François Rebsamen : « Il faut dire la vérité ! »

 

Avant les 4 réunions publiques qu’il a programmées d’ici la fin du mois dans les quartiers, le maire de Dijon a répondu à nos questions. L’occasion d’évoquer avec François Rebsamen les dossiers dijonnais d’importance : la genèse attendue de la métropole pour laquelle il se bat depuis de nombreux mois mais aussi la fiscalité, les investissements, les embauches de policiers municipaux supplémentaires, les commerces du centre-ville… L’ancien ministre nous dévoile aussi son idée d’un Centre de la Formation de tous les métiers de la Sécurité – publique comme privée – qui pourrait être adossé à l’Ecole nationale de Gendarmerie dont le périmètre va être élargi avant la fin 2017. Mais il nous annonce également en exclusivité une prochaine consultation de tous les Dijonnais sur des décisions d’envergure. Vous découvrirez également dans cette interview quelle est sa position pour la Primaire de la gauche…

Dijon l’Hebdo : Après les décès liés à la méningite sur le pôle Economie-Gestion, l’Université de Bourgogne vit une situation sanitaire sans précédent avec une campagne de vaccinations destinée à l’ensemble des étudiants. J’imagine que vous avez suivi ce dossier avec une attention toute particulière…

François Rebsamen : « Bien sûr. Les services de l’Etat ont su répondre comme il convenait. La campagne de vaccinations proposée pour tous les étudiants qui le souhaitent était la mesure nécessaire à prendre. C’est très rare d’avoir ce type de méningocoque W135 ».

Dijon l’Hebdo : Le ministre de l’Intérieur, Bruno Leroux, a effectué sa première visite le 6 janvier à Dijon. La question de la sécurité intérieure et de la lutte contre le terrorisme a bien évidemment été évoquée. L’augmentation du nombre de policiers municipaux est-elle liée à ce contexte particulier ?

F. R. : « Je tiens à rappeler que la Police et la Gendarmerie avaient été durement frappées sous Nicolas Sarkozy par des réductions d’effectifs : 20 000 agents au total en moins ! En 2012/2013, le ministre de l’Intérieur a arrêté la mise en œuvre de cette RGPP (Révision générale des politiques publiques) qui consistait à supprimer un poste de fonctionnaire sur deux qui partaient à la retraite. Cela a déjà été une avancée importante mais, en 2014-2015, suite aux décisions du président de la République et aux attentats, il a été décidé de stopper les départs RGPP et d’embaucher 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires. Cela a entraîné pour nous la création d’une Ecole nationale de la Gendarmerie. Les policiers recrutés ont été affectés prioritairement au service de renseignement, à la Police de l’air et des frontières et à la Sureté du Territoire, autrement dit au retour d’un service de renseignements généraux. Cependant les effectifs de Sécurité publique sont aujourd’hui inférieurs à ce qu’ils étaient en 2012. Pour la première fois, les sorties d’école de police (450 depuis début janvier) vont être affectés à la Sécurité publique mais l’on ne recréera pas – et je le regrette – la police de proximité. Je souhaite donc que la Police municipale devienne une sorte de Police de tranquillité publique œuvrant en proximité. C’est pour cela que nous avons souhaité embaucher 30 policiers municipaux supplémentaires, leur donner les moyens d’exercer leur mission en sécurité pour eux, de modifier les horaires de travail. L’ensemble des services ont été réorganisés sous la tutelle de Nathalie Koenders. La semaine dernière, la première des trois brigades de nuit que je veux mettre en œuvre à terme est entrée en action ».

Dijon l’Hebdo : C’était il y a un peu plus d’un mois : Bruno Leroux était nommé ministre de l’Intérieur. François Hollande vous avait proposé le poste et vous aviez refusé. Ne regrettez-vous pas votre décision ?

F. R. : « François Hollande n’aime pas que je le dise mais il me l’a, en effet, proposé le lundi matin. J’ai refusé. Le lundi à 21 heures, il est revenu à la charge et j’ai à nouveau décliné l’offre. Vu que les radios annonçaient ma possible nomination le lendemain matin, j’ai dû faire savoir que j’avais refusé. C’est Bruno Leroux qui a pris ma place et je trouve cela très bien. Je n’ai aucun regret. J’ai choisi Dijon ! J’ai dit à François Hollande que c’était en mai 2012 qu’il fallait me faire cette proposition… »

Dijon l’Hebdo : Fin 2016, vous avez inauguré avec Bernard Cazeneuve l’Ecole nationale de Gendarmerie sur l’ancien site de la BA 102. Confirmez-vous l’arrivée cette année d’un Centre national de la Sécurité publique ?

F. R. : « Oui, le futur général Olivier Kim a annoncé le 4 janvier non seulement le chiffre de 900 élèves – et non plus 700 – à Dijon-Longvic mais aussi la formation de tous les gendarmes de Côte-d’Or ainsi que, à terme, celle des gendarmes de tous les départements français. Mon idée est que nous fassions également un Centre de formation à tous les métiers de la sécurité qui pourrait concerner la Police municipale mais aussi des agents de sécurité privée.

A l’instar, par exemple, de ceux de la SIG à Dijon qui agit très bien, qui coproduit de la sécurité. Il faut que les agents sortent de plus en plus certifiés, formés, parce qu’ils peuvent être aussi confrontés à de la violence ».

Dijon l’Hebdo : Vous avez œuvré pour que l’agglomération dijonnaise devienne une métropole, après être passée en communauté urbaine. Cela pourrait intervenir dans les semaines qui viennent. En quoi cela pourrait être une avancée pour l’agglomération ?

F. R. : « Le passage en métropole devrait être entériné la première semaine de février. Cela sera une avancée très importante parce que nous serons la seule métropole de Bourgogne Franche-Comté. Cela nous conférera également des pouvoirs supplémentaires dans la relation avec les autres. En étant communauté urbaine, on est en relation avec soi-même en intégrant, par, exemple la voirie de toutes les communes. Là, nous pourrons nous tourner vers les autres partenaires. Cela nous donne la possibilité de négocier avec le Département – je proposerai à François Sauvadet de le rencontrer à ce sujet – mais aussi avec la Région, sur les compétences économiques et les lycées, ainsi qu’avec l’Etat, sur la base d’un contrat qui le lierait à la métropole, avec des fonds que l’Etat nous apporterait ».

Dijon l’Hebdo : La carte de vœux que vous avez adressée aux Dijonnais est on ne peut plus claire : vous ferez tout pour que Dijon soit « une capitale » et ce dans tous les domaines : « gastronomique, économique, sportive, étudiante, festive… »

F.R. : « Notre capitale régionale métropole continue à se développer. Les chiffres de l’INSEE le montrent : Dijon est la seule ville du Grand Est qui gagne des habitants. Nous serons 160 000 à l’horizon 2020. Nous aurons ainsi progressé de 10000-12000 habitants, là où les autres les perdent. C’est bon pour les finances de la Ville, son rayonnement, les écoles, les entreprises, l’activité. Une ville qui se développe est une ville qui devient de plus en plus attractive. Nous assistons ainsi à l’explosion de l’activité commerciale au centre-ville. Dijon a un centre commercial de cœur de ville extraordinaire. Personne n’en parle : nous disposons de beaucoup de commerces indépendants. Ce ne sont pas que des franchisés qui s’alignent les uns à côté des autres comme dans nombre d’autres villes. Je salue l’inventivité des commerçants qui sont là. La piétonisation les aide beaucoup. Janvier, février ne sont pas les deux meilleurs mois mais décembre a été normalement un bon mois. Avec le retour du printemps, les animations battront à nouveau leur plein. Je rappelle aussi que le taux de vacance, de 5,5%, est bien inférieur à la moyenne nationale. Le seul problème reste la cherté des loyers ! »

Dijon l’Hebdo : Le président du conseil départemental, François Sauvadet, vous a interpelé en déclarant que « vous vouliez cette métropole mais pour en faire quoi ? » « Comme pour la Cité de la Gastronomie, a-t-il précisé, il ne sait toujours pas ce qu’il y a dedans » Pouvez-vous le rassurer… 

F. R. : « D’abord j’espère qu’il a mangé du bon chocolat à Noël parce que cela rend aimable. S’il ne l’a pas fait je lui en offrirai pour que l’on rentre dans une relation courtoise, comme cela doit être. Mais je ne suis pas dans une relation de vassal à suzerain. Il faut qu’il soit plus modeste. Je lui présenterai la Cité de la Gastronomie sur pièces et sur place s’il accepte de se déplacer. Comme cela, il connaîtra le projet et l’on discutera des compétences. J’espère que l’on trouvera un accord. Si tel n’est pas le cas, alors nous prendrons toutes les compétences comme la loi le prévoit ».

Dijon l’Hebdo : Depuis le 1er janvier, l’eau revient à 15 centimes de moins par m3. Comment avoir réussi à maintenir les investissements pour améliorer le réseau de distribution et obtenir, dans le même temps, cette baisse ?

F. R. : « Nous avons mené une renégociation et un accord a été signé avec le Pdg de Suez-Environnement, Jean-Louis Chaussade. J’ai considéré qu’il était normal qu’une entreprise privée qui assumait une délégation de service public fasse des bénéfices, jusqu’à 5%. Je signale d’ailleurs que, dans les transports dont tout le monde parle, le taux de marge de Keolis n’est que de 2%. En contrepartie, elle doit gérer encore mieux, résorber le taux de fuite pour qu’il y ait une solidité du réseau à plus de 80%. Et, ensuite, elle doit nous restituer le surplus de bénéfices. J’ai décidé de redistribuer ce qu’il y a au-dessus de 5% aux Dijonnais. Et ce, sous 3 formes : des investissements, une tarification sociale et la baisse du prix de l’eau, à raison de 13 à 15 centimes/m3 par an jusqu’en 2020. A cette date, le prix de l’eau à Dijon sera légèrement inférieur à la moyenne des villes françaises. C’est un accord gagnant/gagnant entre Suez-Lyonnaise des Eaux et les abonnés ».

Dijon l’Hebdo : Autre décision de taille qui influera sur le pouvoir d’achat des Dijonnais : la non-augmentation de la fiscalité. Est-ce un signe fort que vous avez souhaité adresser aux ménages après l’augmentation de 2016 ?

F. R. : « J’avais une règle mais j’ai été contraint de la modifier. Lorsqu’il y avait de la visibilité sur les finances, la règle était de ne jamais augmenter les taux au-delà de l’inflation. J’ai dû y déroger l’année dernière car la ponction de l’Etat nous aurait, dans ce cas-là, obligés de fermer des services publics. Nous avons été contraints de les accroître de 5%. Il faut savoir qu’à Toulouse l’augmentation a été de 15%, 10% à Bordeaux, 9% à Lyon… Mais, même en faisant 5%, nous avons le 5e taux de taxe d’habitation le moins élevé de France, avec, certes, le 13e taux de taxe foncière le plus élevé. Grâce à l’effort de l’année dernière et à la décision du président de la République de diminuer de moitié la ponction, nous avons pu faire cette année 0%. Vu que l’on n’a pas de visibilité, je ne sais pas ce qu’il se passera l’année prochaine. Nous nous adapterons… Il faut savoir toute de même que la dotation globale de fonctionnement de la Ville de Dijon était de 37 M€ lorsque je suis parti en 2013 contre 23 M€ aujourd’hui. Soit une baisse de 14 M€ ! Sachant qu’un point d’impôt représente 1 M€… Il a fallu faire des efforts, nous l’avons fait et la Cour des Comptes a rendu hommage à la gestion de la Ville de Dijon ».

Dijon l’Hebdo : Dans le même temps, le budget d’équipement passe de 30,3 M€ en 2016 à 32,4 M€ cette année. Pour vous, une ville qui n’investit pas est toujours une ville qui se meurt ?

F. R. : « Oui ! Il faut que l’on continue à se développer. Nous poursuivons nos investissements car ils sont synonymes d’emplois. Les entreprises du bâtiment et des travaux publics sont très satisfaites. Sachez que nous avons, avec plus de 1 200 permis de construire, battu un véritable record l’année dernière. 2017 verra la mise en œuvre de tous ces projets ; ce sera donc une bonne année pour le bâtiment. Il faut continuer à investir et à innover ».

Dijon l’Hebdo : Vous allez à nouveau à la rencontre des Dijonnais à l’occasion de 4 réunions publiques à partir du 18 janvier (voir encadré). Quel est, en substance, le message principal que vous souhaitez leur faire passer ?

F. R. : « Je leur dirai la vérité : les difficultés auxquelles nous nous sommes confrontés. Je vais leur expliquer les efforts que l’Etat nous a demandés et les répercussions locales. Ensuite, je n’écarte pas l’idée de les consulter par un moyen ou par un autre. Nous aurons certainement des grandes décisions à prendre par exemple en ce qui concerne le lac. Je les consulterai alors… »

Dijon l’Hebdo : 2017 sera bien évidemment l’année des élections nationales et celle de tous les dangers pour la gauche. Jusqu’au retrait de François Hollande, vous étiez l’un des rares à ne pas céder aux sirènes du Hollande bashing. Vous n’avez pas encore dit quel candidat vous souteniez à la Primaire de « la belle Alliance populaire »… Pour qui allez-vous donc voter le 22 janvier prochain ?

F. R. : « Je suis président de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains (FNESR). Mon 1er vice-président, Luc Carvounas, est dans le comité de soutien de Manuel Valls, mon 2e vice-président Philippe Baumel dans celui d’Arnaud Montebourg, ma 3e vice-présidente Irène Félix dans celui de Benoît Hamon et mon secrétaire général qui est le maire de Joigny a rejoint Vincent Peillon. Aussi je me réserve pour le moment une neutralité… »

Dijon l’Hebdo : Alors, dites-nous pour qui vous ne voterez pas ?

F. R. : « Je ne voterai pas pour Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon ».

Dijon l’Hebdo : Emmanuel Macron ne se présente donc pas à la Primaire. Le 1er secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a dénoncé « le fait qu’il se dérobait à un débat démocratique ». Critiquez-vous aussi la position d’Emmanuel Macron ?

F. R. : « J’ai appelé Emmanuel Macron à participer aux débats de la Primaire. Cela serait tellement bien. S’il est sûr de lui, il en sortirait vainqueur. Nous aurions alors un candidat du centre gauche de gouvernement. Moi, je ne veux pas que l’on rompe avec la culture de gouvernement, avec une gauche pragmatique et réformiste, fidèle à ses valeurs mais qui s’occupe des gens. Je ne crois pas que les citoyens soient préoccupés par des grands débats idéologiques. Ils sont plus intéressés par des élus qui font attention à eux, qui sont porteurs de bienveillance, qui les protègent, qui défendent la République… »

Dijon l’Hebdo : Après la Primaire, pensez-vous, comme certaines voix semblent déjà l’exiger, qu’un accord soit encore possible avec Emmanuel Macron pour éviter la déperdition des voix à gauche au 1er tour de la Présidentielle ?

F. R. : « Oui, bien sûr. Mon candidat c’est le rassemblement des forces de progrès. Et j’espère que ce sera un socialiste… »

Dijon l’Hebdo : Comme les Américains, les Français pourraient être susceptibles de renverser la table. Que faire pour éviter comme partout en Europe la montée des extrêmes ?

F. R. : « Il faut dire la vérité, expliquer les choses. Les médias nationaux ont contribué à leur manière, par ce mépris permanent des élus, par cette France bashing, à la situation actuelle. Je crains que nous n’en ayons le retour lors de la prochaine élection présidentielle ».

Dijon l’Hebdo : Un dernier mot en cette période de vœux…

F. R. « Si l’on avait quelque chose à souhaiter pour 2017, tous ensemble, c’est que les Français restent rassemblés autour des valeurs de la République, d’une République apaisée, qui mette vraiment en œuvre ses principes. Ensuite, que nous l’emportions dans la lutte contre le terrorisme et que nous continuions de vivre comme l’on vit. Parce que c’est notre modèle de vie qui est attaqué aujourd’hui par les terroristes. Mon vœu, c’est la paix, c’est une société apaisée dans la République ! »

Propos recueillis par Xavier Grizot

Le maire de Dijon François Rebsamen organise 4 réunions publiques par quartiers où il présentera le budget primitif 2017 adopté par le conseil municipal :

  • Mercredi 18 janvier salle Devosge à 19 heures : Centre-ville, Montchapet
  • Vendredi 20 janvier gymnase Colombière à 19 heures : Chevreul, Parc, Mansart, Université
  • Mercredi 25 janvier à la Maison Phare (maison de quartier Fontaine d’Ouche, 2 allée de Grenoble) à 19 heures : Fontaine d’Ouche, Faubourg Raines, Larrey, Bourroches, Port du Canal, Valendons
  • Jeudi 26 janvier au gymnase Chambelland, 8 rue Olympe de Gouges, à 19 heures : Maladière, Drapeau, Clémenceau, Grésilles, Varennes, Toison d’Or, Joffre