on fait durant l’année pour les entreprises adhérentes qui nous sollicitent. Des actions efficaces qui ont du sens et sur lesquels il nous faut capitaliser. Notre rapport moral présenté à l’assemblée générale doit être remis en forme pour devenir un argument de promotion.
Et puis, il y a des défaites qui valent presque des victoires… Je m’explique : Notre liste « Fiers d’être Artisans », portée par la CGPME, la FFB et ses partenaires, a gagné les élections des Chambres de Métiers et de l’Artisanat dans l’Yonne et en Côte d’Or. Elle a fait un score de 48,08% sur l’ensemble de la région Bourgogne – Franche-Comté, renforçant de 10 points ses résultats par rapport à 2010. Malheureusement, l’UPA n’a permis aucune ouverture aux élus de notre liste. Aucun poste de président ou vice-président dans les deux départements gagnés, aucun poste au bureau de la Région Bourgogne ni dans les Commissions Régionales. C’est une attitude complètement lamentable… »
DLH : Quelles seront vos priorités immédiates en ce printemps 2017 ?
B. W : « Nous allons réactiver notre pôle création-transmission-reprise. Ce sera un axe majeur de l’année 2017. On ne créera pas de structure annexe. On va le faire en interne avec notre pôle professions réglementées, nos notaires, nos avocats, nos expert-comptables et notre partenaire bancaire qu’est la Caisse d’Epargne, qui prendront en charge les dossiers de vendeurs et de repreneurs potentiels au seins de la CPME ».
DLH : Quelle position adopterez-vous par rapport à l’élection présidentielle ?
B. W : « L’élection présidentielle sonnera l’heure des choix. Soit la France continuera d’opter pour la frilosité, l’assistanat, les dépenses publiques et le chômage, soit elle s’engagera sur la voie des réformes audacieuses en diminuant le poids de la sphère publique et en redonnant confiance aux acteurs économiques.
Pour donner corps à cet élan que nous appelons de nos vœux, la Confédération des PME formule, à l’intention des candidats à l’élection présidentielle, 89 propositions de nature à créer un environnement favorable aux entreprises et à ceux qui prennent le risque d’entreprendre. Loin des polémiques et des querelles de clochers, ces propositions ne sont pas catégorielles, elles rejoignent l’intérêt général. À l’occasion de l’élection présidentielle, nous avons publié un livret intitulé « 89 propositions pour les TPE-PME / 5 ans pour agir ». Nous en sommes convaincus, il est possible de réformer en donnant du sens et en s’inscrivant dans un cadre général ».
DLH : Quelles sont les principales mesures qu’il conviendrait de prendre après l’élection présidentielle ?
B. W : « Il y a tellement de mesures de bons sens à prendre pour donner ou redonner envie d’entreprendre, encourager la prise de risques… Les sujets ne manquent pas : la fiscalité qui pèse sur nos entreprises, le code du travail, le coût du travail, le compte pénibilité, la taxation des CDD, le relèvement des seuils, les accords d’entreprises avec les salariés, la protection des biens personnels, la taxation des dividendes…
François Asselin, notre président national l’a encore dit récemment : on ne peut pas vouloir la baisse des charges qui pèsent sur les entreprises et reculer devant la nécessité d’une réduction des charges publiques. On ne peut pas s’abriter derrière l’esprit administratif et le principe de précaution et prétendre encourager l’entrepreneuriat et l’innovation. On ne peut pas durcir les contraintes sur les employeurs et s’étonner que la notion même de salariat soit remise en cause.
Rendre dégressives les allocations chômage n’est, par exemple, acceptable qu’après avoir réformé le marché du travail. Basculer vers une société de travailleurs indépendants exige que l’on se pose la question de leur protection sociale d’aujourd’hui et surtout de demain. Revoir la formation professionnelle n’a d’intérêt que si celle-ci permet de préparer les salariés aux mutations profondes qui se profilent. De même, il convient de se poser la question de l’avenir du paritarisme en France. Il est impératif qu’une véritable réflexion s’engage pour en redéfinir les contours et les objectifs ».
DLH : Et vous êtes toujours vent debout contre le prélèvement à la source ?
B. W : « Plus que jamais. Il faut arrêter immédiatement le projet de prélèvement de l’impôt à la source. Ce dispositif est complètement ahurissant dans une période où l’on veut créer du lien social avec les salariés. Nous ne voulons pas devenir des percepteurs. C’est un motif de litige potentiel et de mal être social dont nous n’avons pas besoin en ce moment ».
DLH : Au cours de l’assemblée générale, Jean-Michel Pottier, vice-président national aux affaires sociales de la CPME, animera une table ronde sur le thème « la CPME au cœur des négociations ». Négociation, c’est un mot que vous avez souvent coché sur votre agenda 2016 ?
B. W : « J’ai représenté la CPME – à l’époque, la CGPME – dans la négociation sur l’assurance chômage. Cette négociation a occupé une bonne partie de mon temps ces derniers mois. Hélas, vous le savez, il n’y a pas eu d’accord. La convention existante a été prorogée. La négociation reprend cette année. Ce sera sans moi même si je reste vice-président de l’UNEDIC. Je me ferai remplacé. Cela me permettra de me reconcentrer sur le local ».
Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE